Fritures sur la ligne Paris-Rabat!

Le président français Emmanuel Macron quitte son avion à son arrivée à l'aéroport de Tanger pour une visite d'une journée au Maroc, le 15 novembre 2018. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron quitte son avion à son arrivée à l'aéroport de Tanger pour une visite d'une journée au Maroc, le 15 novembre 2018. (AFP)
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Publié le Mercredi 14 septembre 2022

Fritures sur la ligne Paris-Rabat!

Fritures sur la ligne Paris-Rabat!
  • La visite du président français au Maroc revêt dans le contexte actuel une importance capitale
  • Cette visite, si elle a lieu, aura pour principales lignes directrices la réinvention du partenariat d’exception qui lie la France au Maroc

Dans leurs récents développements, ces fritures ont été incarnées par la publication sur les réseaux sociaux de documents non identifiés attribués grossièrement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) faisant état d’une vision antagoniste à l’égard du Maroc. Vite démentis par l’ambassade de France à Rabat, ces documents et les multiples analyses qui en ont été faites ainsi que les échos qui leur ont été donnés, montrent à quel point les relations entre les deux pays sont devenues fébriles.

Tous les regards sont donc tournés vers le prochain point de jonction dans la relation Rabat-Paris. Jusqu’à se poser cette question: quel message cherchait à faire passer le président français, Emmanuel Macron, quand, au hasard dune rencontre fortuite avec des Marocains dans la rue, il leur annonce sa décision de se rendre au Maroc à la fin du mois d’octobre? De quelle urgence était saisi le locataire de l’Élysée qui revenait à peine de son périple algérien pour annoncer ainsi son déplacement au Maroc?

Il est tout à fait clair que pour un jeune président qui maîtrise parfaitement les codes de la communication moderne, cette posture était chargée de sens et porteuse de messages. Il nest toutefois pas sûr qu’une certaine pratique traditionnelle de la diplomatie dans le très classique axe Paris-Rabat appréciera cette forme de légèreté apparente avec laquelle des choses importantes, voire décisives sont dites.  

Mais le message qu’Emmanuel Macron a voulu transmettre est le suivant: les braises de ma visite en Algérie et mon partenariat renouvelé sont encore fumants que je programme déjà une visite au Maroc, le pays qui obsède le régime algérien.

Cette visite au Maroc, annoncée par Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux, revêt donc dans le contexte actuel une importance capitale, voire déterminante. Elle interviendra au lendemain de son déplacement algérien au cours duquel Alger était censé pratiquer un chantage sur la France pour lempêcher dadopter des positions promarocaines sur la question cruciale du Sahara.

Nombreux sont ceux qui ont observé que lors des deux déclarations conjointes des présidents français et algérien, Abdelmadjid Tebboune avait évoqué «le Sahara occidental» au nombre des crises régionales abordées avec son invité, alors qu’Emmanuel Macron a totalement ignoré le sujet, préférant une digression sur la crise ukrainienne. M. Macron voulait donner l’impression que le sujet saharien n’avait pas été évoqué, ou sinon à la marge, et qu’il ne nécessitait aucun commentaire. Et la question qui brûlait toutes les lèvres est la suivante: quels impacts aura cette nouvelle «amitié complice» politique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sur les relations entre Marocains et Français?

Cette visite au Maroc, annoncée par Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux, revêt donc dans le contexte actuel une importance capitale, voire déterminante. Elle interviendra au lendemain de son déplacement algérien au cours duquel Alger était censé pratiquer un chantage sur la France pour lempêcher dadopter des positions promarocaines sur la question cruciale du Sahara.

Désormais, Paris se contente de soutenir loption de lautonomie et sabstient de reconnaître ouvertement et pleinement la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Les raisons qui l’en empêchent sont aussi obscures que politiquement injustifiées. 

Cette visite de M. Macron se déroulera aussi dans un climat de tension qui dure depuis des mois dans la relation entre Paris et Rabat. Une méfiance sourde. Une distance sèche. Un froid mutique. La crise des visas est venue porter cette atmosphère tendue à son paroxysme. Les Marocains nont jamais accepté qu’on puisse les mettre dans le même sac et les punir pour une histoire de laissez-passer consulaires, sinon fictive, du moins volontairement exagérée. 

Même si la diplomatie marocaine na pas encore réagi à lannonce dEmmanuel Macron de se déplacer au Royaume en octobre prochain, il paraît désormais acquis que cette visite doit forcément faire bouger les lignes si elle veut marquer les esprits et lHistoire.

Et comme elle interviendra au lendemain dun discours historique au cours duquel le roi Mohammed VI a sommé les alliés, dont la France, de sortir de la zone grise quant à leur positionnement sur le Sahara, il semble inimaginable que le président français puisse se déplacer au Maroc sans apporter dans ses bagages la mise à jour nécessaire du logiciel de la relation France-Maroc compatible avec les choix stratégiques des nouvelles directives royales.

Cette visite, si elle a lieu, aura pour principales lignes directrices la réinvention du partenariat dexception qui lie la France au Maroc. Cela ne sera possible que si les deux pays entament un dialogue franc pour crever tous les abcès, accompagné dun abandon français de cette zone de confort qui justifierait la non-reconnaissance pleine et entière de la souveraineté du Maroc sur le Sahara.  

Dici à octobre, Paris devra mettre à plat toutes les contraintes et les freins qui empêchent une telle évolution, tout à fait naturelle et logique de la part dun allié du Maroc qui se veut dexception.

C’est une visite hautement politique que M. Macron va effectuer au Maroc. Le statu quo comme les retours en arrière sont strictement interdits et toutes les audaces et les folles ambitions sont permises. C’est à ce prix que la relation France-Maroc pourra se relancer dans la bonne direction et donner au partenariat d’exception qui lie les deux pays une nouvelle voilure qui consolidera ses fondamentaux et libérera les énergies indispensables à son épanouissement.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.