Le Japon entre recueillement et contestation aux funérailles nationales d'Abe

Des personnes laissent des fleurs et rendent hommage à l'ancien Premier ministre Shinzo Abe devant le Nippon Budokan à Tokyo, le 27 septembre 2022 (Photo, AFP).
Des personnes laissent des fleurs et rendent hommage à l'ancien Premier ministre Shinzo Abe devant le Nippon Budokan à Tokyo, le 27 septembre 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 27 septembre 2022

Le Japon entre recueillement et contestation aux funérailles nationales d'Abe

  • Son assassinat par balles en plein meeting électoral le 8 juillet dernier à 67 ans a choqué au Japon et dans le monde entier
  • Mais Abe était aussi honni par beaucoup pour ses vues ultralibérales et nationalistes

TOKYO: Des milliers de Japonais rendaient mardi matin un dernier hommage à leur ancien Premier ministre assassiné Shinzo Abe, dont les funérailles nationales prévues dans la journée à Tokyo sont toutefois très controversées dans le pays.

De nombreux citoyens ordinaires faisaient la queue pour déposer des gerbes de fleurs et se recueillir brièvement devant un portrait d'Abe installé dans une tente près du Nippon Budokan, haut lieu de compétitions d'arts martiaux, de concerts et de cérémonies officielles au coeur de la capitale japonaise, où les funérailles nationales devaient démarrer vers 14H00 locales (05H00 GMT).

"Je voulais remercier (Abe, NDLR). Il a fait tellement pour le Japon (...) et la façon dont il est mort était tellement choquante", a déclaré Koji Takamori, un entrepreneur de 46 ans venu exprès de l'île d'Hokkaido (nord du Japon) avec son fils de 9 ans.

"Mais pour être honnête, je suis aussi venu parce qu'il y a eu tellement d'opposition" à ces funérailles nationales, a-t-il ajouté.

Cet événement est en effet loin d'être un moment d'union sacrée au Japon, ayant suscité d'intenses controverses et des manifestations ces dernières semaines.

Abe a battu le record de longévité d'un Premier ministre en exercice au Japon (plus de huit ans et demi en 2006-2007 et 2012-2020).

Il était la figure politique japonaise la plus connue aussi bien dans son pays qu'à l'international, avec son activité diplomatique intense et sa politique de relance budgétaire et monétaire massive surnommée "Abenomics".

Son assassinat par balles en plein meeting électoral le 8 juillet dernier à 67 ans a choqué au Japon et dans le monde entier.

Mais Abe était aussi honni par beaucoup pour ses vues ultralibérales et nationalistes, sa volonté de réviser la Constitution pacifiste japonaise et sa proximité avec de nombreux scandales politico-financiers.

Le mobile de son assassin présumé - les liens supposés d'Abe avec l'Eglise de l'Unification, surnommée "secte Moon", accusée d'exercer de fortes pressions financières sur ses membres - a encore un peu plus terni l'image de l'ancien Premier ministre aux yeux de ses détracteurs.

Depuis sa mort, les révélations ne cessent de pleuvoir sur l'ampleur des liens entre cette Eglise et des parlementaires nippons, surtout du Parti libéral-démocrate (PLD, droite au pouvoir), autrefois dirigé par Abe et aujourd'hui par l'actuel Premier ministre Fumio Kishida, dont la cote de popularité a fondu depuis cet été.

60% des Japonais sont contre

La décision rapide et unilatérale de M. Kishida d'organiser des funérailles nationales a indigné l'opposition qui estime que cela aurait dû être débattu et approuvé au Parlement. Plusieurs partis d'opposition vont boycotter la cérémonie.

Des hommages de ce type pour des responsables politiques sont rarissimes au Japon depuis l'après-guerre, le seul précédent remontant à 1967.

Le coût estimé de la cérémonie - l'équivalent de 12 millions d'euros - a aussi irrité. Après les défaillances de la protection rapprochée d'Abe, le gouvernement n'a pas lésiné sur la sécurité: 20 000 policiers devaient être déployés selon les médias locaux.

Des manifestations pacifiques contre l'événement ont parfois réuni plusieurs milliers de personnes ces dernières semaines et un nouveau rassemblement était prévu mardi devant le Parlement.

Un homme a aussi tenté de s'immoler par le feu près des bureaux du Premier ministre la semaine dernière pour protester contre l'hommage national, selon les médias locaux.

Selon les derniers sondages, environ 60% des Japonais sont opposés à ces funérailles nationales.

Présence discrète de la Chine

Quelque 4 300 personnes dont 700 dignitaires étrangers sont attendues à cette cérémonie non confessionnelle d'une heure et demie.

Dix-neuf coups de canon seront tirés au moment où l'urne funéraire contenant les cendres d'Abe arrivera au Budokan.

Après l'hymne national et une minute de silence, plusieurs éloges funèbres doivent être prononcés, notamment par M. Kishida et Yoshihide Suga, ancien bras droit d'Abe qui lui avait succédé comme Premier ministre (2020-2021).

L'empereur du Japon Naruhito et son épouse Masako ne seront pas présents, du fait de leur statut de symboles nationaux politiquement neutres, mais d'autres membres de la maison impériale y assisteront.

Parmi les hôtes étrangers figurent la vice-présidente américaine Kamala Harris, le Premier ministre indien Narendra Modi et son homologue australien Anthony Albanese. La France sera quant à elle représentée par son ancien président Nicolas Sarkozy.

La Chine, avec laquelle le Japon entretient des relations fraîches, a envoyé un représentant mais pas de membre de son exécutif.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.