Pas de nouveau président au pays des «basijs libanais»!

Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, ouvre la première session pour élire un nouveau président à Beyrouth (Photo, AFP).
Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, ouvre la première session pour élire un nouveau président à Beyrouth (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 24 octobre 2022

Pas de nouveau président au pays des «basijs libanais»!

Pas de nouveau président au pays des «basijs libanais»!
  • Il ne reste plus à M. Aoun que neuf jours pour profiter de cette signature «en or»
  • Avec le départ très prochain de Aoun, la milice pro-iranienne doit mener une bataille pour maintenir sa mainmise sue la présidence de la République

Pour la troisième fois consécutive, le Parlement libanais n’est pas parvenu à élire un nouveau président de la République. Moins de dix jours nous séparent de la fin du mandat de l’actuel président, Michel Aoun, qui devrait, s’il ne revient pas sur sa promesse, quitter le moment venu le palais présidentiel situé sur la colline du village de Baabda surplombant la capitale Beyrouth sans heurts. Il est vrai que le président Aoun tient toujours à préserver sa marge de manœuvre politique quant à sa sortie du palais de Baabda. Il persiste à considérer le gouvernement démissionnaire, présidé par M. Najib Mikati, comme incapable d’exercer les prérogatives présidentielles en cas de vacance à la plus haute magistrature après la fin du mandat de M. Aoun.

En effet, ce dernier insiste que nul gouvernement démissionnaire ne soit en droit de s’arroger les compétences et les prérogatives présidentielles car, selon lui, le dit gouvernement démissionnaire souffre d’un manque de légitimité. D’où l’insistance de M. Aoun à former un nouveau gouvernement, même à quelques jours de la fin de son mandat. Il aurait pour objectif de maintenir son influence au sein d’un gouvernement qui lui succèderait en cas de vacance présidentielle. Il s’agit donc d’une partie d’échec qui se joue ces dix derniers jours du mandat du président. L’actuel Premier ministre désigné, Najib Mikati, ainsi que son allié M. Nabih Berry, président de la chambre et ennemi juré de Aoun, font front commun afin d’empêcher M. Aoun de monnayer sa signature nécessaire pour la formation d’un nouveau gouvernement. En fait, Aoun tient en main jusqu’à la dernière minute la signature présidentielle qui lui octroie le droit d’opposer un veto contre toute tentative de former un gouvernement qu’il n’approuverait pas. Mais le temps court trop vite. Il ne reste plus à M. Aoun que neuf jours pour profiter de cette signature «en or»!

Lundi prochain, le Parlement est convoqué pour une quatrième session afin d’élire un président. Or rien ne laisse présager que le Liban aura un nouveau président en ce jour. Il est à noter que la majorité des forces politiques qui forment le Parlement se font à l’idée que le Liban entrera dans une période de vacance présidentielle, qui pourrait durer plusieurs mois. Le fait est que les forces souverainistes représentées au Parlement ont un candidat qui recueille leurs votes. Le Hezbollah ainsi que ses alliés, ne pouvant se mettre d’accord sur un des deux principaux candidats – Gibran Bassil ou Sleiman Frangieh –, persistent à voter blanc faute d’avoir assez de voix pour faire élire un président qui serait à la solde du parti pro-iranien ainsi qu’aux querelles intestines qui rongent au plus profond cette alliance. En votant blanc, le Hezbollah entrave les élections en attendant de meilleurs jours qui lui permettraient de trancher entre ses deux candidats, et de porter la personne choisie à la présidence en appliquant la tactique de l’usure.

Les temps ont changé. Le contexte régional rend plus difficile la manœuvre de la milice pro-iranienne afin d’imposer son candidat à la présidence. Il est vrai qu’avec l’élection de M. Aoun, le Hezbollah a réussi le pari d’étendre son influence à la présidence de la République qui représente un pôle de pouvoir principal au sein du régime politique libanais. Mais avec le départ très prochain de Aoun, la milice pro-iranienne doit mener une bataille pour maintenir sa mainmise sur la présidence de la République, chose qui n’est pas facile compte tenu du contexte local et régional qui limite le champ d’action de la milice ainsi que ses options. Autrement dit, le retour au moyen de coercition traditionnel n’est pas d’actualité. Maintenir un statu quo en période de crise aiguë n’est pas une option viable. Lâcher prise au sein de l’appareil de l’État serait un retour en arrière. Reste une seule option vers laquelle se dirige la milice pro-iranienne: jouer la carte du temps et attendre que les autres lâchent prise et acceptent le dictat de la milice, de crainte d’un effondrement généralise du pays. 

Lundi, pas de nouveau président. Et il sera difficile d’imaginer un Liban ayant un nouveau président avant le 31 octobre. Nous sommes au pays des «basijs libanais», ne l’oublions pas!