L'occupation israélienne ne doit pas être oubliée

Des Palestiniens manifestent près des forces israéliennes contre l'établissement d'avant-postes israéliens à Beit Dajan, le 9 septembre 2022. (AFP)
Des Palestiniens manifestent près des forces israéliennes contre l'établissement d'avant-postes israéliens à Beit Dajan, le 9 septembre 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 10 septembre 2022

L'occupation israélienne ne doit pas être oubliée

L'occupation israélienne ne doit pas être oubliée
  • À chaque nouvelle colonie construite, l’espoir d’une solution politique s’éloigne un peu plus
  • Si le gouvernement actuel du Premier ministre Yair Lapid est moins malveillant que ceux dirigés par Benjamin Netanyahu, il est également moins homogène

Le comité municipal de planification et de construction de Jérusalem a approuvé cette semaine la construction de nouveaux logements pour les colons juifs dans le quartier de Givat HaShaked, qui chevauchera la ligne verte. Le projet sera construit à côté du quartier palestinien de Beit Safafa. Lorsque j'ai appelé mon ami palestinien Hani pour en savoir plus et pour tenter de freiner le projet, il m'a dit qu'il se dépêchait de rencontrer un avocat connu comme étant « l'homme des mission délicates ».

Hani me parle alors de son ami Daniel Seidemann, un Israélo-américain vivant à Jérusalem. Hani m’explique que Seidemann, fils d'un jeune juif qui a vécu en Allemagne nazie et s'est réfugié aux États-Unis lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, comprend vraiment le concept de déplacement, et donc ce que vivent les Palestiniens.

L’année 1991 a marqué un tournant dans sa vie, lorsque le gouvernement israélien a approuvé la construction d’une colonie dans le quartier de Silwan, au sud de la vieille ville de Jérusalem, à l'ombre d'al-Aqsa. Un membre de la Knesset lui demande de contester cette décision devant la Cour suprême. Il a alors découvert qu'il existait une campagne illégale secrète visant à retirer des propriétés à leurs propriétaires légitimes pour les donner à des colons. C'est alors que Seidemann a entamé sa guerre contre l'injustice – une injustice infligée par son propre peuple aux Palestiniens.

Hani affirme : « Chaque fois qu'il regarde par la fenêtre, il se dit ‘40 % des gens que je vois sont occupés par moi, par mon peuple, et n'ont pas de droits politiques, alors que moi j'en ai' ».

À chaque nouvelle colonie construite, l’espoir d’une solution politique s’éloigne un peu plus. Seidemann estime que l'occupation est aussi néfaste pour Israël que pour la Palestine. Soit Israël met fin à l'occupation, soit c’est l'occupation qui mettra fin à Israël. Il ne travaille pas seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour son propre peuple et sa propre famille. Il veut que ses enfants vivent dans une société décente. La seule façon d'obtenir une réconciliation entre les deux peuples est de tracer des frontières et de faire en sorte qu'Israël ne décide plus de la vie des Palestiniens.

Cependant, Hani déplore que de nombreuses personnes en Israël ne reconnaissent même pas l’occupation – en effet la notion est en train de disparaître du discours public, ce qui est vraiment dangereux. Il explique également que, si le gouvernement actuel du Premier ministre Yair Lapid est moins malveillant que ceux dirigés par Benjamin Netanyahu, il est également moins homogène. Par conséquent, beaucoup de choses peuvent se produire, même si elles ne sont pas approuvées par Lapid. Hani explique que, malgré toutes les erreurs de Netanyahou, ce dernier contrôlait tout. Ce n'est pas le cas du gouvernement actuel, qui est plutôt une association libre de ministres, dont certains sont très favorables aux règlements, comme Ze'ev Elkin, le ministre du logement et de la construction.

Avec une pointe d’admiration, Hani me raconte le combat de Seidemann pour empêcher l'expulsion d'une famille de Silwan. Il s'est battu pendant 19 ans, mais la famille a finalement été expulsée. Il s'est également battu pour que des écoles soient construites pour les Palestiniens de Jérusalem-Est. C'est un combat dans lequel Seidemann s'est engagé pendant 10 ans et il a partiellement réussi.

Hani me raconte que Seidemann, un juif laïc, travaille contre la militarisation de la religion. Il comprend également la signification d'al-Aqsa pour les musulmans du monde entier et il comprend comment l'érosion du statu quo par les extrémistes juifs et les nationalistes israéliens, ainsi que les démonstrations de triomphalisme juif, nourrissent un sentiment d’oppression chez les Palestiniens et les musulmans.

Il ajoute que M. Seidemann se prépare aujourd’hui à sa plus grande bataille, qui consiste à empêcher la construction de la colonie E-1. Tous les présidents américains et dirigeants européens se sont opposés à cette colonie depuis qu'elle a été proposée au début des années 1990. Si elle est approuvée, elle signera la fin de la solution des deux États. En effet, cette colonie sera située au cœur de Jérusalem-Est et fragmentera la Cisjordanie au point de rendre impossible la création d'un État palestinien. Cependant, à l’heure où le monde est accaparé par tant de catastrophes, l'occupation n'est plus une priorité ni même un sujet de discussion. Les extrémistes en Israël pourraient profiter de cette occasion pour faire approuver la colonie.

J’ai alors demandé à Seidmann : « Et nous, les Arabes, que faisons-nous pour aider Daniel et ses semblables ? » Hani a répondu d’un ton déçu : « Rien ». Mais pourquoi rien ? N'avons-nous pas des pays qui ont des relations diplomatiques avec Israël ? Les accords d'Abraham n'ont-ils pas été présentés comme un pas vers la paix ? Pourquoi ne pas promouvoir des personnes telles que Seidemann, les encourager et les soutenir ? Pourquoi n'injectons-nous pas la fin de l'occupation dans le processus de normalisation ?

Les Arabes ne doivent pas oublier de mettre l'accent sur la fin de l'occupation. Si nous oublions cette question, elle reviendra nous hanter. Promouvoir des personnes telles que Seidemann à l'intérieur d'Israël serait la meilleure façon d'éviter cela. Aujourd’hui, avec la normalisation, les Arabes sont sur l'échiquier israélien. C’est l’occasion ou jamais pour eux de faire le bon choix. Pour ce faire, ils doivent s'engager auprès de personnes telles que Seidemann.

 

Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise axée sur la voie II. 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.