France: l'économie résiste mais fait face à des difficultés croissantes

Les clients entrent dans le supermarché Leclerc Baleone à Ajaccio le 9 novembre 2020 sur l'île méditerranéenne française de Corse (Photo, AFP).
Les clients entrent dans le supermarché Leclerc Baleone à Ajaccio le 9 novembre 2020 sur l'île méditerranéenne française de Corse (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 26 août 2022

France: l'économie résiste mais fait face à des difficultés croissantes

  • Selon l'indice provisoire de l'activité globale publié mardi par l'agence S&P Global, l'économie française «a basculé en zone de contraction» pour la première fois en près d'un an et demi
  • Malgré l'incertitude et les inquiétudes, l'ambiance n'est pas pour autant à la morosité du côté des chefs d'entreprise

PARIS: L'économie française a maintenu cet été une bonne dynamique grâce aux services et au tourisme, mais l'inflation et le ralentissement de la demande risquent de provoquer des difficultés économiques et des tensions sociales, estiment les observateurs.

Trois indicateurs publiés cette semaine dressent un tableau en demi-teinte de l'activité et de ses perspectives dans l'hexagone.

Selon l'indice provisoire de l'activité globale publié mardi par l'agence S&P Global, l'économie française "a basculé en zone de contraction" pour la première fois en près d'un an et demi, plombée par le repli de la production manufacturière, en dépit des efforts de réindustrialisation du gouvernement.

"La fin de l'année 2022 s'annonce difficile pour les économies européennes et la France ne fait en aucun cas figure d'exception", estime Joe Hayes, économiste chez S&P global.

En Ukraine, "on attendait une guerre éclair, or on est toujours dedans, avec les conséquences que vous connaissez sur le prix de l'énergie et les matières premières", a expliqué à l'AFP Alain Di Crescenzo, président de CCI France, l'organisation nationale des chambres de commerce et d'industrie.

Malgré l'incertitude et les inquiétudes, l'ambiance n'est pas pour autant à la morosité du côté des chefs d'entreprise.

Le climat des affaires établi par l'Insee sur la base d'enquêtes auprès des entreprises reste ainsi stable en août, malgré une détérioration de la situation dans l'industrie.

"Sur le plan économique, on ne voit pas d’effondrement", a assuré cette semaine à l'AFP le président délégué du Medef Patrick Martin.

Tensions salariales

Le moral des ménages a même connu en août un petit sursaut, après sept mois consécutifs de baisse.

Cette amélioration pourrait être due à la hausse attendue du pouvoir d'achat au second semestre, grâce notamment aux revalorisations des traitements des fonctionnaires et des retraites, estime dans une note Sylvain Bersinger, économiste chez Astérès.

La prise en charge par l'Etat du prix de l'essence à raison de 30 centimes d'euro le litre vient également soutenir le pouvoir d'achat des ménages, observe Philippe Waechter, économiste chez Ostrum Asset Management, pour lequel "on n'est plus dans l'accumulation de drames".

Il ajoute que pour autant "les choses ne sont pas finies" notamment sur les prix de l'énergie, pour laquelle les Français, à la différence des Britanniques, ne paient pas pour l'instant le prix du marché, grâce au bouclier tarifaire en vigueur jusqu'à la fin de l'année.

Mais les facteurs qui avaient enclenché l'accélération de l'inflation à l'automne dernier - une demande très forte combinée à des stocks très bas - ne sont désormais plus d'actualité, si bien qu'un pic d'inflation pourrait être atteint cet automne. Et le chiffre provisoire de la hausse des prix pour le mois d'août que l'Insee doit publier mercredi sera scruté de près.

"Malgré l'instabilité, des éléments nous montrent que les pressions inflationnistes commencent à diminuer : les prix des matières premières sur les marchés internationaux ont clairement diminué, notamment en raison du ralentissement de la Chine", a expliqué à l'AFP Charlotte de Montpellier, économiste à la banque ING.

Revers de la médaille, le ralentissement de la demande n'est pas bon pour l'activité: "On n'a plus de moteur pour l'économie française, on est en bout de course", estime Mme de Montpellier, qui pointe des stocks en hausse et des carnets de commande en diminution.

Dans ce contexte le climat social pourrait se tendre, car "le niveau des prix va rester élevé, mais l'inflation va ralentir", compliquant les négociations salariales, pointe M. Waechter.

"On va se retrouver avec des salariés qui vont vouloir récupérer du pouvoir d'achat et des entreprises qui sont dans une situation beaucoup plus difficile aujourd'hui qu'elles ne l'étaient au printemps dernier", explique cet économiste.

"Nos adhérents vont essayer de trouver de manière constructive des solutions sur ces sujets de rémunération", avance de son côté Patrick Martin du Medef.

"Notre pronostic c'est que dans bon nombre de cas ce sera davantage sous forme de primes, en considérant qu'on a ce pic d'inflation temporaire, plutôt que sous forme de revalorisation salariale à proprement parler", précise le numéro deux de l'organisation patronale.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.