Briser le réseau électrique ukrainien, nouvelle stratégie «sans risque» de la Russie

Cette photo prise le 20 octobre 2022 montre le monastère chrétien orthodoxe de la grotte de Sviatohirsk, partiellement endommagé par des bombardements dans la ville de Svyatohirs'k, dans la région de Donetsk, après la libération de la zone. (Photo de Dimitar DILKOFF / AFP)
Cette photo prise le 20 octobre 2022 montre le monastère chrétien orthodoxe de la grotte de Sviatohirsk, partiellement endommagé par des bombardements dans la ville de Svyatohirs'k, dans la région de Donetsk, après la libération de la zone. (Photo de Dimitar DILKOFF / AFP)
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Publié le Vendredi 21 octobre 2022

Briser le réseau électrique ukrainien, nouvelle stratégie «sans risque» de la Russie

  • «Il est impossible de survivre quand il n'y a pas de chauffage, pas d'eau, et pas de lumière», a déclaré cette semaine le député pro-Kremlin Andreï Gouroulev, après des frappes sur des centrales électriques ukrainiennes
  • En Ukraine, l'impact des frappes russes contre les installations énergétiques, a été considérable, d'autant plus dans des régions éloignées du front

KIEV : Après une série de défaites de son armée sur plusieurs fronts en Ukraine, Moscou s'est résolu à un changement brutal de stratégie pour tenter d'inverser cette spirale: frapper massivement les centrales électriques ukrainiennes à l'approche de l'hiver.

Depuis début octobre, les forces russes ont ainsi tiré des salves de missiles de croisière et lancé des centaines de drones kamikazes de fabrication iranienne sur des installations énergétiques à travers l'Ukraine, notamment sur la capitale Kiev, réussissant à paralyser quelque 40% du réseau électrique ukrainien.

Après des semaines de grogne et de critiques à Moscou face aux revers russes sur les fronts nord-est et sud de l'Ukraine, les zélateurs du Kremlin ont soudain retrouvé le sourire sur les médias proches de l'État.

«Il est impossible de survivre quand il n'y a pas de chauffage, pas d'eau, et pas de lumière», a déclaré cette semaine le député pro-Kremlin Andreï Gouroulev, après des frappes sur des centrales électriques ukrainiennes.

«Nous sommes désolés pour tout le monde -- nous aimons tout le monde -- mais nous avons été poussés à cela. Nous n'avons pas d'autres options», a déclaré Olga Skabeïeva, propagandiste vedette du Kremlin et présentatrice à la télévision.

Les analystes militaires russes applaudissent aussi cette nouvelle stratégie, tout en affirmant qu'il aurait fallu l'appliquer dès le début de l'invasion lancée le 24 février.

«Cela aurait dû être fait dès le premier jour, pas après huit mois», a relevé Alexander Khramchikhine, analyste militaire basé à Moscou, interrogé par l'AFP.

Selon lui, «l'avantage de ce genre d'approche est qu'elle paralyse à la fois l'économie et, dans une large mesure, les forces armées». Et d'ajouter qu'il n'y a «aucun risque» pour la Russie.

- «Les haïr davantage» -

En Ukraine, l'impact des frappes russes contre les installations énergétiques, a été considérable, d'autant plus dans des régions éloignées du front.

Selon les services d'urgence ukrainiens, plus de 4.000 villes, villages et agglomérations ont subi des pannes de courant cette semaine.

La présidence ukrainienne a qualifié la situation de «critique» et, jeudi, les autorités ont imposé des restrictions à la consommation d'électricité dans tout le pays.

Dans la capitale ukrainienne Kiev, qui n'avait plus été la cible de frappes depuis juin, le maire Vitali Klischko a exhorté les entreprises, les magasins, les cafés et les restaurants à «économiser au maximum» leur consommation en électricité sur les éclairages et la publicité lumineuse.

«Même de petites économies au sein de chaque ménage aidera à stabiliser le système énergétique du pays», a-t-il ajouté sur les réseaux sociaux.

Les régions d'Ivano-Frankivsk, Lviv et Tchernivtsi (Ouest) ont mis en place des programmes visant à limiter la consommation d'énergie.

 

Pour l'instant, les Ukrainiens semblent être prêts à accepter ces restrictions.

«Cela ne va pas changer notre attitude. Peut-être que nous ne ferons que les haïr davantage», a déclaré à l'AFP Olga, qui a refusé de donner son nom de famille, en parlant des Russes. Mardi, la station thermique de sa ville, Dnipro (centre), a été touchée par une frappe.

L'armée de Moscou a d'abord échoué à s'emparer de Kiev au début de son offensive, puis elle a été repoussée devant Kharkiv, deuxième plus grande ville d'Ukraine, avant d'être contrainte ces dernières semaines de battre en retraite et d'abandonner de nombreuses villes conquises dans le sud et le nord-est.

- «Approche asymétrique» -

«La situation sur le front est particulièrement défavorable aux Russes, donc ils ont recours à une approche asymétrique» en visant les infrastructures énergétiques, explique à l'AFP l'expert ukrainien Mykola Bielieskov.

Le début de ces frappes massives ciblées a également coïncidé avec la nomination, le 8 octobre, d'un nouveau commandant des forces russes en Ukraine, le général Sergueï Sourovikine, vétéran des pires guerres de Moscou, à la réputation impitoyable. Sa mission: mettre fin à la série de défaites subies par ses troupes.

«Sourovikine est célèbre pour ce type d'opération en Syrie, détruire des villes», analyse Mykhaïlo Samus, directeur du réseau de recherche New Geopolitics.

«Il essaie de montrer à Poutine qu'il est prêt à faire la même chose à Kiev, en essayant de briser le moral des Ukrainiens, d'épuiser les défenses aériennes ukrainiennes, de détruire les infrastructures énergétiques avant l'hiver et de créer des problèmes sociaux pour les Ukrainiens», énumère-t-il à l'AFP.

Toutefois, relève l'expert ukrainien Mykola Bielieskov, il est difficile de prévoir si, en fin de compte, cette stratégie va réussir. «Cela dépend de l'intensité des frappes et des contre-mesures (ukrainiennes)», estime-t-il.

Conscient de cette nouvelle menace, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté les alliés occidentaux de Kiev à fournir plus de système de défense anti-aériens, dont certains ont déjà été livrés.

Des analystes relèvent par ailleurs que les missiles russes capables de frapper avec précision sur une longue distance les centrales électriques commencent à manquer, ce qui pourrait laisser présager des attaques moins précises à l'avenir.

Quoiqu'il arrive, à Dnipro, Olga se dit prête à affronter l'hiver: «Je préfère rester dans le froid, sans eau ni électricité, plutôt que d'être en Russie», dit-elle.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"