Ces filles sont l'avenir de l'Iran... ce régime assassin appartient au passé

Une manifestante avec un drapeau iranien sur le visage assiste à un rassemblement à Paris, le 9 octobre 2022, en soutien aux protestations iraniennes (Photo, AFP).
Une manifestante avec un drapeau iranien sur le visage assiste à un rassemblement à Paris, le 9 octobre 2022, en soutien aux protestations iraniennes (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 13 octobre 2022

Ces filles sont l'avenir de l'Iran... ce régime assassin appartient au passé

Ces filles sont l'avenir de l'Iran... ce régime assassin appartient au passé
  • Il ne faut pas s’y tromper, le slogan «Femme, vie, liberté» ne vise rien d'autre qu'un changement de régime
  • Comment les ayatollahs peuvent-ils espérer conserver le pouvoir lorsque même les jeunes filles déchirent les photos de Khamenei et scandent «mort au dictateur»?

Voilà à quoi ressemble le vrai mal: assassiner des jeunes filles de sang-froid, puis proférer des menaces à l'encontre de leurs familles en deuil pour les contraindre à mentir sur les circonstances de ces atrocités.

Des camionnettes se sont même présentées dans des écoles en Iran pour arrêter les jeunes filles en masse, une évolution sinistre presque sans précédent. Les écoles de la province du Kurdistan ont été fermées – ces ayatollahs âgés sont terrifiés par les petites filles.

Sarina Esmailzadeh, une belle blogueuse vidéo de 16 ans, a été battue à mort par la police à coups de matraque, et sa famille a été soumise à un harcèlement intense pour la contraindre au silence. Nika Shahkarami, une jeune fille de seize ans, vivace et obstinée, a passé un dernier appel à sa mère pour lui dire qu'elle était poursuivie par les forces de sécurité. Lorsque sa famille a finalement pu accéder à son corps meurtri dix jours plus tard, elle a découvert que son crâne avait été défoncé par des coups extrêmement violents.

Les membres de la famille ont été arrêtés et menacés. La nature tragicomique et criminelle de ce régime est telle que lorsque l'oncle de Nika est apparu à la télévision contraint de donner un faux aperçu des événements, une ombre derrière lui l'a menacé: «Parle, espèce d'ordure.»

Nasrin, la mère de Nika, n'était pas dupe. «Je n'ai probablement pas besoin de faire autant d'efforts pour prouver qu'ils mentent», a-t-elle déclaré. «Ma fille a été tuée dans les manifestations le jour même de sa disparition.» Des vidéos de Nika et Sarina dans des moments plus heureux, dansant et chantant, ont été partagées des millions de fois alors que la colère contre les autorités iraniennes a atteint son paroxysme.

Les régimes répressifs aiment imposer des récits que personne ne croit. Des dictatures de pacotille comme celles de la Chine, de la Syrie, du Myanmar et de l'Iran tentent de semer la peur partout, tout en obligeant les sujets réprimés à relater des meurtres grotesques en utilisant les termes «accidents tragiques», «suicides» ou actes malveillants «d’ennemis étrangers».

Les protestations en Iran étant plus répandues que jamais, les estimations du nombre de morts sont loin de correspondre à la réalité. Rien qu'à Zahedan, en une seule journée, plus de 90 personnes ont été tuées, dont des enfants, lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu. N'oublions pas que ces protestations violentes ont éclaté après qu'une autre jeune femme, Mahsa Amini, est morte dans le coma suite à une fracture du crâne pour avoir simplement «incorrectement» porté son hijab.

Exister en tant que femme iranienne, c'est subsister dans un état d'apartheid: c’est être exclue officiellement ou officieusement de beaucoup de rôles et d'espaces sociaux, être obligée de porter des vêtements lourds, noirs, imposés par le régime, être contrainte d'être une citoyenne de seconde zone. Pendant ce temps, les épouses et les filles des tenants de la ligne dure du régime et de leurs copains des entreprises mènent une vie d'opulence, de débauche et d'excès. Si la police des mœurs tentait de pénétrer dans les quartiers huppés du nord de Téhéran pour dire à ces épouses comment s'habiller, elle se retrouveraient rapidement expédiées au fin fond du Baloutchistan!

Cependant, les manifestants iraniens ont irrémédiablement franchi une barrière psychologique. Les filles qui se coupent publiquement les cheveux sont dans un acte de défi suprême. Elles s'opposent aux exigences imposées par le régime tout en rejetant les normes de beauté et de soumission à une société patriarcale étouffante conçue pour maintenir les femmes à leur place.

Les Iraniens ont faim, sont pauvres et sans emploi en raison de la négligence et de l'incompétence du régime, mais les protestations vont bien au-delà; elles touchent au cœur même du droit des femmes à vivre leur vie librement. Il ne faut pas s’y tromper, le slogan «Femme, vie, liberté» ne vise rien d'autre qu'un changement de régime. Des acteurs, musiciens, sportifs et militants iraniens du monde entier ont enregistré des vidéos émouvantes démontrant leur solidarité avec ce soulèvement.

Les tentatives de meurtre du régime pour se tirer d'affaire sont exactement ce à quoi nous devons nous attendre sous la direction du président Ebrahim Raïssi. En 1988, lorsque l'ayatollah Khomeini a voulu vider les prisons iraniennes de dizaines de milliers de prisonniers politiques, le «Comité de la mort» de Raïssi les a simplement soumis à des procès fantoches et les a tous exécutés.

Exister en tant que femme iranienne, c'est subsister dans un état d'apartheid.

Baria Alamuddin

L'affirmation ridicule du Guide suprême, Ali Khamenei, selon lesquelles ces manifestations sont un complot étranger a exacerbé la colère populaire. D’autant plus que la réponse internationale a été trop faible. Il a fallu quelques semaines aux États occidentaux distraits pour se rendre compte que des événements d'une importance géopolitique potentiellement énorme se préparaient en Iran. Pourtant, lorsque j'ai pris la parole à la conférence du parti conservateur britannique la semaine dernière, j'ai été une fois de plus surprise par l’étendue de la naïveté délibérée concernant l'Iran. Un membre du public m'a affirmé avec assurance que les ayatollahs ne pouvaient pas désirer une bombe nucléaire, car ce serait contraire à l'islam. Comme si le massacre de jeunes filles et le lancement de missiles contre des États musulmans voisins étaient parfaitement autorisés par l'islam!

Un autre participant a tenté de replacer tous ces conflits dans le contexte d'une lutte éternelle entre chiites et sunnites. Quelle lutte éternelle? Récemment, au Liban, en Irak, au Bahreïn et au Yémen, il était tout à fait normal que les sunnites et les chiites coexistent et se marient entre eux. Pendant mon enfance au Liban, nous n'avions aucune idée des distinctions entre voisins sunnites, chiites ou druzes, et savourions les friandises typiques des fêtes religieuses des autres. Ce phénomène récent d'hostilités sectaires explosives est presque entièrement dû à la provocation cynique des tensions intercommunautaires pour imposer la suprématie d’un régime théocratique dont la constitution consacre «l'exportation de la révolution».

Pour des écolières qui devraient être bien trop jeunes pour avoir la moindre idée des développements politiques à l'échelle nationale, ces événements constituent des souvenirs formateurs inoubliables, et créent une détermination à faire tomber ce régime meurtrier lorsque l'occasion se présentera. Une vidéo a été largement diffusée sur Internet montrant des écolières en colère en train de repousser un membre des Bassidji envoyé pour leur parler, tandis que Raïssi visitait une université et était raillé au son de «mollahs dégagez».

Pour être juste, Raïssi semble avoir essayé de provoquer les étudiants, en récitant un poème comparant les manifestants à des «mouches». Mais comment les ayatollahs peuvent-ils espérer conserver le pouvoir lorsque même les jeunes filles déchirent les photos de Khamenei et scandent «mort au dictateur»?

Même si les Iraniens ne sont pas immédiatement récompensés par la libération qu'ils recherchent, les assassins de Mahsa, Nika et Sarina ont fait en sorte qu'il soit certain qu'un jour ou l'autre, suffisamment de citoyens descendront dans la rue pour balayer une fois pour toutes ce régime détesté.

Ces filles sont l'avenir de l'Iran. Bientôt, elles enverront ces vieux hommes maléfiques et discrédités aux oubliettes.

 

- Baria Alamuddin est une journaliste primée au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com