La gauche française au bord de la crise de nerfs!

Jean-Luc Melenchon, Mathilde Panot et Adrien Quatennens saluent la foule après le discours de Melenchon lors de l'université d'été de la NUPES à Châteauneuf-sur-Isère le 28 août 2022 (Photo, AFP).
Jean-Luc Melenchon, Mathilde Panot et Adrien Quatennens saluent la foule après le discours de Melenchon lors de l'université d'été de la NUPES à Châteauneuf-sur-Isère le 28 août 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 28 septembre 2022

La gauche française au bord de la crise de nerfs!

La gauche française au bord de la crise de nerfs!
  • La relation avec les femmes est une problématique posée à gauche avec une telle acuité qu’elle donne l’impression qu’il existe un décalage énorme entre la posture politique et la pratique dans le réel
  • Les nouvelles réalités économiques du pays résultant de la guerre en Ukraine remettent en cause le dogme des écologistes français sur le nucléaire, qui n’est pas une préoccupation majeure des socialistes et les communistes

Qui aurait pu croire que la gauche française serait dans un état aussi pitoyable, quelques mois à peine après avoir réalisé de jolies performances électorales? Les législatives étaient censées être une vraie rampe de reconquête et de renaissance pour une gauche qui a réussi l’exploit de se réunir là où les multiples droites ont spectaculairement échoué.

Cette fameuse alliance de gauche, bigarrée sur le plan idéologique, diverse sur les choix politiques, allait certainement rencontrer des obstacles qui allaient ralentir sa dynamique. Mais ses blocages et ses contradictions aujourd’hui sont de nature à miner durablement son rôle et porter un coup dur à son efficacité.

La France insoumise, toujours dirigée par l’effervescent Jean-Luc Mélenchon, est en train de vivre un épreuve politique dont il est difficile de savoir si elle va se sortir indemne. Il s’agit du double scandale d’Adrien Quatennens.

Double, car le premier étage de cette bombe politique a été la révélation de la violence conjugale d’Adrien Quatennens, lui le chevalier blanc, fougueux à la limite parfois de l’arrogance, au sein de l’hémicycle, qui lance ses attaques contre tous ceux qui sont accusés d’avoir commis des actes similaires. L’effet boomerang a été d’une terrible violence.

La violence conjugale semble être une épidémie qui touche aussi, avec ses bruits et ses fureurs, un autre chef de cette alliance de gauche, Julien Bayou, un des leaders du parti écologiste français.

Le second étage de ce scandale a été la manière avec laquelle Jean-Luc Mélenchon s’est solidarisé avec son poulain, donnant cette sombre impression de comprendre, voire de minimiser cette violence conjugale. Et provoquant un tollé général avant de faire marche arrière et de mettre l’ensemble des dirigeants et surtout des dirigeantes de la France insoumise dans un terrible embarras, dont se sont délectés tous ceux qui attendaient le premier faux pas des Insoumis. Et ils sont de plus en plus nombreux devant la morgue supposée ou réelle de Jean-Luc Mélenchon.

La violence conjugale semble être une épidémie qui touche aussi, avec ses bruits et ses fureurs, un autre chef de cette alliance de gauche, Julien Bayou, un des leaders du parti écologiste français. La relation avec les femmes est une problématique posée à gauche avec une telle acuité qu’elle donne l’impression qu’il existe un décalage énorme entre la posture politique et la pratique dans le réel.

Mais les Verts n’ont pas que ce problème sociétal à régler. Leurs choix politiques et leur corpus idéologique se trouvent en collision frontale avec les nouvelles réalités économiques du pays issues de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les écologistes français, comme jadis les écologistes allemands, ont bâti leur fortune politique et leur séduction électorale sur leur croisade contre le nucléaire, accusé de produire une énergie polluante et non-amie avec la nature.

Marine Le Pen surfe aussi sur les vents favorables à l’extrême droite qui soufflent actuellement sur les pays européens, comme le montre avec force les exemples suédois et italien.

Or, la nouvelle donne oblige les pays européens à revoir l’épaisseur de leur allergie à l’égard du nucléaire, incontournable recours en Europe pour se chauffer face aux coupures attendues du gaz russe. Le récent houleux épisode entre le président Emmanuel Macron et le président sortant d’Électricité de France (EDF), Jean-Bernard Lévy, en dit long sur les douloureuses contorsions que les antinucléaires, par conviction ou par opportunisme, sont obligés de subir pour sortir de leurs contradictions.

Le nucléaire n’est pas la préoccupation majeure de l’autre composante de gauche que sont les socialistes et les communistes. Ces deux forces se sont réveillées brusquement un matin pour se rendre compte qu’elles ont rompu les amarres avec les classes populaires, jadis leur principale base électorale. En plein questionnement, le patron du Parti communiste, Fabien Roussel, a lancé la magnétique polémique entre «la gauche du travail» et «la gauche des allocations». Il n’en fallait pas plus pour révéler les béantes fractures programmatiques de cette gauche dite de gouvernement et son incapacité à homogénéiser ses approches.

Le second pôle qui pourrait profiter d’une gauche en miettes se trouve à l’extrême droite, chez Marine Le Pen. Une gauche forte pourrait fatalement limiter son aire d’influence et ses capacités d’évolution. Aujourd’hui, l’icône de l’extrême droite tisse patiemment son statut de première opposante à Emmanuel Macron. Opportunément et lors de sa rentrée politique, elle vient de lancer  ce slogan: l’alternative, c’est nous. Avec l’espoir d’installer dans les esprits un duel à deux partenaires uniques: le président sortant, qui ne pourrait pas se représenter, et le challenger tapi dans l’ombre, profitant des scandales des autres pour se tisser une nouvelle image et s’octroyer une nouvelle crédibilité.

Marine Le Pen surfe aussi sur les vents favorables à l’extrême droite qui soufflent actuellement sur les pays européens, comme le montre avec force les exemples suédois et italien. L’icône de l’extrême droite française se trouve actuellement devant une équation où la Macronie semble incapable de se régénérer, où la gauche est paralysée par ses propres contradictions et où la droite traditionnelle est embourbée dans une recherche désespérée de leadership.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.