Japon: chassé-croisé de pro et anti-Abe en marge de ses funérailles nationales

Des décorations de l'ancien premier ministre japonais Shinzo Abe sont vues sur la scène lors des funérailles d'État d'Abe au Nippon Budokan à Tokyo, le 27 septembre 2022. (AFP).
Des décorations de l'ancien premier ministre japonais Shinzo Abe sont vues sur la scène lors des funérailles d'État d'Abe au Nippon Budokan à Tokyo, le 27 septembre 2022. (AFP).
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Publié le Mardi 27 septembre 2022

Japon: chassé-croisé de pro et anti-Abe en marge de ses funérailles nationales

  • Des milliers de Japonais ordinaires et de tous âges ont afflué tôt mardi matin aux abords du Nippon Budokan, haut lieu de compétitions d'arts martiaux, de concerts et de cérémonies officielles en plein coeur de la capitale
  • Calmement, les uns après les autres, ils ont déposé des gerbes de fleurs et se sont brièvement recueillis devant un portrait d'Abe installé sous une tente dressée pour l'occasion près du Budokan

TOKYO : "Bienfaiteur" du Japon pour les uns, "fasciste" pour les autres: partisans et détracteurs de l'ancien Premier ministre assassiné Shinzo Abe ont étalé leurs divisions mardi à Tokyo en marge de ses funérailles nationales qui étaient censées être un moment d'union sacrée.

Des milliers de Japonais ordinaires et de tous âges ont afflué tôt mardi matin aux abords du Nippon Budokan, haut lieu de compétitions d'arts martiaux, de concerts et de cérémonies officielles en plein coeur de la capitale où les funérailles nationales étaient organisées.

Calmement, les uns après les autres, ils ont déposé des gerbes de fleurs et se sont brièvement recueillis devant un portrait d'Abe installé sous une tente dressée pour l'occasion près du Budokan.

"Je ne crois pas que le Japon aura un jour un meilleur leader" que lui, a déclaré à l'AFP Yoshiko Yokota, 48 ans, se souvenant avec émotion de sa rencontre avec Abe dans un restaurant où elle assurait le service: "bien que je ne sois qu'une personne ordinaire, Abe m'a regardée dans les yeux et m'a dit 'merci'".

"Avant Abe, le Japon a souffert pendant des années d'indécision politique" a estimé Tomoya Kagawa, un ouvrier du BTP âgé de 37 ans venu de la grande banlieue de Tokyo pour rendre hommage à l'ancien Premier ministre, dont il appréciait précisément la "détermination sans faille".

"Il a apporté de grandes contributions au Japon", a-t-il ajouté, citant la conclusion d'accords de libre-échange et le renforcement de l'alliance avec les Etats-Unis.

Bilan controversé

Shinzo Abe a battu le record de longévité d'un Premier ministre au Japon (plus de huit ans et demi étalés entre 2006-2007 et 2012-2020).

Il s'était fait connaître à l'étranger par sa politique de relance budgétaire et monétaire massive surnommée les "Abenomics" - dont les résultats sont toutefois mitigés - et par une intense activité diplomatique.

Mais au Japon, il était aussi haï par beaucoup pour son discours nationaliste, sa volonté de réviser la Constitution pacifiste et de nombreuses affaires de clientélisme impliquant son entourage.

Loin de faire de lui un martyr, son assassinat le 8 juillet dernier en plein meeting électoral à Nara (Ouest du Japon) a encore davantage terni son image auprès de ses détracteurs.

Car son assassin présumé ciblait à travers lui l'Eglise de l'Unification, surnommée la "secte Moon", une organisation religieuse controversée qui cultivait des liens avec de nombreux élus du Parti libéral-démocrate au pouvoir (PLD, droite), dont Abe a longtemps été le président.

Environ 60% des Japonais interrogés lors de derniers sondages étaient contre ces funérailles nationales, devenues rarissimes au Japon pour d'anciens responsables politiques depuis l'après-guerre.

L'opposition parlementaire a critiqué un choix unilatéral du Premier ministre actuel Fumio Kishida, dont Abe était le mentor, d'autres ont aussi été irrités par la facture salée de la cérémonie (l'équivalent de 12 millions d'euros).

«Restaurez la démocratie!»

"Ne pleurons jamais ce fasciste d'Abe", pouvait-on ainsi lire mardi sur la pancarte d'un opposant à la cérémonie qui a rassemblé au Budokan quelque 4 300 participants, dont 700 dignitaires étrangers du monde entier.

Quelques milliers de personnes ont manifesté devant le Parlement japonais pendant que les funérailles nationales se tenaient quelques kilomètres plus loin.

"Je trouve simplement que c'est impardonnable que tant d'argent du contribuable soit dépensé" pour cela, s'est indignée Kanako Harada, une réalisatrice indépendante âgée de 37 ans.

"Je m'oppose aux funérailles nationales parce que le gouvernement les a imposées sans écouter les gens" et donc sans respecter la Constitution, a déclaré à l'AFP Toshiro Inoue, 71 ans, venu de Yokohama (au sud-ouest de Tokyo) pour participer à la manifestation.

Les diverses affaires politico-financières autour d'Abe et du PLD sous sa présidence ont aussi "normalisé le fait pour un responsable politique de mentir avec impunité", a également estimé M. Inoue.

Alors qu'une minute de silence était observée au Budokan, les protestataires ont crié à l'unisson: "ne nous imposez pas le silence! Annulez les funérailles nationales! Restaurez la démocratie!"


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.