La génération Z, principal défi du régime iranien

À Rome, une femme brandit des photos de Mahsa Amini lors d'une manifestation de solidarité avec les femmes iraniennes (Photo, AFP).
À Rome, une femme brandit des photos de Mahsa Amini lors d'une manifestation de solidarité avec les femmes iraniennes (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 11 octobre 2022

La génération Z, principal défi du régime iranien

La génération Z, principal défi du régime iranien
  • Un profond fossé sépare les religieux au pouvoir de la génération Z en matière de valeurs sociales, morales, éthiques, religieuses et politiques
  • Soutenir la cause démocratique défendue par l'écrasante majorité des jeunes implique inévitablement de s'opposer fermement au régime iranien

Si, en Iran, les précédentes manifestations de grande ampleur concernaient les pauvres et la classe moyenne, celles qui se sont déroulées après la mort de Mahsa Amini semblent être principalement menées par les jeunes, en particulier par ceux que l'on appelle «la génération Z».
Un profond fossé sépare les religieux au pouvoir de la génération Z en matière de valeurs sociales, morales, éthiques, religieuses et politiques. Comme le résume Sarah, 22 ans, qui étudie à Téhéran, la capitale du pays, dans un article de l'Atlantic Council: «Tout au long de ma vie, j'ai appris que mon pays était différent et que ses règles étaient difficiles. J'ai également appris, en grandissant, que je ne devais pas parler de mes droits sous peine d'être emprisonnée, exilée ou même pire. Ici, dans mon pays, je peux mourir pour avoir contesté les lois de la République islamique, qui ont opprimé ma génération ainsi que les générations précédentes.»
Elle poursuit: «J'ai ressenti une immense solitude pendant mon adolescence, car j'étais perdue et désorientée. Comme beaucoup d'autres familles, j'ai grandi dans un foyer non conservateur. J'avais toute la liberté qu'une fille pouvait désirer à la maison, qu'il s'agisse de ma tenue vestimentaire, de mes amis ou de mes sorties, mais le monde extérieur était très différent. J'avais l'impression de vivre deux vies complètement différentes. Vous voyez, en Iran, tout peut facilement être un crime, y compris le fait de montrer ses cheveux.»
L'Iran compte une importante population de jeunes, dont beaucoup sont mécontents et insatisfaits de l'establishment politique actuel. Plus de 60% des 80 millions d'habitants de l'Iran ont moins de 30 ans. L'écrasante majorité de la génération Z aspire à un système de gouvernance démocratique dans lequel les libertés d'expression, de presse et de réunion ne seraient pas supprimées. Or, ils ont le sentiment d'être plus que jamais abandonnés à eux-mêmes dans la réalisation de leur rêve d'autodétermination.
Tout acteur étatique ou non étatique qui cherche à défendre la démocratie en Iran devrait saisir cette occasion. Les puissances mondiales ou les acteurs non étatiques doivent envoyer un message clair qui indique qu'ils sont aux côtés des jeunes Iraniens et qu'ils soutiennent leurs ambitions.
Se ranger du côté de la majorité du peuple iranien signifie également renoncer à entretenir des liens politiques ou diplomatiques étroits avec le régime iranien. Une puissance mondiale ne peut pas faire passer un message contradictoire au peuple iranien en déclarant qu'elle soutient sa cause alors que, dans le même temps, ses hommes politiques s'assoient à la même table que les hommes politiques iraniens, leur serrent la main et concluent des accords commerciaux. Le peuple iranien considérerait ce comportement comme deux poids, deux mesures.

Le fossé entre le régime iranien et la génération Z est trop profond pour être comblé

Majid Rafizadeh


Le problème est que, lorsque les gouvernements occidentaux manifestent leur amitié et leur soutien au gouvernement iranien sur les plans politique, diplomatique, économique, géopolitique, stratégique ou commercial, ils affaiblissent directement la jeunesse en Iran. Un véritable soutien à la cause démocratique défendue par l'écrasante majorité des jeunes implique inévitablement de s'opposer fermement au régime iranien.
Autrement dit, les jeunes Iraniens ont besoin d'aide extérieure pour atteindre leurs objectifs. Comme l'a souligné Sarah, issue de la génération Z en Iran: «Ce n'est pas seulement mon combat. Cela pourrait facilement être votre histoire si vous étiez né à mon époque et dans mon pays. À toutes les belles personnes courageuses qui savent ce qu'est la liberté, soyez notre voix. Demandez des comptes à vos autorités qui ferment les yeux et les oreilles à nos appels à l'aide. Plus important encore, demandez des comptes à la République islamique pour les atrocités qu'elle commet contre le peuple iranien. Des jours meilleurs nous attendent.»
Le régime iranien figure en permanence sur la liste des principaux parrains du terrorisme dans le monde. Les groupes secrets de défense des droits de l'homme et de la démocratie en Iran doivent être soutenus politiquement et financièrement. En outre, la dénonciation des violations flagrantes des droits de l'homme commises par le régime à l'encontre des jeunes et des femmes ainsi que le mépris total de Téhéran pour les lois internationales peuvent renforcer le pouvoir de la jeune génération et faire pression sur la République islamique.
Enfin, il existe un grand nombre de groupes dissidents, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Iran, qui sont liés et s'efforcent d'aider la jeune génération. Malheureusement, sans le soutien politique, diplomatique et financier d'autres acteurs étatiques et non étatiques, ces groupes semblent impuissants face au Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran et au groupe paramilitaire Basij.
En somme, le fossé entre le régime iranien et la génération Z est trop profond pour être comblé. Leurs valeurs et leurs priorités semblent totalement différentes. La jeunesse iranienne représente le plus grand défi à l'emprise des clercs au pouvoir.

Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com