L'Ukraine n'est pas nazie, disent des rescapés de la Shoah à Poutine

Un homme prie dans la synagogue de Kryvyj Rig le 23 septembre 2022, alors que la guerre Russie-Ukraine entre dans son 212e jour. (Photo de Genya SAVILOV / AFP)
Un homme prie dans la synagogue de Kryvyj Rig le 23 septembre 2022, alors que la guerre Russie-Ukraine entre dans son 212e jour. (Photo de Genya SAVILOV / AFP)
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Publié le Dimanche 25 septembre 2022

L'Ukraine n'est pas nazie, disent des rescapés de la Shoah à Poutine

  • Si des unités militaires et groupes se réclamant de l'extrême droite existent en Ukraine, le phénomène n'a rien de généralisé
  • Néanmoins, le Kremlin estime que le pays tout entier doit être «dénazifié»

KRYVYÏ RIG Ukraine : A 83 ans, Roman Gherstein a échappé à la Shoah, qui fit 1,5 million de morts en Ukraine. Il se sait donc bien placé pour récuser la justification donnée par le Kremlin de l'invasion de son pays: «Il n'y a pas de nazis ici».

Dans la logique de Vladimir Poutine, le pouvoir ukrainien, accusé d'orchestrer un prétendu «génocide» de russophones dans l'est de l'Ukraine, est tout aussi vil et meurtrier qu'Adolf Hitler.

Si des unités militaires et groupes se réclamant de l'extrême droite existent en Ukraine, le phénomène n'a rien de généralisé. Néanmoins, le Kremlin estime que le pays tout entier doit être «dénazifié».

L'oeil taquin derrière ses lunettes rondes, M. Gherstein porte un costume bien trop large pour sa frêle corpulence. Il ponctue souvent d'un grand éclat de rire le récit de sa vie. Celle d'un homme qui, vaille que vaille, a eu beaucoup de chance, notamment face aux vrais nazis.

«Je fais partie des rares personnes à avoir été évacuées deux fois de Tchernobyl», sourit-il. La première, lorsque les nazis s'emparèrent de sa ville dans le nord de l'Ukraine. La seconde 45 ans plus tard, lors de la pire catastrophe nucléaire de l'Histoire à la centrale nucléaire éponyme.

Né en 1939, Roman n'a que deux ans quand son père l'installe dans un bateau, avec ses trois autres enfants, pour fuir la Wehrmacht. Depuis la rivière Pripiat, ils rejoignent le fleuve Dniepr, puis Kiev, puis le Tadjikistan. Ils restent trois ans.

A leur retour à Tchernobyl, la communauté juive n'est plus. «Ceux qui ont décidé de rester reposent sous terre pour toujours. Sept cents personnes : des femmes, des enfants, des personnes âgées», énumère-t-il.

- «Réécriture de l'Histoire» -

Lioubov Petoukhova, 99 ans pour deux mois encore, est à peine adulte quand les siens quittent précipitamment la région de Vinnytsia (centre), direction l'Ouzbékistan.

Dans son village de Botvino, qui n'existe plus aujourd'hui, «tous» les juifs demeurés sur place ont été «torturés, assassinés», dit, le regard dur, la babouchka voûtée, marchant à tout petits pas dans son appartement humblement meublé de Kryvyï Rig (sud).

Felix Mamot, 84 ans, évoque sa famille nombreuse avant la Shoah. Son arrière-grand-mère avait 16 enfants, bien plus de petits-enfants encore et même des arrière-petits-enfants. Soixante-douze d'entre eux reposent à Babi Yar, un ravin de Kiev dans laquelle 70.000 à 100.000 Ukrainiens, pour la plupart juifs, ont été exécutés.

Entre 1941 et 1944, quelque 1,5 million de juifs ont été massacrés, souvent par balles, en Ukraine. En 2019, seuls 48.000 à 140.000 Ukrainiens étaient de confession juive, selon une étude de l'université hébraïque de Jérusalem.

Parmi eux, leur président et chef de guerre Volodymyr Zelensky, petit-fils d'un vétéran de l'armée rouge durant la Seconde guerre mondiale.

A l'inverse, 2 à 3 millions de soldats ukrainiens combattant pour l'armée rouge ont péri face celle d'Hitler, tout comme 3 à 5 millions de civils, affirme Anton Drobovytch, le directeur de l'Institut national de la mémoire.

Qualifier l'Ukraine de pays nazi, comme le fait la Russie aujourd'hui, n'a «aucun sens» et relève d'une «réécriture de l'Histoire» pour «justifier» l'invasion du pays, tonne-t-il.

L'insulte est d'autant plus amère qu'après 1945, les Juifs ont été confrontés à «une politique officielle d'antisémitisme en URSS», ajoute Anton Drobovytch.

- «Pire qu'Hitler» -

Felix Mamot, fringant dans ses habits sportifs, se souvient que son père, d'abord «personnellement accepté par Staline» et jouissant d'une bonne situation à Moscou, a été menacé par la purge visant sa communauté, l'obligeant à fuir la capitale pour l'Ukraine.

Roman Gherstein se remémore, lui, comment l'un de ses frères et sa soeur sont privés d'études supérieures «à cause de leur nom».

Depuis l'indépendance de l'Ukraine, la situation s'est grandement améliorée, affirme-t-il. «Sous l'ère soviétique, les discriminations étaient énormes, mais cela n'existe plus. Il n'y a qu'à regarder qui est notre président pour le comprendre», souligne le vieil homme.

«Il n'y a pas de nazis en Ukraine», s'indigne donc Lioubov Petoukhova, utilisant les mêmes mots que M. Gherstein.

Aux deux vieillards de conspuer le président Poutine: «nazi», «brigand», «pire qu'Hitler».

Felix Mamot est seul à juger que la mort d'une quarantaine de manifestants prorusses dans des affrontements en 2014 à Odessa a mis de l'eau au moulin de Poutine: «Nous lui avons donné une raison en 2014 de faire ce qu'il fait aujourd'hui».

Reste que les fosses communes et exécutions sommaires découvertes en Ukraine à Boutcha, Irpin ou Izioum ne sont pas le fait d'une armée de nazis ukrainiens, mais des forces russes, relève le rabbin de Kryvyï Rig Liron Ederi.

«Ce ne sont plus seulement des juifs, mais tous les Ukrainiens qui sont tués.»


Quatorze pays de l'UE demandent à la BEI d'en faire plus pour la défense

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (Photo, AFP).
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (Photo, AFP).
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  • Dans cette lettre, les signataires demandent à la BEI, principale institution de financement de l'Union européenne, de renforcer ses investissements dans le secteur de la défense
  • Aujourd'hui, 68% des achats d'armement réalisés dans l'UE au profit de l'Ukraine se font auprès de fabricants américains

BRUXELLES: Quatorze pays de l'UE, dont l'Allemagne, la France ou l'Italie, demandent à la Banque européenne d'investissement (BEI) d'en faire plus pour le financement de l'industrie de la défense en Europe, dans une lettre commune dont l'AFP a obtenu une copie lundi.

Dans cette lettre, les signataires demandent à la BEI, principale institution de financement de l'Union européenne, de renforcer ses investissements dans le secteur de la défense, "conformément aux nouvelles priorités de l'UE".

L'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a "provoqué un besoin accru d'investissements dans le secteur de la sécurité et de la défense", soulignent ces 14 pays dans cette lettre adressée aux autorités européennes.

Les 14 signataires sont l'Allemagne, la France, l'Italie, la Finlande, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Suède et les Pays-Bas.

Menace russe  

La Commission européenne a proposé la semaine dernière de renforcer drastiquement l'industrie de défense de l'UE face à la menace russe.

L'exécutif européen souhaite ainsi que, d'ici 2030, "50% des équipements" militaires commandés par les Etats membres soient fournis par l'industrie européenne, a dit la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager.

Aujourd'hui, 68% des achats d'armement réalisés dans l'UE au profit de l'Ukraine se font auprès de fabricants américains.

Depuis sa création en 1958, la banque de l'UE a investi plus de 1.000 milliards d'euros, mais peu dans le secteur de la défense, privilégiant l'action pour le climat ou l'innovation.


Gaza est désormais un «cimetière à ciel ouvert» selon Borrell

Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 mars 2024 (Photo, AFP).
Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 mars 2024 (Photo, AFP).
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  • A Gaza, «nous ne sommes plus au bord de la famine, nous sommes face à une famine qui affecte des milliers de personnes»
  • Les ministres devraient cependant annoncer des sanctions contre des colons israéliens, accusés d'exactions contre les Palestiniens en Cisjordanie

BRUXELLES: La Bande de Gaza est désormais un "cimetière à ciel ouvert" après avoir été une "prison à ciel ouvert", a dénoncé lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

"Gaza était avant la guerre la plus grande prison à ciel ouvert. Aujourd'hui c'est le plus grand cimetière à ciel ouvert pour des dizaines de milliers de personnes, mais aussi pour nombre des plus importants principes du droit humanitaire", a déclaré M. Borrell, peu avant le début d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE.

A Gaza, "nous ne sommes plus au bord de la famine, nous sommes face à une famine qui affecte des milliers de personnes", avait dit Josep Borrell un peu plus tôt dans la matinée dans un discours devant un forum européen sur l'aide humanitaire.

Pourtant, a-t-il souligné, des "centaines de camions" transportant des "mois de stocks" de nourriture et d'aide humanitaire attendent en vain d'entrer dans la bande de Gaza, faute d'y être autorisés par les autorités israéliennes.

C'est "inacceptable", la "famine est utilisée comme une arme de guerre", a-t-il encore dénoncé, comme il l'avait déjà fait la semaine dernière devant les Nations unies à New York.

Israël a aussitôt critiqué ces propos. "Il est temps que (...) Josep Borrell arrête d'attaquer Israël et reconnaisse notre droit à nous défendre contre les crimes du Hamas", a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz sur X.

"Israël autorise une importante aide humanitaire à Gaza, par terre, air et mer pour quiconque veut aider", a-t-il affirmé.

Les ministres européens des Affaires étrangères doivent discuter lundi à Bruxelles de la situation à Gaza, mais "aucune décision d'envergure" ne devrait être prise, a reconnu avant la réunion le chef de la diplomatie lituanienne, Gabrielius Lansbergis.

Sanctions contre des colons israéliens

Les ministres devraient cependant annoncer des sanctions contre des colons israéliens, accusés d'exactions contre les Palestiniens en Cisjordanie.

Depuis l'attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, et l'opération militaire israélienne lancée en représailles dans la bande de Gaza, la situation s'est encore plus tendue en Cisjordanie où au moins 430 Palestiniens ont été tués par des tirs de soldats ou de colons israéliens, selon l'Autorité palestinienne.

Les Européens vont également annoncer de nouvelles sanctions contre le Hamas, le mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza.

Les Européens restent très divisés sur l'attitude à adopter vis-à-vis d'Israël dans sa guerre contre le Hamas, qui a déjà fait plus de 30.000 morts selon le mouvement palestinien.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de sources officielles israéliennes.

Environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d'entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 32 seraient mortes, d'après Israël.


L'Afghanistan menace le Pakistan de "conséquences" incontrôlables après des frappes

Des athlètes afghans enlèvent des verres cassés au club de boxe Mellat, un jour après une explosion dans le quartier de Dasht-e-Barchi à Kaboul, le 27 octobre 2023. Photo d'illustration. (AFP).
Des athlètes afghans enlèvent des verres cassés au club de boxe Mellat, un jour après une explosion dans le quartier de Dasht-e-Barchi à Kaboul, le 27 octobre 2023. Photo d'illustration. (AFP).
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  • Huit personnes, des femmes et des enfants, ont été tuées tôt lundi par des frappes aériennes pakistanaises dans deux provinces d'Afghanistan proches de la frontière commune
  • "Des appareils pakistanais ont bombardé les maisons de civils (...) dans la province de Paktika (...) faisant six morts" et "dans la province de Khost (...) deux femmes ont été tuées"

KABOUL: Kaboul a menacé lundi Islamabad de "conséquences" incontrôlables après des frappes pakistanaises qui ont tué huit civils, des femmes et des enfants, dans deux provinces d'Afghanistan proches de la frontière commune.

"Vers 03H00 (22H30 GMT dimanche) des appareils pakistanais ont bombardé les maisons de civils (...) dans la province de Paktika (...) faisant six morts" et "dans la province de Khost (...) deux femmes ont été tuées", a annoncé le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid.

L'Afghanistan "condamne fermement ces attaques", a poursuivi le porte-parole officiel, dénonçant une "violation de la souveraineté" de son pays.

"Ces attaques peuvent avoir des conséquences que le Pakistan ne serait pas capable de contrôler", a-t-il menacé.

"Le peuple du Pakistan et le nouveau gouvernement civil ne devraient pas laisser quelques généraux poursuivre des politiques erronées (...) qui portent atteinte aux relations des deux pays musulmans voisins, avec de telles actions éhontées", a-t-il poursuivi.

Depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en 2021, les tensions frontalières entre les deux pays se sont accrues.

Le Pakistan affirme que des groupes armés, comme les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), mènent des attaques planifiées depuis le sol afghan, à travers une frontière très poreuse.

Le ministère afghan de la Défense a annoncé que ses forces à la frontière avaient répliqué aux frappes pakistanaises par des tirs "à l'arme lourde".

Un responsable pakistanais dans les régions frontalières, qui a requis l'anonymat, a confirmé à l'AFP que les forces afghanes avaient bombardé le territoire pakistanais lundi matin, entraînant des affrontements avec l'armée pakistanaise.

"Des annonces ont été faites dans les mosquées pour l'évacuation des zones des districts de Kurram et du Nord-Waziristan alors que des affrontements sporadiques entre le Pakistan et l'Afghanistan ont lieu à la frontière", a-t-il précisé.

Les attaques aériennes surviennent deux jours après que des assaillants ont tué sept soldats dans le nord-ouest du Pakistan, dans le Waziristan du Nord, près de la frontière avec l'Afghanistan.

Cette attaque a été attribuée par le président pakistanais Asif Ali Zardari à des "terroristes".

Il a promis qu'Islamabad y répondrait "avec fermeté" et "quels qu'en soient l'auteur et le pays d'où il vient".

Le gouvernement afghan a toujours nié abriter des groupes armés étrangers et assuré qu'il ne permettrait à personne d'utiliser le sol afghan pour lancer des attaques contre ses voisins.

«Avions de combat et drones»

"Des bombardements ont eu lieu (à Khost)", a confirmé pour sa part à l'AFP Ahmad Osmani, directeur du département de l'Information et la Culture de la province, en évoquant "des avions de combat et des drones (qui) survolaient" la zone.

Un chef tribal du district de Spera, de la même province de Khost, a expliqué à l'AFP qu'à 03H30 locale, un premier drone l'avait fait fuir, avec les autres habitants, dans les montagnes.

"Puis deux avions de combat (nous) ont bombardés, et ensuite un drone", et plusieurs personnes ont été tuées.

"Toutes les personnes visées étaient des réfugiés du Waziristan, ce ne sont pas des terroristes", a-t-il ajouté. "Le gouvernement pakistanais nous a fait fuir nos maisons (au Waziristan) et l'Emirat islamique d'Afghanistan ne fait pas attention à nous".

Le Waziristan est l'une des anciennes zones tribales semi-autonomes du nord-ouest du pays, où l'armée pakistanaise a mené de nombreuses opérations contre les insurgés liés au réseau Al-Qaïda et aux talibans après l'invasion en 2001 de l'Afghanistan par les États-Unis et leurs alliés de l'Otan.

De nombreuses personnes originaires des zones tribales s'étaient réfugiées en Afghanistan après le lancement en 2014 d'une opération militaire qui avait permis d'en chasser le TTP et entraîné une amélioration de la sécurité au Pakistan pendant quelques années.

Le TTP avait tué entre sa création en 2007 et 2014 des dizaines de milliers de civils pakistanais et membres des forces de sécurité.

Une source du TTP, qui n'a pas souhaité s'identifier, a fait état lundi de neuf morts dans des bombardements dans la seule province de Paktika.

"Une maison a été visée et deux femmes et sept enfants ont été tués", a-t-il dit dans un message à l'AFP.

Des tirs de l'armée pakistanaise contre l'est de l'Afghanistan en avril 2022 avaient fait une cinquantaine de morts, Islamabad ayant exigé de Kaboul "des mesures sévères" contre les militants qui attaquent son territoire.