L'Afghanistan submergé par la pauvreté et la maladie

Un patient atteint du choléra se repose dans une salle de l'hôpital du district de Musa Qala à Musa Qala, Helmand, le 22 juillet 2022. (Photo, AFP)
Un patient atteint du choléra se repose dans une salle de l'hôpital du district de Musa Qala à Musa Qala, Helmand, le 22 juillet 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 10 août 2022

L'Afghanistan submergé par la pauvreté et la maladie

Un patient atteint du choléra se repose dans une salle de l'hôpital du district de Musa Qala à Musa Qala, Helmand, le 22 juillet 2022. (Photo, AFP)
  • Les salles bondées de l'hôpital délabré du district Musa Qula, dans le sud de l'Afghanistan, ne sont que l'un des symboles de la crise humanitaire dramatique qui frappe le pays, un an après le retour au pouvoir des talibans
  • L'infirmerie s'est vite retrouvée encombrée de patients apathiques, des aiguilles de perfusion plantées dans les poignets

MUSA QALA: Les salles bondées de l'hôpital délabré du district Musa Qula, dans le sud de l'Afghanistan, ne sont que l'un des symboles de la crise humanitaire dramatique qui frappe le pays, un an après le retour au pouvoir des talibans. 

Le mois dernier, cet hôpital de la province de Helmand a été contraint de fermer ses portes, sauf pour les personnes soupçonnées d'être infectées par le choléra. 

L'infirmerie s'est vite retrouvée encombrée de patients apathiques, des aiguilles de perfusion plantées dans les poignets. 

Bien que la clinique ne dispose pas du matériel permettant de tester le choléra, environ 550 patients se sont présentés en quelques jours. 

« C'est très difficile », confie Ehsanullah Rodi, le chef de l'hôpital, épuisé, qui ne dort que cinq heures par jour depuis le début de l'afflux de patients. 

« Nous n'avons pas vu cela l'année dernière, ni auparavant », assure-t-il. 

Les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, après le retrait précipité des forces étrangères dirigées par les Etats-Unis. Si les violences ont fortement diminué depuis, la crise humanitaire dans le pays s'est rapidement aggravée. 

« Pas de pain sec »  

La pauvreté, plus marquée dans le sud du pays, a atteint un niveau désespéré, exacerbé par la sécheresse et la hausse des prix depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. 

« Depuis que l'Émirat (taliban) est au pouvoir, nous ne pouvons même pas trouver de l'huile », déplore une femme sur un lit d'hôpital à Lashkar Gah, la capitale provinciale de Helmand, à côté de son petit-fils de six mois souffrant de malnutrition. 

« Les pauvres sont écrasés sous leurs pieds », ajoute à propos des talibans cette femme de 35 ans, le visage caché derrière un voile. 

Son petit-fils est soigné pour la cinquième fois à l'hôpital Boost, un dédale de bâtiments géré conjointement par le ministère afghan de la Santé et Médecins sans frontières (MSF). 

« Nous ne pouvons même pas trouver de pain sec », regrette Breshna, la mère d'une autre patiente.  »Nous n'avons rien à manger depuis trois ou quatre jours ». 

Le personnel « n'a pas de repos », renchérit Homeira Nowrozi, la surveillante adjointe des soins infirmiers. 

« Nous avons beaucoup de patients qui arrivent dans un état critique », développe-t-elle, parce que les parents ne pouvaient pas se déplacer plus tôt. 

« Nous ne savons pas combien de décès (...) nous avons dans les districts » parce que beaucoup de personnes »ne viennent pas à l'hôpital », ajoute Homeira Nowrozi, qui lutte pour être entendue au-dessus des cris des nourrissons. 

Aide humanitaire coupée 

La détresse économique de l'Afghanistan a commencé bien avant la prise de pouvoir par les talibans, mais celle-ci a poussé le pays de 38 millions d'habitants au bord du précipice. 

Les États-Unis ont gelé 7 milliards de dollars d'actifs de la banque centrale, le secteur bancaire s'est effondré et l'aide étrangère, représentant 45% du PIB du pays, s'est arrêtée soudainement. 

« Comment apporter de l'aide à un pays dont vous ne reconnaissez pas le gouvernement ? », s'interroge Roxanna Shapour, de l'Afghanistan Analysts Network (AAN). 

L'aide humanitaire face à des crises telles que le tremblement de terre de juin - qui a tué plus de 1.000 personnes et laissé des dizaines de milliers d'autres sans abri - est simple en revanche, dit-elle, car il s'agit d'une aide « apolitique, c'est une aide vitale ». 

Des fonds sont également acheminés par avion pour financer l'aide alimentaire et les soins de santé. Mais l'aide pour des projets à long terme est plus complexe. 

« Si vous entrez dans le pays et dites: 'Je vais payer tous les salaires des enseignants', c'est très bien », estime Roxanna Shapour. 

« Mais alors, que feront les talibans avec l'argent qu'ils ne dépenseront pas pour les salaires des enseignants ? » 

À Musa Qala, l'économie semble à peine subsister grâce à la réparation de motos, la vente de carcasses de volaille et de boissons énergisantes conservées tièdes dans des congélateurs sales. 

« Habits du gouvernement trop grands »

La ville, qui a été le témoin de certains des chapitres les plus sanglants de la guerre de 2001-2021, est reliée à Lashkar Gah, la capitale du Helmand, par une piste qui remonte le lit d'une rivière desséchée bordée de rochers déchiquetés. 

La route reprend plus au sud à Sangin, où les murs de boue ont été tellement endommagés par les tirs d'artillerie qu'ils s'effondrent. 

« Maintenant, nous pouvons nous rendre à l'hôpital, qu'il fasse nuit ou jour », raconte Maimana, dont la fille Asia, âgée de huit ans, est soignée à Musa Qala. 

« Avant, il y avait des combats et des mines, les routes étaient bloquées », se souvient-elle. 

L'afflux de nouveaux patients signifie qu'il y a »moins de place » et qu'« il y a moins de personnel, donc des difficultés », analyse le directeur de la santé publique de Helmand, Sayed Ahmad. 

Néanmoins, ce médecin à la voix douce dont le bureau est garni d'ouvrages médicaux, insiste sur le fait que « la situation globale est meilleure » que sous le précédent gouvernement, où la corruption était monnaie courante. 

Le drapeau taliban flotte désormais ouvertement à Helmand, planté sur des bâtiments criblés de balles. 

Après avoir convoité le contrôle du pays pendant deux décennies, les talibans dirigent la nation au moment où elle est le plus ruinée. 

« Les habits du gouvernement sont trop grands pour eux », conclut un homme de Lashkar Gah, qui a souhaité garder l'anonymat. 


Guerre en Ukraine: la boue, l'ennemi commun

Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. (AFP).
Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. (AFP).
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  • A certains endroits sur le parcours, les traces noires des gros pneus ou des chenilles dessinent une succession de lignes parallèles rapprochées
  • Après l'hiver froid et neigeux, l'arrivée du printemps avec ses pluies et ses températures plus douces a consacré le retour en force de la boue sur le champ de bataille du Donbass

BAKHMOUT: "La partie la plus difficile, c'est de monter la colline": les mains rivées sur le volant d'un gros camion, le soldat Grygoriï conduit dans les larges ornières de boue tracées au milieu des champs, dans l'est de l'Ukraine.

Dans la montée, le moteur V8 à essence vrombit, les roues patinent un peu puis adhèrent à nouveau et le camion 6X6 poursuit son chemin sinueux au rythme d'embardées quand il faut vite quitter une ornière piégeuse pour une autre, moins profonde ou moins glissante.

"Cela fait six mois que je conduis ce camion. Le ZIL-131, avec trois essieux moteurs, nous sauve à chaque fois" de la boue, s'exclame Grygoriï, âgé de 39 ans, après 25 minutes de conduite houleuse à travers champs pour s'arrêter près d'une position d'artillerie de son unité, jusqu'où il transporte personnel et munitions.

A certains endroits sur le parcours, les traces noires des gros pneus ou des chenilles dessinent une succession de lignes parallèles rapprochées, sur une largeur d'une dizaine de mètres.

Après l'hiver froid et neigeux, l'arrivée du printemps avec ses pluies et ses températures plus douces a consacré le retour en force de la boue sur le champ de bataille du Donbass.

Tranchées devenues quasiment des baignoires où les soldats pataugent à mi-mollet, épaisse couche de terre collée aux semelles, pick-up, véhicules blindés et même parfois chars détruits par des frappes après s'être embourbés : les vidéos liées à la pluie et la boue ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières semaines.

Après quelques jours de temps sec, la pluie est revenue dimanche dans le Donbass, notamment près de Bakhmout, où les combats font rage depuis des mois entre les forces ukrainiennes qui défendent la ville et les forces russes qui tentent de l'encercler et la prendre.

"Il y a deux semaines, nous n'avions que deux chemins : à travers la boue... ou à travers la boue", résume le conducteur d'un char ukrainien T-64, en position d'attente d'ordres au nord de Bakhmout.

Comparant les modèles de chars soviétiques, le soldat, qui ne souhaite pas être nommé, estime que le T-64 "n'a aucun problème à rouler dans la boue, ses chenilles ont été conçues de manière à ce qu'il s'immobilise assez rarement. Le T-72 est le pire pour la boue, comme le T-90", assure-t-il en spécialiste.

Offensive « impossible »

Ici les routes sont souvent recouvertes de la fameuse terre noire ukrainienne, parmi les plus fertiles au monde car très riche en humus.

Rapportée des champs ou des talus par les chenilles des blindés, elle se transforme vite en boue grasse sous la pluie.

Si le front est figé depuis fin novembre, le temps actuel n'est pas vraiment propice à la reprise de grandes offensives de part et d'autre, observent des militaires.

"Les deux camps attendent que les conditions météo s'améliorent", explique à l'AFP Rouslan, le chef de l'unité d'artillerie à laquelle appartient Grygoriï le chauffeur.

"Toute offensive massive est désormais impossible ou du moins très problématique. Le temps joue en faveur de ceux qui défendent", prévient-il.

Si les unités de combat souffrent de la boue, celle-ci peut aussi ralentir l'évacuation de blessés.

"Bien sûr, c'est un problème, mais nous avons toujours trouvé un véhicule approprié pour qu'un soldat grièvement blessé soit transporté à l'hôpital", assure sous anonymat un responsable d'un centre de premiers soins dans un petit village situé près de la ligne de front.

Les soldats légèrement blessés ou commotionnés sont gardés dans ce centre pendant quelques heures car "ils peuvent attendre", explique-t-il.

"Pour les cas plus graves, nous les transportons avec les véhicules que nous avons ici (...) même si nous ne pouvons pas nous déplacer rapidement. Vous avez vu, il y a des trous partout !", ajoute le soignant, en montrant ce jour-là la piste couverte d'une boue glissante et épaisse, creusée d'ornières, devant le centre de soins.

Pour un lieutenant d'une unité d'infanterie rencontré près de Bakhmout et qui a souhaité aussi garder l'anonymat, la pluie "est un gros problème ! Nos gars restent dans les tranchées, dans la boue, et ils doivent tenir le poste".

Mais une amélioration de la météo ne facilitera pas forcément la vie des Ukrainiens qui pressentent une offensive russe.

"Les véhicules à chenilles sont également bloqués maintenant, à la fois de notre côté (ukrainien) et de leur côté (russe). Si le temps devient sec et le reste pendant 3-4 semaines, l'ennemi attaquera. Il y aura sûrement une attaque à grande échelle", prédit-il.


Nouvelles discussions Xi-Poutine à Moscou, Kishida attendu à Kiev

Ces dernières années, Pékin et Moscou se posent en effet comme des contrepoids géopolitiques à la puissance américaine et ses alliés (Photo, AFP).
Ces dernières années, Pékin et Moscou se posent en effet comme des contrepoids géopolitiques à la puissance américaine et ses alliés (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de trois jours de M. Xi en Russie est une occasion pour Vladimir Poutine de s'afficher avec un allié de poids
  • Le Premier ministre du Japon Fumio Kishida est quant à lui en route vers Kiev pour une visite surprise et une rencontre

MOSCOU: Vladimir Poutine et Xi Jinping doivent se retrouver mardi pour des discussions officielles au deuxième jour de la visite du président chinois en Russie, avec au programme l'Ukraine et le rapprochement entre Moscou et Pékin, au moment où le Premier ministre japonais Fumio Kishida se rend à Kiev pour une visite surprise et une rencontre, mardi, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

MM. Xi et Poutine devraient logiquement aborder à nouveau le conflit en Ukraine, Pékin ayant proposé le mois dernier un plan de paix, mais aussi leur coopération au sens large et l'approfondissement de leurs liens économiques, avec la signature attendue d'accords.

La visite d'Etat de trois jours de M. Xi en Russie est une occasion pour Vladimir Poutine de s'afficher avec un allié de poids, alors qu'il est de plus en plus isolé en Occident et visé depuis la semaine dernière par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI).

Le Premier ministre du Japon Fumio Kishida est quant à lui en route vers Kiev pour une visite surprise et une rencontre, mardi, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a fait savoir Tokyo.

M. Kishida va "transmettre au président Zelensky son respect pour le courage et la persévérance du peuple ukrainien qui défend sa patrie sous son commandement, ainsi que la solidarité et le soutien infaillible à l'Ukraine du Japon et du G7", a déclaré la diplomatie nippone dans un communiqué.

Fumio Kishida était le seul dirigeant membre du groupe à ne pas encore être allé à Kiev depuis le début du conflit en février 2022.

«Couverture diplomatique»

Tokyo s'est joint aux sanctions occidentales contre la Russie et a annoncé en février une nouvelle aide de 5,5 milliards de dollars (5,1 milliards d'euros) à l'Ukraine. Le Japon n'a cependant pas fourni d'aide militaire, sa Constitution pacifiste le lui interdisant.

Lundi, MM. Xi et Poutine se sont entretenus en tête-à-tête pendant quatre heures et demie, lors d'une première rencontre informelle au Kremlin.

"Je sais que vous (...) avez une position juste et équilibrée sur les questions internationales les plus pressantes", a indiqué M. Poutine à son hôte chinois au début de cette rencontre, en l'appelant "mon cher ami".

Il a également dit considérer "avec respect" le plan de paix de Pékin en Ukraine et a déclaré que la Russie et la Chine avaient "plein d'objectifs" en commun.

Lors de leur échange, M. Xi, cité par l'agence de presse officielle Chine nouvelle, a lui assuré que la Chine "allait continuer à jouer un rôle constructif" pour trouver une issue politique au conflit en Ukraine.

La Chine se pose en médiateur en Ukraine et a publié en février un document énonçant plusieurs principes, comme le respect de la souveraineté territoriale, et appelant Moscou et Kiev à s'investir dans des pourparlers de paix.

Mais l'Occident juge que Pékin soutient trop Moscou pour servir de médiateur crédible. Récemment, Washington a même accusé les autorités chinoises d'envisager de livrer des armes à la Russie, ce qu'elles démentent fermement.

D'autres, en Occident, jugent que la Chine pourrait s'inspirer de l'attaque russe en Ukraine pour prendre le contrôle de Taïwan.

Lundi encore, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé que "le monde ne doit pas être dupe face à toute décision tactique de la Russie, soutenue par la Chine ou tout autre pays, de geler le conflit (en Ukraine) selon ses propres conditions".

M. Blinken a souligné que M. Xi s'était rendu en Russie trois jours à peine après le mandat d'arrêt de la CPI visant M. Poutine ce qui, selon le diplomate américain, suggère que la Chine n'éprouve pas le besoin "de tenir responsable le président (russe) des atrocités infligées à l'Ukraine".

Selon Antony Blinken, cette visite "fournirait plutôt une couverture diplomatique à la Russie pour continuer à commettre de grands crimes".

Lundi, la diplomatie chinoise avait, elle, appelé la CPI à éviter toute "politisation" et à respecter l'immunité des chefs d'Etat.

Pour sa part, Kiev, prudent sur les intentions chinoises, a exhorté lundi M. Xi à "user de son influence sur Moscou pour qu'il mette fin à la guerre d'agression".

Contrepoids géopolitique

Interrogé par l'AFP, l'expert français Antoine Bondaz, spécialiste de la diplomatie chinoise, estime que Pékin cherche à promouvoir dans le dossier ukrainien une "image de facteur de stabilité (...) particulièrement auprès des pays non occidentaux", tout en essayant de "délégitimer les régimes démocratiques".

Ces dernières années, Pékin et Moscou se posent en effet comme des contrepoids géopolitiques à la puissance américaine et ses alliés.

"Aucun pays ne devrait dicter l'ordre international", a écrit le dirigeant chinois dans un article publié lundi par un journal russe.

Les questions économiques et financières devraient également constituer une grosse partie des discussions de mardi entre Xi Jinping et Vladimir Poutine.

La Russie a notamment augmenté ses exportations d'hydrocarbures vers l'Asie pour compenser les embargos européens ce qui, selon des observateurs, la rend de plus en plus dépendante de Pékin.


Cri d'alarme des astronomes face à une pollution spatiale croissante

Cette impression d'artiste générée par ordinateur publiée par l'Agence spatiale européenne (ESA) représente une approximation de 12 000 objets en orbite autour de la Terre (Photo, AFP).
Cette impression d'artiste générée par ordinateur publiée par l'Agence spatiale européenne (ESA) représente une approximation de 12 000 objets en orbite autour de la Terre (Photo, AFP).
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  • Cette colonisation de l'orbite basse (jusqu'à 2 000 kilomètres d'altitude) congestionne la circulation, multipliant le risque de collisions
  • Par réaction en chaîne ces collisions génèrent davantage de débris, eux-mêmes réduits en fragments toujours plus petits, grossissant le nuage de déchets

PARIS: L'horizon des astronomes se bouche: la pollution spatiale engendrée par la prolifération des satellites en orbite perturbe les observations des télescopes, au point de menacer l'avenir de la profession, alertent des études dont les auteurs appellent à un sursaut.

Depuis l'avènement des méga-constellations – plusieurs milliers de satellites envoyés par grappes – en 2019, initié par l'Américain Space X, le nombre de satellites a plus que doublé, et les projets se multiplient pour apporter du haut débit depuis l'espace.

Cette colonisation de l'orbite basse (jusqu'à 2 000 kilomètres d'altitude) congestionne la circulation, multipliant le risque de collisions. Par réaction en chaîne, ces collisions génèrent davantage de débris, eux-mêmes réduits en fragments toujours plus petits, grossissant le nuage de déchets gravitant au-dessus de nos têtes.

Les conséquences sont "dramatiques" pour l'astronomie professionnelle, confrontée à une transformation du ciel nocturne "sans précédent", selon une étude parue lundi dans Nature Astronomy.

Pour la première fois, des astronomes ont tenté de mesurer la baisse d'efficacité des observations due à cette pollution, et d'en évaluer le coût.

En reflétant la lumière du soleil, les satellites augmentent les effets de la pollution lumineuse venue du sol. Certaines sociétés dont Space X ont d'ailleurs tenté de réduire la brillance de leurs engins pour atténuer ces nuisances.

Mais les effets des petits débris sont plus problématiques encore. En deçà d'une certaine taille, les télescopes terrestres ne peuvent les détecter individuellement.

Signaux brouillés

En revanche, leurs images sont polluées par la multitude de traînées lumineuses qu'ils produisent, tandis que "la lumière reflétée par les débris continue d'accroître la brillance du ciel", explique John Barentine, co-auteur de l'étude.

Les plus gros projets scientifiques sont affectés, comme l'Observatoire Vera-C.-Rubin (VRO), un télescope géant en construction au Chili : les modélisations prédisent une augmentation de 7,5% de la brillance du ciel à son zénith durant la prochaine décennie.

Ce qui ajoutera "près d'un an par rapport à la durée nominale du programme, soit un surcoût estimé à 21,8 millions de dollars", développe John Barentine. C'est largement plus que "le temps et l'argent qu'on perd déjà avec d'autres aléas comme la météo", regrette ce chercheur à l'Université américaine d'Utah.

L'impact pourrait être pire encore, car les mesures actuelles de la pollution lumineuse sous-estiment le phénomène, pointe une autre étude de Nature Astronomy.

Autre coût : la perte d'opportunités de détecter des phénomènes astrophysiques rares et inconnus. Certains comme les passages de météorites sont si furtifs qu'il faut un ciel totalement pur pour les observer.

Or même depuis un lieu exempt de pollution lumineuse comme celui du VRO, une hausse de 7,5% de la luminosité du ciel réduira d'autant le nombre d'étoiles observables, calcule John Barentine.

Un patrimoine en danger

La pollution lumineuse au sol ne cessant de croître, les sites propices à la construction de télescopes se réduisent comme peau de chagrin, déplorent en outre plusieurs chercheurs dans des articles joints aux études.

Mais le phénomène dépasse la science, et touche à la "relation ancestrale" de l'humanité à la voûte céleste, qui devrait être considérée comme "patrimoine immatériel" de l'humanité, plaide l'astrophysicienne Aparna Venkatesan, de l'Université de San Francisco.

"La perte de l'obscurité, qui affecte même le sommet du K2, les rives du lac Titicaca ou l'île de Pâques, représente une menace tant pour l'environnement que notre héritage culturel", s'alarment les astronomes qui lancent un "appel" à la communauté scientifique.

"On veut se dégager de la pollution lumineuse et finalement ce qu'on voit, ce sont des milliers de satellites", constate Eric Lagadec, astrophysicien à l'Observatoire de la Côte d'Azur-UCA, qui n'a pas pris part aux études.

Pour cesser cette "folie", leurs auteurs appellent à limiter considérablement, voire interdire les méga-constellations, soulignant que toutes les autres mesures "d'atténuation" seront inefficaces.

Mais il est "naïf de penser que le marché des lanceurs va se réguler sans contraintes", au vu des intérêts économiques en jeu, concluent-ils.