Business France: «Nous ferons Moyen-Orient notre zone prioritaire de développement»

Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. Capture d'écran.
Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. Capture d'écran.
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Publié le Samedi 29 octobre 2022

Business France: «Nous ferons Moyen-Orient notre zone prioritaire de développement»

  • Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française
  • Pour aider à l'expansion des entreprises françaises dans la région, le nouveau délégué mettra en place un plan d’action avec comme point fort l’accompagnement individuel des entreprises dans la durée

PARIS : Dans un contexte de crise géopolitique et énergétique où les alliances sont remises en cause, la France et les pays du Golfe ont tissé des liens stables et créé une relation de confiance. 

Si Paris a su établir également une présence économique forte dans la majorité des pays du Proche et Moyen-Orient, consolidée par les dialogues stratégiques et les visites de haut niveau, il reste cependant de la marge pour progresser. Mais le contexte est très concurrentiel, car la région, stimulée par la hausse des prix du pétrole et les réformes économiques et sociétales, enregistre un des taux de croissance les plus importants au monde. Elle est donc courtisée par le monde entier. Selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’économie des Émirats arabes unis (EAU) devrait croître de 5,1% cette année et de 4,2% en 2023. Elle sera suivie par Oman (4,1%), l’Arabie saoudite (3,7%), le Koweït (2,6%) et le Qatar (2,4%) l’année prochaine. 

Pour renforcer sa position à l’international, la France s’est dotée depuis 2017 d’un instrument de promotion économique, la «Team France», qui regroupe les chambres de commerce françaises, la banque d’investissement publique BPI France, les conseillers du commerce extérieur, les ambassades, et Business France (agence publique de promotion de l’économie française à l’international). Cette dernière a pour mission notamment d’accompagner les nouveaux acteurs sur le marché à l’étranger, de créer les opportunités de signature de contrats et de partenariats entre entreprises françaises et étrangères, ainsi que de promouvoir l'attractivité tricolore auprès des investisseurs étrangers. 

Pour Axel Baroux, le nouveau délégué français au commerce et à l'investissement aux EAU et directeur régional de Business France au Moyen-Orient, le moment est favorable pour renforcer la présence française. «La région est en plein boom économique avec des opportunités multiples et multisectorielles, et il en est de même sur le plan financier. Les relations bilatérales sont excellentes, donc on a, dans cette région du monde, et aux Émirats en particulier, toutes les possibilités de faire un travail de très grande qualité», déclare-t-il à Arab News en français. «Mon ambition est de faire de cette zone une zone prioritaire pour l’agence Business France, et de faire de cette région une success story gagnant-gagnant», ajoute-t-il.  

Avec le bureau régional établi à Dubaï, l’agence est présente dans sept pays: l’Arabie saoudite (avec des bureaux à Riyad et à Djeddah), le Koweït, le Qatar, la Turquie, Israël et les EAU. En tout, une soixantaine de personnes chargées de répondre aux demandes des entreprises françaises «très intéressées notamment par les Émirats et par les grands projets annoncés en Arabie saoudite».  

Principal centre économique et financier de la péninsule Arabique depuis une quinzaine d’années, les Émirats sont le premier client de la France parmi les pays du Proche et Moyen-Orient (35% des exportations françaises vers la région en 2021) et son deuxième fournisseur (17% des importations françaises), derrière l’Arabie saoudite. Le commerce bilatéral (exportations et importations) s'élevait à 5,6 milliards d'euros, après 4,8 milliards d'euros en 2019 (+ 8% ) et 3,9 milliards d'euros en 2020. Les exportations françaises sont tirées notamment par l’aéronautique (25% avec près d’un milliard d’euros de commandes) et les produits de luxe, parfums et cosmétiques, en passant par les équipements de communication et les produits pharmaceutiques (la France est le cinquième fournisseur de produits pharmaceutiques aux Émirats). Quant aux importations françaises, elles se concentrent sur les produits pétroliers. 

La France a la cote dans la région: elle a signé l’an dernier de gros contrats stratégiques avec les EAU dans le secteur de la défense pour un montant de 19 milliards de dollars (1 dollar = 0,99 euro). Au Qatar, TotalEnergies a été récemment sélectionné pour s'associer à QatarEnergy sur le champ gazier Giant North Field East. 

Bilan et nouveau plan d'action  

Malgré tout, Paris se place seulement troisième parmi les partenaires européens, en parts de marché, dépassé par Berlin et Londres. «Il y a encore de la place pour de l’amélioration. il s’agit simplement d’être meilleur que les autres», lance Axel Baroux. «La France est perçue comme un pays d’ingénieurs. Je souhaite que l’on soit perçu aussi comme une nation de commerçants dorénavant.» 

Pour aider à l'expansion des entreprises françaises dans la région, le nouveau délégué mettra en place un plan d’action avec comme point fort l’accompagnement individuel des entreprises dans la durée. «Nous allons continuer notre travail sur les plus grands salons à Dubaï, mais il ne s’agit pas uniquement d’assurer la présence de l’entreprise à un ou plusieurs salons. Il faut suivre son évolution sur la durée et sur l’ensemble des marchés de la région», explique-t-il. «L’Expo 2020 a été cruciale pour façonner une nouvelle dynamique. Nous avons soutenu plus de 400 entreprises françaises à travers différents événements sur le pavillon France et avons connecté plus de 1600 acteurs économiques lors de nos sessions de networking», ajoute M. Baroux. 

Dans l’élan, «nous allons organiser également un forum régional d’affaires afin de développer de nouveaux business entre acteurs régionaux et entreprises françaises». Le forum se tiendra l’année prochaine à Paris, sous le haut patronage du président de la République, et aura lieu au ministère de l’Économie et des Finances, avec le soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. 

Enfin, Business France souhaite développer ses plateformes d’e-commerce: des vitrines dans les domaines de la cosmétique ou de l’agroalimentaire pour mieux connecter les acheteurs de la région avec les acteurs français. 

La présence française double en dix ans 

Historiquement très liée à la région, la France est un important investisseur: le stock d'investissements directs étrangers (IDE) français aux EAU s’établissait à 2,5 milliards d’euros en 2020. Selon les dernières données locales, Paris était le 3e investisseur étranger dans l’émirat d’Abu Dhabi en 2016, avec 7,7% du stock d’IDE, tandis qu’à Dubaï, il se plaçait au 5e rang en 2018 (chiffres gouvernement français). En Arabie saoudite, le stock d’investissements directs français est estimé à quelques 3 milliards de dollars. Cela représente 25% des IDE français au Moyen-Orient (Qatar: 1%, EAU: 21%) 

Le nombre d’entreprises françaises a plus que doublé en dix ans aux EAU, passant de 250 en 2009 à près de 600 aujourd’hui, représentant plus de 30 000 emplois directs. Elles sont près de 150 en Arabie saoudite et plus de 200 au Qatar. Plusieurs grands groupes (Total, EDF, Thales, Safran, Alstom, Airbus, Engie, mais aussi Sanofi, Ipsen, Servier, Air Liquide et Hygienair…), entreprises de taille intermédiaire (ETI), et petites et moyennes entreprises (PME) ont établi leurs quartiers régionaux à Dubaï, notamment dans les zones franches, profitant du positionnement central du pays pour atteindre aussi les marchés africains ou asiatiques. Les Français sont présents dans tous les principaux secteurs de l’économie régionale: aéronautique et espace civil et militaire, produits de luxe, énergie, développement durable, transport urbain, banque et assurance, hôtels, commerce de détail et industrie, etc. «Avec quelques success stories, comme celle de l’agence créative Studio BK – qui fait partie de BK international Group –, en charge du marketing pour de grandes entreprises comme Emaar ou Dubai Holding et productrice du contenu du dôme Al Wasl à l’Expo 2020 de Dubaï par exemple, ou encore celle de la société de technologie quantique Pasqal qui s’est associée à Saudi Aramco pour développer des applications d'informatique quantique pour le secteur de l'énergie», ajoute Axel Baroux. D'autres événements de jumelage d'entreprises sont également en train de voir le jour dans le secteur de la construction, de l'industrie et de la mobilité. 

Les entreprises françaises innovantes sont aussi reconnues dans le monde entier pour leur expertise dans CyberSec, FinTech, IA. 

«Les startups françaises sont en plein essor. L'année dernière, elles ont levé globalement 11,7 milliards d'euros (+ 115% par rapport à l'année précédente). Dans les six premiers mois du 2022, elles ont levé 8,4 milliards d’euros dans le monde. En plus des fonds souverains, on constate aussi un intérêt croissant de la part des capitaux privés de la région dans nos start-up. Nous travaillons sur certains projets avec des entreprises privées, par exemple dans le secteur de recherche et développement (R&D)», déclare Raffaella Silvetti, directrice du département Invest in France chez Business France. 

Car au-delà de l’accompagnent des entreprises à l’international, la mission de Business France consiste aussi à attirer les investisseurs vers l’hexagone. «Pour la troisième année consécutive, la France est devenue le pays le plus attractif au niveau européen pour les investisseurs étrangers, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne, selon l'étude d'attractivité européenne du cabinet de conseil indépendant Ernst & Young (EY)», ajoute Raffaella Silvetti. La France redevient également le leader européen pour les projets industriels ainsi que pour les décisions d'investissement en R&D, toujours selon la même étude. 

Les EAU sont déjà l'un des plus grands investisseurs étrangers du Moyen-Orient en France à travers notamment des fonds souverains. Ces investissements devraient croître à la suite de la signature de partenariats d'investissement avec Mubadala et avec l'ADQ à l'occasion de la visite du président Macron aux EAU en décembre 2021. 

L’agenda à venir 

Après avoir réuni une soixantaine d’entreprises au salon tech Gitex de Dubaï en octobre, Business France participera au rendez-vous annuel mondial des professionnels de l’énergie ADIPEC a Abu Dhabi, avec une délégation de 37 entreprises françaises spécialisées dans les technologies du pétrole, du nucléaire, ou encore des énergies renouvelables.

Les 22 et 23 novembre, dans le cadre du dialogue stratégique avec les EAU, Business France, CCI France-UAE, Borouge et Adnoc organiseront la 6e édition des «jours d’énergie» à Abu Dhabi et Al-Ruwais.

Le secteur français de la construction sera présent, lui aussi, en décembre prochain au Big 5 Show de Dubaï. Plus d’une centaine d’entreprises françaises se rendront au Beauty World Middle East (31 octobre-2 novembre 2022).

La France est le premier partenaire commercial des EAU pour les produits cosmétiques, avec une part de marché estimée à 20% en 2021. Elle est le leader de la parfumerie avec 36% de part de marché.

À travers le label français de la santé, Business France souhaite réunir plus de 80 PME françaises à Arab Health.

Dans le domaine agro-alimentaire, plus de 50 fabricants d'équipements et d'ingrédients seront présents à Gulfood Manufacturing en novembre prochain. 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.