L'éviction du patron de la PJ Sud, en pleine réforme, provoque un tollé

Éric Arella (Photo, AFP).
Éric Arella (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 08 octobre 2022

L'éviction du patron de la PJ Sud, en pleine réforme, provoque un tollé

  • Éric Arella pilotait depuis sept ans les enquêtes sur la grande criminalité, et notamment sur le narcobanditisme
  • «C'est une honte, on lui fait porter le chapeau. Il a toujours été loyal», a indiqué une source de la PJ à Marseille

MARSEILLE: L'éviction vendredi du patron de la police judiciaire pour le sud de la France, au lendemain d'une action de ses troupes contre la réforme de la PJ, a suscité l'indignation générale d'une institution habituellement taiseuse, faisant descendre des centaines de policiers dans la rue.

Eric Arella pilotait depuis sept ans les enquêtes sur la grande criminalité, et notamment sur le narcobanditisme, de Perpignan à Nice en passant par la Corse et Marseille.

"C'est une honte, on lui fait porter le chapeau. Il a toujours été loyal", a indiqué à l'AFP une source de la PJ à Marseille, le syndicat des commissaires s'insurgeant lui contre une "décision brutale et injuste".

"Politique de la terreur", pour un commissaire de police judiciaire en région parisienne, "dictature" pour un enquêteur à Bordeaux, "république bananière", pour le vice-président de l'Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), à Lille: les qualificatifs traduisent la colère des policiers.

Pour le syndicat Alternative police, "un cap a été franchi et une réelle fracture s'est produite" entre la PJ et le patron de la police nationale, Frédéric Veaux.

Même stupeur côté justice, où l'Association française des magistrats instructeurs (Afmi) a regretté un "mode de gestion autoritariste", tandis que la Conférence nationale des procureurs a exprimé "sa plus grande préoccupation" concernant la réforme envisagée.

Le limogeage de M. Arella a été confirmé à l'AFP par la direction générale de la police nationale (DGPN): "Comme pour toute réforme, (...) il peut y avoir des désaccords. Mais une telle déloyauté n'est pas acceptable", indiquait-on dans l'entourage de son directeur, M. Veaux, qui n'a visiblement pas apprécié sa réception jeudi à Marseille.

A sa sortie de réunion, dans une ambiance glaciale, il avait été contraint de fendre une haie de quelque 200 policiers opposés à la réforme, bras croisés et silencieux, selon une vidéo transmise à l'AFP jeudi.

Face à une fronde désormais d'ampleur nationale, Frédéric Veaux a d'ailleurs décidé, a-t-on appris dans son entourage, de reporter son déplacement prévu à la PJ de Versailles le 17 octobre. Le même jour, plusieurs appels à manifester ont été lancés par les policiers.

«Je suis PJ»

Dès l'annonce du départ d'Eric Arella, vendredi, des centaines d'officiers ont manifesté leur colère vendredi. A Marseille, ils étaient environ 200 à crier des "bravo", "merci patron" au passage de sa voiture.

Une centaine de policiers à Nice, Montpellier ou Versailles, avec des affiches "Je suis PJ" ou "Je suis Arella" pour certains, 80 à Bordeaux, 70 à Toulouse, des dizaines à Strasbourg, Lille ou Nantes. La colère était généralisée, comme à Nanterre, devant le siège de l'office central de la PJ, où des dizaines d'enquêteurs ont entonné la Marseillaise.

"Les résultats à Marseille sont mauvais, avec des niveaux records d'homicides, alors que les effectifs ont été considérablement renforcés", justifiait-on vendredi dans l'entourage de la DGPN.

Depuis le début de l'année, 25 personnes sont mortes par balles dans les Bouches-du-Rhône dans des dossiers liés au trafic de drogue, selon la préfecture de police. Autant que sur toute l'année 2021.

À Marseille fin juin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin était pourtant laudatif: "Ici, 60% de ces règlements de comptes sont résolus, (...) un chiffre extrêmement positif puisque, en France, on résout à peu près 30% des tentatives d'homicides".

Une certitude: la réforme de la PJ, portée par Gérald Darmanin et Frédéric Veaux, suscite une énorme réticence.

Le projet prévoit de placer tous les services de police d'un département – renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et PJ – sous l'autorité d'un seul directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

"Si on demande à des enquêteurs de la PJ de prendre en charge des dossiers qui relèvent de la sécurité publique, on ne sera plus en mesure de faire notre boulot", s'inquiétait vendredi à Toulouse un membre de l'ANPJ. Caroline, cheffe d'une section criminelle à Versailles, a peur "de traiter des rodéos urbains plutôt que des affaires criminelles."

"Cette réforme (...) expose nos concitoyens au crime organisé et aux cartels", selon Thomas, porte-parole de l'ANPJ à Marseille.

"Il y a des difficultés d'organisation dans la police, mais à la PJ ça fonctionne", analyse Jean-Baptiste Perrier, professeur en droit privé et sciences criminelles à l'Université d'Aix-Marseille, en soulignant le caractère exceptionnel de cette mobilisation: "ce sont plutôt des taiseux".

M. Arella sera remplacé par Dominique Abbenanti, actuellement attaché de sécurité à Alger, a-t-on précisé à la DGPN. Eric Arella, lui, sera chargé de mission à la DGPN.


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.