Le Conseil des droits de l'homme à l'épreuve de la Russie et de la Chine

Des militants protestent contre les Jeux Olympiques d'hiver de Pékin 2022 devant le consulat de Chine à Los Angeles, Californie, le 3 février 2022 (Photo, AFP).
Des militants protestent contre les Jeux Olympiques d'hiver de Pékin 2022 devant le consulat de Chine à Los Angeles, Californie, le 3 février 2022 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 10 septembre 2022

Le Conseil des droits de l'homme à l'épreuve de la Russie et de la Chine

  • Les ONG ont redoublé de pression sur le Conseil des droits de l'homme (CDH), pointant du doigt les exactions commises dans la région chinoise du Xinjiang et l'intensification de la répression de la société civile par le Kremlin
  • Des études occidentales accusent depuis plusieurs années la Chine d'avoir interné plus d'un million de Ouïghours et de membres d'autres groupes ethniques musulmans dans des «camps de rééducation»

GENÈVE : Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui se réunit lundi pour un mois, semble paralysé par l'incertitude sur la route à suivre face aux allégations de graves violations en Chine et en Russie.

Le plus haut organe onusien de défense des droits de l'homme lance régulièrement des enquêtes sur des exactions commises à travers le monde, mais cela semble plus difficile à mettre en œuvre lorsqu'il s'agit de la Chine et de la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité.

Les ONG ont pourtant redoublé de pression sur le Conseil des droits de l'homme (CDH), pointant du doigt les exactions commises dans la région chinoise du Xinjiang et l'intensification de la répression de la société civile par le Kremlin à la suite de l'invasion russe en Ukraine.

Mais construire une majorité au CDH n'est pas une partie gagnée d'avance.

«La façon dont le Conseil construit sa réponse va influer sur sa capacité à traiter des situations les plus graves dans les années qui viennent», indique un diplomate européen à l'AFP.

«Ce qui est en cause c'est la vision de l'universalité des droits de l'homme, c'est la vision du rôle du Conseil des droits de l'homme», relève-t-il.

- Nouvel ordre mondial? -

Ces derniers jours, l'attention s'est particulièrement portée sur la situation au Xinjiang, à la suite de la publication d'un rapport fin août par l'ancienne cheffe des droits de l'homme de l'ONU Michelle Bachelet évoquant des «crimes contre l'humanité».

Des études occidentales accusent depuis plusieurs années la Chine d'avoir interné plus d'un million de Ouïghours et de membres d'autres groupes ethniques musulmans dans des «camps de rééducation», voire d'imposer du «travail forcé» ou des «stérilisations forcées».

La Chine parle de «centres de formation professionnelle» et affirme que ce dispositif fait partie de la lutte contre l'extrémisme au Xinjiang, longtemps frappé par des attentats sanglants attribués à des séparatistes et islamistes ouïghours.

Le rapport exhorte l'ensemble des organes onusiens spécialisés en droits humains à se saisir du dossier.

Si la majorité des pays du Conseil «décidait qu'il ne fallait pas agir sur une situation aussi grave que celle que décrit le rapport (...) cela voudrait dire que nous sommes dans un autre ordre du monde, qui n'en serait que plus fragilisé», estime le diplomate européen.

Certaines ONG ont appelé les pays membres du CDH à organiser un débat urgent ou lancer une résolution pour nommer un expert.

- «L'inaction a un coût» -

«Les gouvernements devraient s'empresser d'ouvrir une enquête indépendante et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les responsables rendent des comptes», assure John Fisher de Human Rights Watch.

Mais les pays occidentaux et leurs alliés ne sont pas sûrs d'obtenir la majorité au Conseil, constitué de 47 Etats membres.

«L'inaction a un coût, mais une action avortée à également un coût», fait remarquer un diplomate occidental.

Selon des observateurs, la Chine exerce en coulisse d'importantes pressions sur les pays pour contrer toute initiative à son encontre.

«Nous sommes prêts à être constructifs, mais si quiconque lance des actions conjointes contre nous, nous devons être pleinement préparés», a déclaré vendredi aux journalistes l'ambassadeur chinois Chen Xu auprès des Nations unies.

Les pays occidentaux pourraient reporter tout projet de résolution s'ils savent que les soutiens seront insuffisants.

«Il faut qu'on regarde attentivement si nous avons une majorité ou pas», reconnaît le diplomate européen.

Il en va de même sur le dossier russe.

Le CDH a lancé en mai une enquête de haut niveau sur les violations commises par les troupes russes en Ukraine. Mais des pressions croissantes s'exercent pour que l'organe s'intéresse également aux violations des droits de l'homme en Russie et crée un poste de Rapporteur spécial.

«Tout le monde est d'accord pour dire que c'est nécessaire... mais nous ne sommes pas tombés d'accord sur le calendrier», indique le diplomate occidental.

La Russie a été expulsée du CDH à la suite de l'invasion en Ukraine mais elle «ne manque pas de soutien et il faut avoir cela à l'esprit», pointe le diplomate européen.

«L'impact d'une résolution rejetée se ferait sentir pendant longtemps», prévient-il.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Short Url
  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Short Url
  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Short Url
  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.