Élection présidentielle: Le Liban mérite bien une renaissance

Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, assiste à une session parlementaire pour élire un nouveau président à Beyrouth le 29 septembre 2022. (AFP).
Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, assiste à une session parlementaire pour élire un nouveau président à Beyrouth le 29 septembre 2022. (AFP).
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Publié le Vendredi 07 octobre 2022

Élection présidentielle: Le Liban mérite bien une renaissance

Élection présidentielle: Le Liban mérite bien une renaissance
  • Le président de la Chambre, Nabih Berri, a convoqué une deuxième fois les députés pour tenir une nouvelle session le 13 octobre prochain afin de tenter d’élire un président
  • Il est trop tôt pour savoir si le Liban aura dans une semaine un nouveau président de la république

Après un premier échec du Parlement libanais à élire un nouveau président lors de sa dernière réunion le 29 septembre dernier, le président de la Chambre, Nabih Berri, a convoqué une deuxième fois les députés pour tenir une nouvelle session le 13 octobre prochain afin de tenter d’élire un président.

Toutefois, la date choisie par M. Berri est hautement symbolique. Elle rappelle la date de la déroute militaire subie par le président, Michel Aoun, il y a trente-deux ans, alors qu’il était chef d’un gouvernent militaire à la fin de la guerre civile libanaise, et refusait de déposer les armes et de prêter allégeance à la nouvelle légalité libanaise issue à l’époque des accords de Taëf.

Le général Aoun avait annoncé vouloir se battre jusqu’au dernier homme pour défendre son quartier général qui n’était autre que le palais présidentiel situé sur la colline de la localité de Baabda surplombant la capitale Beyrouth. Le choix de la date de la deuxième session par le chef du Parlement considéré comme un ennemi juré de l’actuel président de la république, dont le mandat prend fin le 31 octobre prochain, n’est donc pas innocent; il rappelle cette date du 13 octobre 1989 qui a témoigné de la défaite politique et militaire de l’ancien commandant d’une armée alors divisée en deux camps opposés.

M. Aoun finira par fuir le palais présidentiel pour se réfugier à l’ambassade de France, et il partira quelques mois après s’installer en France en tant qu’exilé. Il y demeurera plus de quinze ans avant de retourner au Liban au lendemain de l’assassinat de l’ancien chef de gouvernement, Rafic Hariri, qui sonnera le glas de la mainmise syrienne sur le Liban qui s’est prolongée plus de quarante ans.

En revenant sur la date de la prochaine session parlementaire dont l’objet sera d’élire un nouveau président, M. Berri souhaiterait vivement qu’à son issue, un nouveau président soit élu. Connaissant son animosité à l’égard de M. Aoun, il est difficile de ne pas deviner où Nabih Berri voudrait en venir. Il est très probable qu’il fasse l’impossible afin de réussir son pari de faire élire un nouveau président. De quoi raviver la mémoire de la déroute de son ennemi de toujours. Il espère le pousser vers la porte de sortie du palais présidentiel, sans qu’il ne puisse s’y opposer sous quelque prétexte que ce soit

Mais il est trop tôt pour savoir si le Liban aura dans une semaine un nouveau président de la république. Les différentes composantes du Parlement ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord autour d’un candidat rassembleur. On connaît d’ores et déjà plusieurs candidats dont les noms circulent parmi les députés ainsi que dans les Q.G. des principaux partis politiques qui sont représentés au Parlement.

Mais aucun des noms avancés ici ou là ne parvient à être soutenu ouvertement par une majorité claire. Il y a les candidats dits de «défiance politique» dont les chances d’être élus sont à ce stade extrêmement minces. D’autre part, il y a les candidats dont les noms résonnent de Paris à Washington. Ceux-ci auraient les faveurs de la communauté internationale et posséderaient les compétences qui leur permettraient selon leurs supporters de s’atteler à la tâche du sauvetage économique et financier du Liban pris depuis 2019 dans le tourbillon d’une crise sans précédent.

Juste avant la deuxième convocation du Parlement prévue pour le 13 octobre, la énième tentative pour former un nouveau gouvernement tombait à l’eau. Et pour cause, le président de la république qui possède toujours le droit de signer les décrets de la formation du gouvernement exigeait qu’il puisse nommer trois, voire quatre ministres dans un gouvernement qui en compterait vingt-quatre. Or, M. Aoun termine son mandat dans moins de vingt-cinq jours. Une requête à laquelle le chef de gouvernement désigné, M. Najib Mikati, refuse d’accéder, craignant de n’octroyer à un président sortant une trop grande influence au sein d’un gouvernement qui pourrait bien lui succéder, alors qu’il ne serait plus locataire du palais présidentiel.

Il serait temps pour les différents acteurs au sein du Parlement, du moins à une majorité d’entre eux, de mettre fin à ce climat d’incertitude délétère qui plane sur l’échéance présidentielle au Liban. Il est grand temps de créer un groupe majoritaire pour en finir, et de porter à la présidence une personnalité d’une tout autre stature. Les politiciens libanais qui rappellent un passé peu glorieux devraient progressivement être mis sur la touche. Le Liban mérite bien mieux, il mérite une vraie renaissance.

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.