Des stupéfiants, des missiles et des drones mortels fabriqués en Iran

Un drone est lancé lors d’un exercice militaire dans un lieu gardé secret en Iran (Wana via Reuters).
Un drone est lancé lors d’un exercice militaire dans un lieu gardé secret en Iran (Wana via Reuters).
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Publié le Vendredi 28 octobre 2022

Des stupéfiants, des missiles et des drones mortels fabriqués en Iran

Des stupéfiants, des missiles et des drones mortels fabriqués en Iran
  • Téhéran a déjà livré mille sept cent cinquante drones à Moscou, au mépris d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU
  • Dans deux autres États sous tutelle iranienne – la Syrie et le Liban – les économies légitimes ont implosé et laissé place à des narcoéconomies de plusieurs milliards de dollars

On assiste peut-être à l’effondrement de l’Iran, alors que les manifestations massives et les grèves générales en sont à leur sixième semaine et continuent de prendre de l’ampleur. Cependant, certains secteurs économiques connaissent un âge d’or. Les exportateurs de crystal meth (méthamphétamine), de drones armés et d’une vaste gamme d’autres produits de contrebande meurtriers n’ont jamais connu un aussi grand succès.

Nombreux sont ceux qui ont compris que les drones kamikazes qui semaient la mort sur les civils ukrainiens ont été importés d’Iran. De plus, des experts du renseignement établissent que des militaires iraniens se sont installés en Crimée pour exercer un contrôle direct sur ces machines à tuer et tirer des leçons pour d’éventuels progrès futurs dans le domaine du matériel militaire iranien. Des frappes dévastatrices contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine ont provoqué un nouvel exode de réfugiés vers l’Europe avant que le froid de l’hiver ne se fasse sentir.

Téhéran a déjà livré mille sept cent cinquante drones à Moscou, au mépris d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU). L’Iran a également accepté d’exporter des centaines de missiles sol-sol, avec la crainte généralisée que ces armes relativement peu coûteuses puissent reconfigurer de manière significative les frontières du conflit ukrainien. Les responsables iraniens se vantent que vingt-deux autres pays ont manifesté leur intérêt pour l’achat d’armes en raison de la publicité opportune offerte par le carnage en Ukraine.

Des drones et des missiles iraniens ont également été utilisés pour organiser des attaques contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU). Au Liban, le Hezbollah a menacé de lancer des frappes contre des installations de forage offshore israéliennes s’il n’obtient pas ce qu’il veut. La milice houthie, soutenue par l’Iran, a recouru à l’usage de drones pour viser la navigation internationale la semaine dernière dans un terminal pétrolier yéménite. Le programme de missiles de l’Iran – le plus vaste et le plus sophistiqué de la région – comprend désormais des milliers d’ogives et de missiles d’une portée de 2 000 km.

Quant aux stupéfiants, une enquête du Washington Post révèle les conséquences dévastatrices du rôle croissant de l’Iran dans le commerce de la méthamphétamine. À partir de 2017, les innovations dans la production de méthamphétamine – notamment l’approvisionnement en un ingrédient essentiel à partir d’une plante endémique d’Asie centrale – ont rendu la drogue beaucoup moins chère à synthétiser et l’Iran est devenu un centre de production mondial.

Les autorités turques rapportent que les réseaux de contrebande transfrontaliers sont contrôlés par des ressortissants iraniens, avec des saisies qui ont presque doublé au cours de l’année écoulée. Le département jordanien de lutte contre les stupéfiants, quant à lui, a signalé une multiplication par vingt des saisies de méthamphétamine (plus de 45 tonnes) cette année.

La situation est bien pire en Irak. La ville de Bassora est devenue une plaque tournante pour le trafic de stupéfiants, contrôlé par de puissantes milices soutenues par l’Iran et ayant des liens avec le gouvernement. Ces milices Hachd al-Chaabi s’enrichissent en monopolisant le mouvement massif de marchandises de contrebande, dont l’héroïne en provenance d’Afghanistan.

Les travailleurs sociaux et les médecins témoignent de l'impact dévastateur de cette situation sur la société irakienne, où le chômage, le chaos politique et l’absence de filet de sécurité sociale créent des conditions optimales pour une génération sans espoir cherchant à se perdre dans les substances chimiques. Jusqu’à récemment, les niveaux de toxicomanie en Irak étaient négligeables.

Les conséquences pour l’Iran lui-même ont été dévastatrices. Selon les statistiques officielles iraniennes (probablement inexactes), il y a quelque 4,4 millions de consommateurs de drogues et de toxicomanes dans tout le pays, et au moins cinq mille décès liés à la drogue par an.

 

«Les États occidentaux considèrent apparemment les exportations de stupéfiants et d’armes militaires de l’Iran, qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars, comme un problème lointain, déstabilisant des États éloignés, mais ces activités génératrices de revenus exponentiels permettent à l’Iran de se transformer en une menace mondiale.» - Baria Alamuddin

 

Dans deux autres États sous tutelle iranienne – la Syrie et le Liban – les économies légitimes ont implosé, laissant place à des narcoéconomies de plusieurs milliards de dollars dédiées à la production d’immenses quantités de Captagon, une drogue qui provoque une très grande addiction. Des centaines de millions de comprimés de Captagon sont passés en contrebande par les ports du sud de l’Europe et du monde arabe.

Cette année, de puissants intérêts particuliers ont fait pression sur le système judiciaire libanais pour qu’il suspende indéfiniment un verdict contre le «roi du Captagon», Mohammed Dakou, accusé d’avoir tenté d’introduire en contrebande huit cent mille comprimés de Captagon d’une valeur de 94 millions de dollars (1 dollar = 1,01 euro) depuis Lattaquié à la Malaisie. Celui-ci contrôle de vastes sites de production à la frontière libano-syrienne. Son épouse, Sahar Mohsen, est une proche parente de Wafiq Safa, le chef de la sécurité du Hezbollah, qui contrôle les mouvements d’armes et de drogue à l’intérieur du Liban et à l’étranger. Le roi du Captagon a été libéré malgré la présence d’une photo de la facture qui confirme l’expédition de drogue en Malaisie sur son téléphone.

Pour exercer un contrôle sur une bande de territoire dans la région frontalière anarchique entre le Liban et la Syrie, le Hezbollah supervise une politique d’ingénierie démographique, faisant venir de nouveaux résidents dont la loyauté peut être garantie. Fin 2021, les forces paramilitaires liées à Mohammed Dakou ont soumis le village frontalier de Tfail à une agression armée de huit heures, dans le but de terroriser la population locale pour qu’elle s’en aille.

Le Hezbollah a également des intérêts importants dans le commerce de la cocaïne, facilité par les communautés d’émigrés libanais qui s’étendent de l’Amérique du Sud à l’Afrique de l’Ouest et, inversement, à travers un réseau d’institutions financières libanaises et régionales.

Les bénéfices sont réinvestis clandestinement dans des activités paramilitaires et terroristes, permettant à Téhéran de renforcer sa position régionale prééminente. De la même manière, les sanctions pétrolières internationales ont incité le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) à prendre le contrôle de larges segments de l’industrie d’exportation du pétrole, ce qui signifie que des milliards de dollars de revenus sont réinjectés dans la guerre, l’instabilité financière et les poches des principaux ayatollahs et Gardiens de la révolution corrompus.

Apparemment, les États occidentaux considèrent les exportations de stupéfiants et d’armes militaires de l’Iran, qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars, comme un problème lointain, déstabilisant des États éloignés, mais ces activités génératrices de revenus exponentiels permettent à l’Iran de se transformer en une menace mondiale.

D’où viennent les fonds considérables qui ont financé l’accélération de l’enrichissement d’uranium? Comment un État assiégé par des décennies de sanctions a réussi à se doter des arsenaux de missiles les plus vastes et les plus sophistiqués de la région, qu’il distribue généreusement à ses milices paramilitaires? D’où vient l’argent pour construire de vastes bunkers et tunnels souterrains renforcés, rendant les arsenaux conventionnels et non conventionnels invulnérables aux attaques? Et qui finance en fin de compte les salaires et l’équipement de centaines de milliers de miliciens khomeinistes dans toute la région?

Ce n’est pas tant une menace pour les voisins immédiats de l’Iran que pour une planète qui ne souhaite pas dans un avenir proche avoir à lutter contre un État terroriste qui possède le pouvoir de destruction de cent Corées du Nord.

Il s’agit d’un autre exemple de l’échec du leadership mondial, alors que les dirigeants du monde entier refusent de prendre au sérieux les conséquences néfastes de la marée de drogues, d’armes, de technologie nucléaire et de terrorisme qui affluent d’Iran. Ne reconnaissent-ils donc pas la menace ou manquent-ils simplement de vision et de détermination pour agir?

 

Baria Alamuddin est une journaliste primée et une présentatrice au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. C’est la rédactrice en chef du syndicat des services de médias. Elle a déjà interviewé un grand nombre de chefs d’État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com