Coffee Break: Sarcasme et humour noir pour conjurer la catastrophe

Nadyn Chalhoub et Nathalie Masri ont réussi l’exploit d’exprimer les frustrations de la population et de porter ses revendications avec élégance et humour, sans jamais verser dans la vulgarité. Photo fournie.
Nadyn Chalhoub et Nathalie Masri ont réussi l’exploit d’exprimer les frustrations de la population et de porter ses revendications avec élégance et humour, sans jamais verser dans la vulgarité. Photo fournie.
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Publié le Lundi 12 septembre 2022

Coffee Break: Sarcasme et humour noir pour conjurer la catastrophe

  • Elles ont choisi de rire face à la catastrophe – ou plutôt de réveiller les consciences à l’aide de l’humour et du sarcasme
  • Les deux femmes ont en commun un regard acéré sur l’actualité, un véritable intérêt pour l’écriture et un goût prononcé pour l’humour noir

BEYROUTH: Elles ont choisi de rire face à la catastrophe – ou plutôt de réveiller les consciences à l’aide de l’humour et du sarcasme. Dans un Liban en pleine crise où les coupures d’électricité alternent avec les pénuries de pain et d’essence, Nadyn Chalhoub et Nathalie Masri ont réussi l’exploit d’exprimer les frustrations de la population et de porter ses revendications avec élégance et humour, sans jamais verser dans la vulgarité. Les vidéos qu’elles publient régulièrement sur leur compte Instagram et Facebook, intitulées «Coffee Break» («Pause café»), sont attendues par des dizaines de milliers de Libanais.

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Nadyn Chalhoub et Nathalie Masri ont réussi l’exploit d’exprimer les frustrations de la population et de porter ses revendications avec élégance et humour, sans jamais verser dans la vulgarité.  Photo fournie.


«Lorsque le générateur s'allumera, nous allumerons la lumière pour bronzer», plaisante ainsi Nathalie tout en barbotant dans une piscine gonflable installée dans son salon. Cette scène est tirée de l’un de ses sketches. La jeune comédienne, titulaire d’un diplôme en design graphique de l’Université Notre-Dame-de-Louaizé (NDU), travaillait en free-lance avant qu’elle ne monte sa propre boîte, Operation Unicorn. C’est par hasard qu’elle rencontre Nadyn Chalhoub, diplômée dans la même spécialité de l’Université maronite du Saint-Esprit de Kaslik (Usek) et qui a collaboré pendant de nombreuses années avec différentes agences de publicité en tant que conceptrice-rédactrice. Leur entente est immédiate. Depuis, elles sont inséparables. Elles ont en commun un regard acéré sur l’actualité, un véritable intérêt pour l’écriture et un goût prononcé pour l’humour noir.
Leurs premiers messages, postés sur un blog lancé par Nadyn en 2015, sont essentiellement des commentaires sur la société. Mais, lorsque survient l'effondrement financier du Liban, le duo porte son regard vers les pénuries quotidiennes généralisées qui ponctuent la vie des Libanais. Il lance alors sa page Facebook, intitulée «Coffee Break». «Ce nom générique nous ressemble, puisque nous sommes toutes les deux de grandes buveuses de café», raconte Nathalie. Le concept est simple: des vidéos qui ne dépassent pas une minute et qui décryptent l’actualité locale du moment. L’échange est sérieux, le ton grinçant et sarcastique. Rien n’échappe aux deux femmes. «Au Liban, le contenu est gratuit, il est partout. Il suffit de se réveiller tous les matins et de regarder autour de soi», précise Nathalie en riant.
«Pourquoi avez-vous besoin de gaz de cuisine? Frottez simplement deux pierres l'une contre l'autre et vous ferez un feu», lance-t-elle dans une vidéo de mai 2020, faisant référence à la crise que traverse le secteur.
L’exercice est particulièrement périlleux. Faire rire à partir d’une situation grave ou déplaisante peut déranger, voire heurter. «Nous essayons de réconforter les gens en leur montrant que leur malaise est aussi le nôtre et qu’ils ne sont pas seuls», explique Nadyn. «Notre propos vise à traduire les paradoxes que nous vivons au quotidien.»
«C’est notre façon d’exprimer notre frustration. C’est notre façon à nous de contribuer à atténuer les tensions auxquelles les Libanais sont confrontés», souligne quant à elle Nathalie. Un langage qui se veut commun et accessible à tous.
Et la formule fonctionne: six ans après leur première vidéo, le succès est toujours au rendez-vous. Il est même de plus en plus grand: leur dernière vidéo sur Instagram a été vue par 70 000 internautes. Elles y décrivent, dans un échange drôle et spontané, leurs mésaventures lors d’une réunion professionnelle en ligne ponctuée par les coupures d’électricité. Une situation vécue que des milliers de Libanais confrontés aux coupures d’électricité ou d’Internet connaissent bien. Au Liban, on doit se battre pour travailler dans des conditions spartiates.
Talentueuses et modestes, les deux comédiennes gardent les pieds sur terre. Le mot d’ordre: ne jamais verser dans la vulgarité ou la provocation. Certains sujets «graves» ne sont jamais traités. L’explosion du port de Beyrouth, par exemple. «C’est un sujet d’une telle tristesse qu’il est impossible de le mentionner de façon drôle ou sarcastique», indique Nathalie. «Notre travail, qui reste une forme de divertissement, ne renonce jamais à notre combat pour le Liban et, surtout, pour les femmes arabes et libanaises», ajoute Nadine. «C’est avant tout cela, le message que nous partageons avec nos abonnés sur les réseaux sociaux.»
Leur prochain projet? Un film et une comédie de stand-up. De nouvelles occasions pour les suivre… sans craindre les coupures d’Internet ou d’électricité!


Le prince Harry estime ne pas être en sécurité au Royaume-Uni

Le prince Harry estime que ses enfants ne peuvent pas "se sentir chez eux" au Royaume-Uni, faute de sécurité adéquate (Photo, AFP).
Le prince Harry estime que ses enfants ne peuvent pas "se sentir chez eux" au Royaume-Uni, faute de sécurité adéquate (Photo, AFP).
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  • Le duc de Sussex, fils cadet du roi Charles III et son épouse Meghan, ont perdu la protection systématique des forces de l'ordre
  • Il conteste devant la justice cette décision d'un organisme dépendant du ministère de l'Intérieur, qui lui accorde désormais une protection policière au cas par cas

LONDRES: Le prince Harry estime que ses enfants ne peuvent pas "se sentir chez eux" au Royaume-Uni, faute de sécurité adéquate, a affirmé jeudi son avocate à Londres, où le prince conteste devant la Haute Cour l'arrêt de la prise en charge systématique de sa sécurité.

Le duc de Sussex, fils cadet du roi Charles III et son épouse Meghan, ont perdu la protection systématique des forces de l'ordre, aux frais du contribuable britannique, après avoir décidé de se mettre en retrait de la famille royale en 2020 et de s'installer aux Etats-Unis.

Il conteste devant la justice cette décision d'un organisme dépendant du ministère de l'Intérieur, qui lui accorde désormais une protection policière au cas par cas.

Jeudi, au dernier jour de cette procédure qui a débuté mardi, essentiellement à huis clos, l'avocate d'Harry, Shaheed Fatima a lu une déclaration du prince, absent aux audiences.

"Le Royaume-Uni est central dans l'histoire de mes enfants et un endroit où je souhaite qu'ils se sentent chez eux, même s'ils vivent actuellement aux Etats-Unis. Mais cela est impossible s'il n'est pas possible d'assurer leur sécurité lorsqu'ils sont sur le territoire britannique", affirme Harry.

"Je ne peut pas mettre mon épouse en danger de la sorte, étant donné ce que j'ai vécu, je suis réticent à me mettre aussi moi-même inutilement en danger", ajoute-t-il.

Le prince affirme aussi que lui et son épouse "se sont sentis contraints" de quitter le pays en 2020 et de prendre du recul de leurs fonctions royales.

Les jours précédents, sa défense a affirmé que la décision prise par les autorités de changer les règles de prise en charge de sa sécurité étaient "injustes" étant donné son statut et les circonstances de la mort de sa mère.

La princesse Diana est décédée dans un accident de voiture à Paris en 1997, alors qu'elle était suivie par des paparazzis.

Le ministère de l'Intérieur a lui défendu le principe d'une sécurité "sur mesure" et "selon le contexte" pour le prince, conséquence de sa décision de ne plus être un membre actif de la famille royale.

En mai, une demande du prince Harry de payer avec ses fonds personnels pour bénéficier d'une protection policière avait été rejetée par la justice.


Amour, graphisme et lutte des classes: la designeuse Matali Crasset revisite «Giselle»

Dans ce récit né de l'imagination de Théophile Gautier et chorégraphié à Paris en 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot, Giselle est une jeune villageoise qui meurt en apprenant qu'Albrecht, l'homme dont elle est tombée amoureuse, est un aristocrate déjà fiancé à une princesse. (AFP)
Dans ce récit né de l'imagination de Théophile Gautier et chorégraphié à Paris en 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot, Giselle est une jeune villageoise qui meurt en apprenant qu'Albrecht, l'homme dont elle est tombée amoureuse, est un aristocrate déjà fiancé à une princesse. (AFP)
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  • Dans sa réinterprétation contemporaine de ce classique des ballets de l'ère romantique, racontant un amour impossible par-delà la mort, Matali Crasset confronte deux mondes viscéralement opposés
  • «Il y a le "monde d'en bas", une communauté de villageois qui défend le vivant, et le "monde d'en haut", celui des propriétaires terriens qui craignent de perdre leurs privilèges», explique la créatrice

BORDEAUX: A l'Opéra de Bordeaux, la designeuse Matali Crasset, connue pour ses créations ludiques et politiques, propose jusqu'au 31 janvier, une version épurée et graphique du célèbre ballet romantique "Giselle", sur fond de lutte des classes.

Dans sa réinterprétation contemporaine de ce classique des ballets de l'ère romantique, racontant un amour impossible par-delà la mort, Matali Crasset confronte deux mondes viscéralement opposés.

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Dans sa réinterprétation contemporaine de ce classique des ballets de l'ère romantique, racontant un amour impossible par-delà la mort, Matali Crasset confronte deux mondes viscéralement opposés. (AFP)

"Il y a le +monde d'en bas+, une communauté de villageois qui défend le vivant, et le +monde d'en haut+, celui des propriétaires terriens qui craignent de perdre leurs privilèges", explique la créatrice, reconnaissable à sa coupe à la Jeanne d'Arc et ses lunettes carrées.

Dans ce récit né de l'imagination de Théophile Gautier et chorégraphié à Paris en 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot, Giselle est une jeune villageoise qui meurt en apprenant qu'Albrecht, l'homme dont elle est tombée amoureuse, est un aristocrate déjà fiancé à une princesse.

Serpillères contre combinaisons synthétiques

Marqueur de différences entre ces deux mondes: la matière des costumes, en serpillères de coton et déchets recyclés pour les villageois; en matière synthétique - polyester et élasthanne - rappelant les maillots de bain et combinaisons étanches pour la noblesse.

Grâce au "savoir-faire" des costumiers de l'opéra bordelais, le tissu gaufré teint en vert olive ou orange mandarine, fabriqué par le dernier fabricant français de serpillières dans le Rhône, se révèle étonnamment élégant, "presque comme une veste en tweed iconique de chez Chanel", sourit la designeuse.

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Dans ce récit né de l'imagination de Théophile Gautier et chorégraphié à Paris en 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot, Giselle est une jeune villageoise qui meurt en apprenant qu'Albrecht, l'homme dont elle est tombée amoureuse, est un aristocrate déjà fiancé à une princesse. (AFP)

Les costumes sophistiqués de la noblesse, rappelant les lignes de Courrèges, aux couleurs "un peu artificielles", entre turquoise, rose ou violet ultra vif, dénotent du "culte de l'apparence" d'une société "déconnectée du vivant".

Mais le véritable "personnage principal" du ballet, jonglant entre tradition et modernité, est bien le "tutu", qu'"il n'était pas du tout question d'enlever, en particulier dans le deuxième acte, très féérique".

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Marqueur de différences entre ces deux mondes: la matière des costumes, en serpillères de coton et déchets recyclés pour les villageois; en matière synthétique - polyester et élasthanne - rappelant les maillots de bain et combinaisons étanches pour la noblesse. (AFP)

Car Giselle se métamorphose ensuite en esprit qui hante la forêt. Elle rejoint les Willis, spectres de jeunes fiancées défuntes qui, la nuit, attirent les hommes pour se venger, les condamnant à danser jusqu'à la mort. Dans un dernier tête-à-tête amoureux, avant que les premières lueurs du jour ne fassent disparaître les fantômes, Giselle sauvera l'être aimé.

Dans la scénographie, la forme iconique du tutu est partout : dans les branches des arbres formés de tubes de bois, dans la chaumière stylisée de Giselle, la crinoline de la reine, les cols à la Médicis et bijoux des aristocrates.

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Dans la scénographie, la forme iconique du tutu est partout : dans les branches des arbres formés de tubes de bois, dans la chaumière stylisée de Giselle, la crinoline de la reine, les cols à la Médicis et bijoux des aristocrates. (AFP)

Sans décors peints 

Parés de longs rubans de soie blanche, les bustiers et tutus vaporeux des danseuses deviennent aussi graphiques, tout comme les capes et les guêtres et décorations d'apparats des nobles ou les haillons des vendangeurs. Par petites "touches symboliques", la scénographie renforce aussi un récit "plus écologique et féministe" avec des Willis  "femmes fatales qui prennent le pouvoir".

"Je me suis amusée, en apportant un côté ludique pour emporter tout le monde, amateurs de ballet et néophytes", ajoute la créatrice touche-à-tout, qui a travaillé pour une grande marque d'ameublement scandinave et des kiosques de journaux parisiens. Ses jeux de couleurs relookent nombre de locaux éducatifs et culturels ou encore les dernières rames du Thalys.

La designeuse, dont la réflexion créatrice s'articule aussi autour des valeurs d'empathie, a volontairement chassé tout décor peint du paysage pour permettre au spectateur d'être "au plus près" des danseurs, ajoute-t-elle.

Cette nouvelle version, sans les codes et accessoires du ballet traditionnel, est plus porteuse de sens, selon le directeur de ballet. "Est-ce qu'on a finalement besoin de peindre des arbres pour avoir une forêt, ou un prince avec une épée? On comprend très bien l'histoire et ces deux mondes qui se font face avec de simples lignes. Les moments codifiés ont été changés en regards, plus intenses au niveau de l'interprétation", pointe Eric Quilleré.

Une version contemporaine de Giselle "plus humaine" à laquelle "on s'identifie plus" selon lui. "Giselle, ici, Ce n'est plus juste de la danse, c'est un message".


«  Pari Beyrouth », le rêve d'une vie

Hugo Danaguezian propose à ses abonnés sur sa page Instagram, intitulée «Pari Beyrouth» et forte de  plus de 140 000 abonnés, des recettes personnalisées et il évoque son projet d'ouvrir un restaurant libanais à Paris. (AFP).
Hugo Danaguezian propose à ses abonnés sur sa page Instagram, intitulée «Pari Beyrouth» et forte de  plus de 140 000 abonnés, des recettes personnalisées et il évoque son projet d'ouvrir un restaurant libanais à Paris. (AFP).
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  • La cuisine libanaise est ancrée dans le paysage gastronomique français et, a fortiori, dans la capitale de l'Hexagone
  • Le projet de restaurant d'Hugo Danaguezian s'inscrit dans une démarche conviviale, collaborative et surprenante

PARIS: La cuisine libanaise est ancrée dans le paysage gastronomique français et, a fortiori, dans la capitale de l'Hexagone. Aux restaurants traditionnels s'ajoutent depuis quelques années de nouvelles adresses qui mêlent innovation et créativité. Hugo Danaguezian, quant à lui, propose à ses abonnés sur sa page Instagram, intitulée «Pari Beyrouth» et forte de  plus de 140 000 abonnés, des recettes personnalisées et il évoque son projet d'ouvrir un restaurant libanais à Paris.

 

Amoureux inconditionnel de la gastronomie

Faut-il suivre sa passion? Cette question anthropologique traverse souvent nos esprits. Hugo Danaguezian, qui avait pourtant une carrière parfaitement lancée dans le domaine des nouvelles technologies entre Londres et Paris, a décidé de franchir le pas et de réaliser son rêve d'enfant: ouvrir son propre restaurant.

«Mon restaurant est déjà l’un des plus suivis de Paris, alors que je n'ai pas de local. Mon but est d'ouvrir plusieurs restaurants», explique Hugo Danaguezian.

L'amour que sa famille franco-libanaise d'origine arménienne porte à la gastronomie en général et la cuisine en particulier ainsi que ses séjours dans le pays du Cèdre ont été le moteur de ce rêve. «On allait au Liban tous les ans quand j'étais petit. C'est là que j'ai fait mes premières grandes découvertes culinaires.» Hugo Danaguezian a continué à se rendre au Liban à la recherche d'arômes et de saveurs pour la confection de ses recettes. 

 

Histoires familiales et personnelles

Sa démarche consiste à exprimer son rapport passionnel à la cuisine en évoquant des histoires familiales et personnelles. La force du contenu de ses pages Instagram et TikTok réside dans sa capacité de conteur. Il a su bâtir une communauté dont l'intérêt ne décroît pas. Le projet de restaurant d’Hugo Danaguezian s'inscrit également dans cette démarche conviviale, collaborative et surprenante.

«Mon restaurant est déjà l’un des plus suivis de Paris, alors que je n'ai pas de local. Mon but est d'ouvrir plusieurs restaurants. Pour le premier, je veux faire une cuisine libanaise créative en la transformant avec d'autres influences. On ne retrouve pas les ingrédients basiques du terroir libanais les trois quarts de l'année à Paris. Par exemple, plutôt que d’utiliser des tomates en hiver pour la salade fattouch, je les remplace par des oranges sanguines

La question du local reste la plus épineuse; c’est l'âme du projet. Hugo Danaguezian caresse l'espoir d'une possible ouverture au printemps prochain, la saison des fleurs et des rêves.