Parmi les journées désignées par les Nations unies, l'une d'entre elles se distingue par son urgence croissante face au changement climatique : la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, qui a lieu cette semaine. Instaurée en 1994 par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, cette journée, qui a lieu chaque année le 17 juin, rappelle au monde entier l'aggravation de la crise liée à la dégradation des sols et à la pénurie d'eau. Si les effets de la désertification sont visibles dans le monde entier, peu de régions sont aussi vulnérables - ou aussi lourdes de conséquences - que le Moyen-Orient.
La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse souligne la nécessité de préserver les terres et les ressources en eau, en particulier dans les régions déjà au bord de l'effondrement. Cette année déjà, certaines régions du Moyen-Orient ont connu des records de sécheresse, une baisse des précipitations et des tempêtes de sable et de poussière de plus en plus fréquentes. Ces extrêmes climatiques, combinés à des décennies d'utilisation non durable des terres et de l'eau, accélèrent la désertification dans une région déjà éprouvée par les conflits, les pressions démographiques et la rareté des ressources. En Irak, en Jordanie et en Iran, les terres ne font pas que s'assécher, elles disparaissent.
En Irak, la crise est aiguë. Autrefois considéré comme le cœur de l'ancien Croissant fertile, il est aujourd'hui confronté à des niveaux catastrophiques de dégradation des sols. Le Tigre et l'Euphrate, qui fournissent la majorité des eaux de surface du pays, ont vu leur débit diminuer de façon spectaculaire, ce qui a été aggravé par la construction de barrages en amont et par la sécheresse due au climat. Le débit de ces fleuves a diminué de 30 à 40 % par rapport à ce qu'il était il y a 40 ans.
Les extrêmes climatiques, combinés à des décennies d'utilisation non durable des terres et de l'eau, accélèrent la désertification.
Majid Rafizadeh
Près de la moitié des terres agricoles irakiennes risquent de devenir des déserts. Les marais du sud, classés au patrimoine mondial de l'UNESCO et où vivent depuis des siècles les éleveurs de buffles, se sont asséchés au point que les familles abandonnent leurs troupeaux et s'installent dans des villes déjà débordées. Les tempêtes de poussière, autrefois occasionnelles, se succèdent désormais avec une régularité alarmante, réduisant la visibilité, perturbant la vie quotidienne et mettant en péril la santé publique. Ce qui était autrefois la bouée de sauvetage de l'Irak n'est plus qu'un lointain souvenir d'abondance.
La Jordanie est confrontée à une crise différente mais tout aussi urgente. Le pays est l'un de ceux qui manquent le plus d'eau dans le monde, avec des ressources en eau renouvelables annuelles par personne bien inférieures au seuil de survie. Les précipitations sont minimes et de plus en plus imprévisibles, et les aquifères jordaniens se vident bien plus vite qu'ils ne se rechargent. La crise est aggravée par le fait que près de la moitié de l'eau traitée du pays est perdue en raison d'infrastructures vieillissantes et non étanches.
La vallée du Jourdain, historiquement une plaque tournante de la production agricole, peine à maintenir les cultures et de nombreux agriculteurs abandonnent leurs terres. Il en résulte une dépendance accrue à l'égard des importations de denrées alimentaires et une pression supplémentaire sur l'économie. Le fardeau de la pénurie d'eau est surtout ressenti par les populations vulnérables, notamment les réfugiés et les communautés démunies. Sans une action rapide, la crise de l'eau en Jordanie pourrait se transformer en catastrophe humanitaire.
L'Iran est confronté à un effondrement écologique encore plus étendu et plus profond. En 2025, les précipitations ont baissé de 45 % dans tout le pays et des réservoirs essentiels comme le barrage de Lar sont presque à sec. Des dizaines de villes dépendent de livraisons d'eau d'urgence et le gouvernement peine à maintenir un approvisionnement régulier, même dans les centres urbains. Plus de 100 millions d'hectares, soit environ la moitié de la superficie totale de l'Iran, risquent fort de se transformer en désert.
Dans le centre de l'Iran, des dunes de sable ont déjà commencé à engloutir des villes et des infrastructures, menaçant même d'anciens sites culturels. L'agriculture, un secteur vital pour les communautés rurales et la sécurité alimentaire nationale, est en perte de vitesse. Les cultures traditionnelles comme le blé et les pistaches sont de plus en plus difficiles à cultiver et les pénuries d'eau généralisées ont déjà déclenché des protestations et des troubles civils. La crise environnementale devient rapidement une urgence nationale avec des conséquences politiques.
Si elles ne sont pas traitées, les conséquences de la désertification et de la sécheresse au Moyen-Orient seront catastrophiques. Les systèmes agricoles s'effondreront, entraînant une insécurité alimentaire généralisée et une déstabilisation économique. Des millions de personnes seront déplacées, les populations rurales abandonnant les terres inhabitables et se déplaçant vers les villes ou au-delà des frontières, augmentant ainsi la pression sur les zones urbaines et les pays voisins.
Les tempêtes de poussière et les pénuries d'eau aggraveront la santé publique, en particulier chez les enfants et les personnes âgées. Des paysages culturels entiers, parfois vieux de plusieurs milliers d'années, pourraient disparaître. À mesure que l'eau se raréfie, la concurrence pour les rivières et les aquifères partagés pourrait déclencher de nouveaux conflits, ce qui intensifierait la dynamique géopolitique déjà fragile de la région.
Malgré ces sombres perspectives, il existe des solutions. La modernisation des systèmes d'irrigation peut réduire considérablement le gaspillage de l'eau et améliorer les rendements agricoles. La restauration des terres dégradées par le reboisement, le pâturage contrôlé et les efforts de régénération des sols peuvent stopper et même inverser la désertification. Le recyclage des eaux usées et la collecte des eaux de pluie peuvent constituer des sources d'eau alternatives pour les ménages et les exploitations agricoles.
Si elles ne sont pas traitées, les conséquences de la désertification et de la sécheresse au Moyen-Orient seront catastrophiques.
Majid Rafizadeh
La réparation des infrastructures vieillissantes, en particulier les canalisations d'eau et les barrages, peut réduire les pertes et permettre aux ressources existantes d'aller plus loin. La promotion de cultures résistantes à la sécheresse et le soutien aux petits agriculteurs peuvent contribuer à soutenir les économies rurales. La coopération régionale est également essentielle. Les fleuves partagés comme le Tigre, l'Euphrate et le Jourdain nécessitent une gestion concertée entre les pays, et non une concurrence.
La communauté internationale a un rôle crucial à jouer. Des investissements importants sont nécessaires pour soutenir les efforts d'atténuation de la sécheresse et de la dégradation des sols. Les Nations unies ont estimé que l'inversion de la dégradation des sols à l'échelle mondiale nécessitera des milliers de milliards de dollars de financement d'ici la fin de la décennie. Pour le Moyen-Orient, ce financement doit être prioritaire.
L'expertise internationale en matière d'utilisation rationnelle de l'eau, de surveillance de l'environnement et d'adaptation au climat doit être partagée avec les gouvernements et les communautés locales. Les institutions de recherche peuvent soutenir la collecte et l'analyse de données afin d'orienter les décisions politiques. Les efforts de médiation des conflits doivent inclure la diplomatie de l'eau afin de prévenir les différends sur les ressources partagées. Les entreprises privées devraient être encouragées à investir dans les technologies de l'eau, l'agriculture durable et les infrastructures vertes.
La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse offre l'occasion de passer du désespoir à la détermination. Pour le Moyen-Orient, il ne s'agit pas d'une simple célébration, mais d'un rappel essentiel des enjeux. Certaines parties de la région s'approchent d'un point de basculement, après lequel le redressement pourrait ne plus être possible. Pourtant, avec de la volonté politique, une action coordonnée et la solidarité internationale, il est encore possible d'inverser la tendance.
La lutte contre la sécheresse et la désertification ne consiste pas seulement à sauver la terre. Il s'agit de préserver la dignité humaine, la stabilité économique, le patrimoine culturel et la paix. Pour le Moyen-Orient, les sables s'élèvent - et la réponse et le soutien du monde doivent en faire autant.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
X : @Dr_Rafizadeh
NDLR: les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.