Les dirigeants arabes et musulmans des États-Unis sont incapables de mettre en place des changements

La représentante Rachida Tlaib (à gauche) lors d’un rassemblement électoral le 29 juillet 2022  à Pontiac, dans le Michigan (Photo, AFP).
La représentante Rachida Tlaib (à gauche) lors d’un rassemblement électoral le 29 juillet 2022 à Pontiac, dans le Michigan (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 03 septembre 2022

Les dirigeants arabes et musulmans des États-Unis sont incapables de mettre en place des changements

Les dirigeants arabes et musulmans des États-Unis sont incapables de mettre en place des changements
  • Les objectifs politiques de certains dirigeants arabes entrent souvent en conflit avec la réalité, en particulier dans le cas de Rachida Tlaib, qui sombre dans la grossièreté pour exploiter les émotions de la communauté arabo-américaine
  • Les dirigeants américains d’origine arabe devraient mettre de côté leur rhétorique et utiliser la politique pour persuader deux cent dix-huit membres du Congrès de voter pour interdire aux États de refuser aux Américains leur droit constitutionnel à la

Les Américains arabes et musulmans ont tendance à vivre dans un pays imaginaire, en particulier en ce qui concerne la politique américaine. Ils ne veulent pas en entendre parler et ils ne veulent par ailleurs rien faire à ce sujet.

À titre d’exemple, les Arabes et les musulmans sont prêts à accepter la rhétorique du président, Joe Biden, et de la représentante Rachida Tlaib – la prétendue dirigeante de la communauté arabo-américaine. Mais ils ne se soucient guère du fait que leur rhétorique soit stérile et ne conduise à aucun résultat concret.

Joe Biden dit tout ce que la majorité des Américains d’origine arabe veut entendre. Au cours de sa campagne électorale, il a promis de résoudre les problèmes de la communauté et de garantirdes emplois à ses membres, en veillant à ce que les Américains arabes et musulmans fassent partie de son administration. Il s’est également engagé à revenir sur certaines des politiques imposées par son prédécesseur, Donald Trump, comme l’interdiction aux citoyens de nombreux États à majorité musulmane d’entrer aux États-Unis. De nombreux Arabes et musulmans ont célébré la victoire de Joe Biden face à Donald Trump.

Au début de son mandat, Donald Trump avait l’espoir de collaborer avec les Arabes, mais il a rapidement été vilipendé par ces derniers au Congrès, qui ont placé leur politique partisane au-dessus des meilleurs intérêts de la communauté. Les Américains arabes et musulmans ont spontanément attaqué le président, exagérant son intervention pour empêcher les extrémistes du Moyen-Orient d’entrer dans le pays.

Les objectifs politiques de certains dirigeants arabes entrent souvent en conflit avec la réalité, en particulier dans le cas de Mme Tlaib, qui sombre dans la grossièreté pour exploiter les émotions de la communauté arabo-américaine. Elle fait un «excellent» travail en portant des vêtements ethniques arabes, en dénonçant l’injustice – quand elle vient de personnes qu’elle n’aime pas – et en introduisant des lois qui ne produisent aucun résultat, à part faire la une des piètres médiasarabo-américains.

Au lieu de se battre pour des résultats efficaces, comme convaincre deux cent dix-huit membres de la Chambre des représentants (50 % plus un) de soutenir les questions de justice, la représenteet certains de ses partisans préfèrent privilégier des batailles perdues d’avance, comme l’introduction de la résolution sur la Nakba (pour les Palestiniens, fondation de l'État d'Israël en 1948, suivi de l'expulsion des résidents arabes de la Palestine), que six personnes ont parrainée. Cette résolution grandiloquente n’obtiendra jamais suffisamment de votes pour faire l’objet d’une véritable déclaration.

Voici notre problème en tant qu’Américains d’origine arabe: nous avons tendance à préférer les émotions à la réussite. Mieux vaut hausser le ton pour que justice soit faite, parce que c’est facile, plutôt que de se battre pour la justice, ce qui est difficile et nécessite une concertation plus stratégique. C’est pourquoi de nombreux Américains arabes et musulmans hésitent à critiquer ouvertement le président Biden, dont la rhétorique et les actions concernant leurs préoccupations sont souvent en conflit.

«Tant que Rachida Tlaib nous dit ce que nous voulons entendre, pourquoi lui mettre la pression pour en savoir plus?»

Ray Hanania

Il ne sert à rien que le président Biden nomme deux douzaines d’Arabes et de musulmans au sein de son administration pour ne leur confier que des rôles secondaires. Ou qu’il restreigne leur participation publique pour les empêcher de dire quoi que ce soit qui puisse offenser Israël.

En réalité, s’il a promis de s’occuper de leurs problèmes, il ne parlait apparemment pas de leurs préoccupations concernant le Moyen-Orient. Le meurtre de Shireen Abu Akleh, la journaliste palestino-américaine abattue par un tireur d’élite israélien le 10 mai à Jénine, suit le chemin de la plupart des injustices commises à l’encontre des Arabes: il s’estompe sans que justice ne soit rendue.

Comment est-il possible que le Congrès ne s’exprime pas lorsqu’un citoyen américain est assassiné de sang-froid? Lorsqu’il s’agit de l’armée israélienne, qui prospère chaque année grâce à des milliards de dollars (1 dollar = 1 euro) de financement par les contribuables américains, c’est un défi. Mais cette journaliste était une citoyenne américaine. Elle a été tuée et rien n’a été fait. Son nom disparaît des gros titres pour laisser place à la colère et à l'émotion des Arabes et des musulmans.

Mme Tlaib peut apparaître comme une grande voix pour les préoccupations arabes et musulmanes, mais elle n’est pas tenue responsable de ses actes. Tant qu’elle nous dit ce que nous voulons entendre, pourquoi lui mettre la pression pour en savoir plus?

À titre d’exemple, pourquoi la communauté arabe et musulmane, sous la direction de Rachida Tlaib, n’oblige-t-elle pas les vingt-six États américains à revenir sur l’adoption illégale des lois qui sapent les principes fondamentaux de la liberté d'expression de la Constitution américaine en adoptant les lois et résolutions antiboycott, désinvestissement et sanctions (lois anti-BDS)?

Les lois anti-BDS stipulent en substance que tout citoyen américain qui soutient le boycott du mouvement illégal et raciste des colons israéliens peut se voir refuser des contrats et un emploi par l’État en raison de cette opinion. Leurs opposants soutiennent que ces lois sont des questions ayant trait aux droits des États et non des questions fédérales, ce qui signifie qu’on ne peut rien yfaire. Mais la réalité est qu’ils ne veulent pas s’y opposer parce que cela demande trop de travail. La rhétorique, quant à elle, ne demande pas beaucoup d’efforts.

En réalité, les lois anti-BDS constituent une question fédérale, car elles violent la Constitution américaine. Les dirigeants américains d’origine arabe devraient mettre de côté leur rhétorique et utiliser la politique pour persuader deux cent dix-huit membres du Congrès de voter pour interdire aux États de refuser aux Américains leur droit constitutionnel à la liberté d'expression. Mais cela les obligerait à prendre du recul par rapport à leurs politiques de polarisation et à trouver un consensus.

• Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Web personnel à l’adresse www.Hanania.com.

Twitter: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.