L'avenir du télétravail au Moyen-Orient après la pandémie

Alors que le travail à distance a initialement été mis en place pour limiter la propagation du virus, la pandémie de Covid-19 a prouvé que de nombreux emplois de bureau pouvaient être exercés à domicile (Photo, AFP).
Alors que le travail à distance a initialement été mis en place pour limiter la propagation du virus, la pandémie de Covid-19 a prouvé que de nombreux emplois de bureau pouvaient être exercés à domicile (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 29 août 2022

L'avenir du télétravail au Moyen-Orient après la pandémie

  • Depuis l'assouplissement des restrictions liées à la pandémie, les entreprises et les services gouvernementaux s'empressent de ramener le personnel dans les bureaux
  • De nombreux dirigeants d'entreprises dans le monde entier craignent que le travail à distance ne réduise la productivité

DUBAÏ: Il fut un temps où le fait de passer de longues heures au bureau était considéré par les chefs d'entreprise comme un signe de dévouement de la part des employés, alors que le télétravail était réservé aux casaniers et aux fainéants.

C'était cependant avant que la pandémie survenue en 2020 ne transforme le monde du travail, révélant presque du jour au lendemain que de nombreux emplois traditionnels de bureau pouvaient être exécutés, avec la même efficacité, à domicile.

L'émergence et l'acceptation généralisée du travail à distance ont entraîné une véritable révolution dans l'utilisation des technologies de communication avancées, notamment les applications de visioconférence comme Zoom, Microsoft Teams et Face Time, qui ont remplacé les réunions en personne, ralentissant ainsi la propagation du virus particulièrement contagieux. 

«Tout au long de la pandémie, les individus, les organisations, les communautés et les nations ont rencontré d'énormes obstacles, et les communications vidéo ont contribué à maintenir un semblant de normalité et de continuité dans les tâches essentielles de la vie quotidienne», confie Sam Tayan, responsable de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Zoom, à Arab News.

Plus de deux ans plus tard, la transition des interactions en personne à temps plein vers des interactions à distance partielles semble se poursuivre. Les lieux de travail, les établissements d'enseignement, les professionnels de la santé, les partenaires commerciaux, les familles et les individus comptent tous, à différents degrés, sur les applications de communication.

ez
L'émergence et l'acceptation généralisée du travail à distance ont entraîné une véritable révolution dans l'utilisation des technologies de communication avancées, notamment les applications de visioconférence comme Zoom (Photo, Shutterstock).

Melissa Whitehead, une résidente de Dubaï qui travaille dans le domaine des relations publiques, estime que le travail à distance a changé la donne, puisqu'il lui permet d'économiser sur les frais de carburant et de gagner du temps. 

«Le fait de ne pas avoir à subir les embouteillages deux fois par jour pendant plus d'une heure a, dans l'ensemble, amélioré le bien-être moral des gens et a même contribué à la création d'un environnement plus vert grâce à la réduction des gaz d'échappement des voitures», explique-t-elle à Arab News.

Toutefois, cet argument que les employés comme Whitehead jugent incontournable est perçu par de nombreux employeurs comme une recette pour des bureaux vides, moins d'interactions en face à face et des risques de productivité.

Depuis l'assouplissement des restrictions liées à la pandémie, les entreprises et les services gouvernementaux s'empressent de ramener le personnel dans les bureaux. En effet, de nouvelles études montrent que la demande d'espaces de bureaux dans certains pays, comme l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, est en hausse.

Se pourrait-il que le Moyen-Orient voie la fin de l'ère du télétravail ?

ds
De nombreuses entreprises commencent à considérer les espaces de travail partagés comme une transition entre des espaces de travail géographiquement spécifiques et des espaces plus axés sur les personnes (Photo, Getty Images).

Les résultats de 6Wresearch, une société internationale d'études de marché et de conseil, montrent que près de 32 millions de pieds carrés d'espaces de bureaux sont en cours de construction dans la capitale de l'Arabie saoudite, Riyad, pour accueillir les nombreuses multinationales qui s'installent actuellement dans le Royaume.

Ces chiffres reflètent le succès de la campagne «Programme HQ» du Royaume, qui vise à encourager au moins 500 sociétés étrangères à transférer leur siège régional à Riyad d'ici 2030, dans le cadre de la diversification de l'économie saoudienne. 

«L'industrie des espaces de bureaux flexibles est sans doute destinée à se développer à travers le Royaume dans les années à venir, puisqu'un nombre croissant de nouvelles entreprises et de sociétés bien établies choisissent d'employer des espaces de travail aménagés», dit Ali Rao, PDG de la société Elixir Establishments, basée à Dubaï, à Arab News.

Rao estime que le marché des espaces de bureaux flexibles en Arabie saoudite connaîtra un taux de croissance annuel cumulé de plus de 6% au cours des cinq prochaines années.

La demande d'espaces de bureaux post-Covid est également en plein essor dans les EAU:  elle a atteint son plus haut niveau depuis cinq ans, en raison de l'afflux d'entreprises étrangères qui cherchent à se développer ou à se relocaliser à Dubaï, pôle commercial du Golfe. Au cours du premier trimestre de 2022, des unités de bureaux d'une superficie totale de 480 000 pieds carrés ont été livrées, portant l'offre de la ville à 107 millions de pieds carrés, selon 6Wresearch.

Rao explique l'amélioration de l'environnement commercial et le climat optimiste par l'immense succès de l'Expo 2020 de Dubaï (octobre 2021-mars 2022) et par la série de réformes apportées par les EAU aux règles relatives aux entreprises, à l'emploi et aux visas.

ds
Des millions de pieds carrés de nouveaux espaces de bureaux sont actuellement en cours de construction dans la région du Golfe (Photo, AFP). 

«Ce qui contribue à attirer de nouveaux investisseurs et de nouvelles entreprises, c'est la série de nouvelles mesures introduites par les EAU ces derniers mois, allant de la dépénalisation des chèques sans provision à l'octroi de visas à long terme (cinq à dix ans), ce qui rend la tâche beaucoup plus facile pour les nouveaux investisseurs qui souhaitent s'installer dans la région», poursuit-il.

Tayan, responsable de la division MENA de Zoom, reconnaît que les changements législatifs ont contribué à créer un environnement beaucoup plus propice aux investissements. 

«Les réformes économiques mises en œuvre par les EAU et l'Arabie saoudite, comme la propriété étrangère à 100%, les nouvelles initiatives de visas pour le travail à distance et la volonté du gouvernement d'accroître les investissements, stimulent la demande d'espaces de bureaux commerciaux», indique-t-il.

Selon Tayan, la forte demande d'espaces de bureaux ne signifie pas nécessairement que le travail à distance relève désormais du passé. En réalité, de nombreuses entreprises adoptent aujourd'hui le modèle de travail hybride, ce qui permet aux employés de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. 

«Le travail à domicile et le travail hybride sont devenus monnaie courante. 58% des entreprises aux EAU ont recours à ces moyens et, dans la plupart des cas, c'est devenu une nécessité», précise-t-il.

La situation n'est pas la même partout, même au-delà du Moyen-Orient. Selon une étude de la société de services immobiliers Savills, environ 80% des travailleurs à Dubaï et 90% de ceux en Chine sont de retour au bureau.

ds
Ali Rao, PDG d'Elixir Establishments (Photo, Fournie).

Parallèlement, dans la ville de Londres, moins de 40% des travailleurs sont retournés au bureau. En Amérique du Nord, le chiffre est inférieur à 50%.

Selon Savills, les différences entre les pays et les régions dépendent de facteurs comme la durée des périodes de fermeture locales, les temps de trajet, la facilité de mobilité et l'âge moyen de la population active.

Les jeunes travailleurs ont tendance à rechercher l'interaction et le tutorat dans un environnement de bureau. Par exemple, à Mumbai, où 50% de la population en âge de travailler a moins de 35 ans, le passage au travail hybride a été nettement plus lent.

Parmi les autres facteurs figurent le coût de location des bureaux, la culture locale du lieu de travail et la dimension du domicile des employés, les grandes propriétés étant plus aptes à disposer d'un espace dédié au travail à domicile.

De nombreux dirigeants d'entreprises dans le monde entier craignent que le travail à distance ne réduise la productivité. Or, selon Tayan, il se peut bien que ce soit le contraire.

Une étude commandée par Zoom et menée par Forrester Consulting a révélé que le modèle composite d'organisation utilisant Zoom pouvait ajouter jusqu'à 53 minutes de productivité par employé et par semaine, tout en réduisant la nécessité de déplacements professionnels, ce qui permettrait aux entreprises d'économiser des millions.

Par ailleurs, une autre étude de l'université de Stanford a conclu que le travail à domicile augmentait la productivité de 13%. Cette amélioration des performances du personnel a d'ailleurs été associée à un environnement de travail plus calme et plus pratique, qui permet à l'employé de travailler plus longtemps, avec moins de pauses et de congés maladie.

ds
Se pourrait-il que le Moyen-Orient voie la fin de l'ère du télétravail ? (Photo, Fournie).

«Il est difficile de déterminer avec précision les raisons pour lesquelles les données indiquent une augmentation de la productivité dans un environnement de travail à domicile, mais il s'agit probablement d'une combinaison de divers facteurs comme l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, l'absence de distractions et la satisfaction des employés», affirme Tayan.

Cela a également été observé dans une enquête réalisée par ConnectSolutions, qui a montré que les employés suivant le modèle hybride avaient une productivité accrue, 30% d'entre eux faisant plus de travail en moins de temps et 24% faisant plus de travail dans le même laps de temps.

Le monde des affaires semble s'en rendre compte, mais il demeure peu enclin à adopter un modèle de travail entièrement à distance.

Priyabrata Rath, directeur des investissements commerciaux au sein de Powerhouse Real Estates, pense que la tendance aux formes de travail à distance et hybride survivra à la pandémie, mais ne fera pas entièrement disparaître le travail de bureau. 

«Durant la pandémie, [le télétravail] nous a tous aidés à faire face aux changements», raconte-t-il à Arab News. «Mais il est peu probable qu'il remplace définitivement les bureaux traditionnels.»

Que ce soit au Moyen-Orient ou dans le monde entier, il semble que la pandémie a eu un impact durable sur les attitudes à l'égard du travail hybride ou à distance, ouvrant ainsi la voie à une ère d'expansion continue de l'espace de bureau et à l'acceptation généralisée d'une plus grande flexibilité du lieu de travail. 

«C'est certainement le début d'une nouvelle ère qui va voir apparaître des modalités de travail hybrides», déclare Rao, interrogé par Arab News

«De nombreuses entreprises commencent à considérer les espaces de travail partagés comme une transition entre des espaces de travail géographiquement spécifiques et des espaces plus axés sur les personnes.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Short Url
  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Short Url
  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com