«La question mémorielle, une priorité pour Macron», estime Hasni Abidi

La question mémorielle fait partie des priorités du président Macron depuis son premier quinquennat (Photo, AFP).
La question mémorielle fait partie des priorités du président Macron depuis son premier quinquennat (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 26 août 2022

«La question mémorielle, une priorité pour Macron», estime Hasni Abidi

  • Hasni Abidi, politologue algéro-suisse, spécialiste du monde arabe, enseigne au Global Studies Institute à l'université de Genève ainsi qu’à Sciences Po Paris
  • «Le président Macron part de l’idée qu’il vaut mieux investir sur les questions qui ne sont pas clivantes pour faire ensuite avancer les questions délicates»

PARIS: À l’occasion de la visite du présent français en Algérie, nous avons rencontré Hasni Abidi. Ce politologue algéro-suisse, spécialiste du monde arabe, enseigne au Global Studies Institute à l'université de Genève ainsi qu’à Sciences Po Paris. Il dirige par ailleurs le Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam).

Le président Emmanuel Macron décrit sa visite en Algérie comme une «visite de travail et d’amitié». Pour Hasni Abidi : «Cette première visite du second quinquennat est importante dans la politique française et elle représente une véritable opportunité, à la fois pour la France et pour l’Algérie. Emmanuel Macron a eu le temps de réviser et de retenir les leçons sur les limites de sa gestion du dossier algérien lors de son premier mandat. Ce dernier s’est terminé par une brouille entre Alger et Paris après les déclarations malheureuses du président français.»

Le politologue ajoute que nombre d’éléments font de cette visite un événement important dans l’agenda présidentiel français: sa durée – trois jours –, la forte délégation qui l’accompagne – et sa diversité –, une conjoncture internationale très vulnérable, mais aussi son timing. En effet, le président se rend en Algérie l’année où ce pays célèbre le 60e anniversaire de son indépendance et des accords d’Évian.

Pour Hasni Abidi «La politique extérieure est le miroir de la politique intérieure» (Photo fournie).

En plus des discussions politiques, le programme de la visite est centré sur la jeunesse. Dans le cadre de la coopération économique entre les deux pays, une rencontre est prévue avec de jeunes entrepreneurs et des fondateurs de start-up. «C’est un paradigme dans l’approche du président français, qui a déjà organisé un sommet consacré à la jeunesse et un Sommet des deux rives, à Marseille. Emmanuel Macron a voulu insister sur la présence des représentants de la société civile, parce qu’il veut orienter sa politique bilatérale et sa politique internationale vers de nouvelles perspectives en prenant en considération les forces vives et, surtout, la jeunesse. Il souhaite dépassionner le débat et jeter de nouvelles passerelles entre la France et ses partenaires en Afrique, ainsi que dans le monde arabe», nous déclare Hasni Abidi.

Concernant les questions techniques, la coopération et l’environnement, M. Abidi nous explique que le président français part de l’idée qu’il vaut mieux investir sur les questions qui ne sont pas clivantes pour faire ensuite avancer les questions délicates. Une telle approche permet de prendre soin des relations bilatérales.

La visite de certains lieux symboliques de l’histoire franco-algérienne, comme le cimetière européen, chrétien et juif de Saint-Eugène; la Grande Mosquée d’Alger; Santa Cruz; ou encore la maison natale d’Yves Saint Laurent, à Oran, représente-t-elle un moyen d’évoquer les questions mémorielles de façon plus subtile? À cette question, le politologue nous répond que la question mémorielle fait partie des priorités du président Macron depuis son premier quinquennat, voire depuis sa première campagne électorale, lorsqu’il a accordé à une chaîne de télévision algérienne cette fameuse interview au cours de laquelle il a déclaré: «La colonisation est un crime contre l’humanité.»

Le politologue ajoute que le président a raison de revenir sur la question mémorielle, sur les points convergents, ceux qui unissent les deux peuples, mettant en exergue l’histoire commune plutôt que les questions divergentes. «La relation franco-algérienne est singulière, forte et très ancienne. La visite de ces sites historiques et symboliques, dont certains sont situés au-delà de la capitale algérienne, est également une manière de dire que les relations franco-algériennes sont profondes. Certes, elles sont orientées vers l’avenir, mais elles possèdent des fondations anciennes importantes. Le président français veut surtout faire oublier les déclarations selon lesquelles la nation algérienne n’aurait pas existé avant 1830», soutient Hasni Abidi.

À notre question sur le fait que la France pourrait revenir sur les accords du 27 décembre 1968, dans le cadre des accords d’Évian, et qui ont été amendés à trois reprises – la dernière en juillet 2001 –, notamment en ce qui concerne la politique des visas, M. Abidi nous répond que la question de la mobilité n’est pas franco-algérienne. Elle relève de la relation entre l’Algérie et la France, mais aussi avec tous les pays du Maghreb, et au-delà. «Il est difficile d’avoir un régime spécial consacré à l’Algérie. En revanche, les accords que vous citez sont inscrits et ils datent des accords d’Évian; il est difficile pour les autorités françaises de revenir sur certains acquis.»

Il faut rappeler, ajoute-t-il, que cette visite est la première depuis longtemps – depuis le voyage avorté de l’ancien Premier ministre Jean Castex à Alger dans le cadre du comité intergouvernemental entre les deux pays. «Le grand paradoxe de la relation algéro-française, c’est qu’il n’existe pas de pourparlers, ni de négociations, ni de visites régulières de ministres. Il ne faut pas attendre un miracle de cette rencontre, même si elle va permettre d’ouvrir une nouvelle page des relations franco-algériennes et de mettre sur la table tous les dossiers et tous les contentieux. Toutefois, cela ne se fera pas en trois jours, mais plutôt dans la durée.»

Le président Macron aurait souhaité aller plus loin dans l’apaisement des relations franco-algériennes, mais il en a été empêché par les positions des partis d’opposition français, qu’ils soient de droite ou d’extrême droite. Pour le politologue, la politique extérieure est le miroir de la politique intérieure. «Le président Macron ne peut s’affranchir d’une manière aisée des contraintes de la politique interne, notamment avec la force électorale et politique de plusieurs millions de personnes qui sont liées d’une façon ou d’une autre par l’histoire de l’Algérie. Néanmoins, le président entame son second mandat. Il n’a plus la crainte d’un autre mandat. C’est une occasion pour lui de se libérer et de faire des gestes qui sont recommandés dans le rapport de Benjamin Stora, destiné à construire une relation basée sur le respect mutuel, qui souligne que la question de la mémoire doit être basée sur la vérité.»

Le sujet de la mémoire est une question d’histoire, nous explique M. Abidi, qui permet de connaître les responsabilités du système colonialiste. «Il ne s’agit pas de demander des excuses du président français, qui est lui-même né après l’indépendance de l’Algérie. Emmanuel Macron a d’ailleurs indiqué que les crimes commis en Algérie constituent une question franco-française et que les Français doivent regarder leur histoire en face.»


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'armée israélienne a frappé plus de 50 «cibles terroristes» au Liban au cours du dernier mois

Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
Un homme prend des photos après des frappes israéliennes suite aux ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. (AFP)
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  • Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre
  • Le Premier ministre israélien Netanyahu a promis d'empêcher le Hezbollah d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge"

JERUSALEM : L'armée israélienne a déclaré lundi qu'elle avait frappé plus de 50 "cibles terroristes" au Liban au cours du mois dernier, malgré le cessez-le-feu de novembre qui a mis fin à la guerre entre Israël et les militants du Hezbollah.
Dimanche, Israël a frappé le sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis l'entrée en vigueur du fragile cessez-le-feu du 27 novembre, ce qui a incité le président libanais Joseph Aoun à demander à la France et aux États-Unis, qui en sont les garants, d'y mettre fin.
"Au cours du mois dernier, les forces de défense israéliennes ont frappé plus de 50 cibles terroristes au Liban. Ces frappes ont été menées à la suite de violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, qui constituaient une menace pour l'État d'Israël et ses citoyens", a déclaré l'armée dans un communiqué.
Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la frappe de dimanche visait un bâtiment utilisé par le Hezbollah pour stocker des "missiles guidés avec précision" et a promis d'empêcher le groupe militant soutenu par l'Iran d'utiliser la banlieue sud de Beyrouth comme "refuge".
Le chef du Hezbollah, Naim Qassem, a déclaré dans un discours lundi que l'attaque "n'a aucune justification" et l'a qualifiée d'"attaque politique visant à changer les règles par la force".
Israël a continué à mener des frappes régulières au Liban malgré la trêve, qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, lesquelles ont culminé avec une campagne de bombardements israéliens intensifs et une incursion terrestre.
En vertu de cet accord, le Hezbollah devait retirer ses combattants au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière israélienne, et démanteler toute infrastructure militaire restante au sud.
Israël devait retirer toutes ses forces du Sud-Liban, mais des troupes restent sur cinq positions jugées "stratégiques".