La menace des milices iraniennes au Liban et en Syrie

Une manifestante participe à la "Marche de solidarité pour l'Iran" à Washington (Photo, AFP).
Une manifestante participe à la "Marche de solidarité pour l'Iran" à Washington (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 24 octobre 2022

La menace des milices iraniennes au Liban et en Syrie

La menace des milices iraniennes au Liban et en Syrie
  • En Syrie, les milices iraniennes continuent de soutenir le régime du président, Bachar al-Assad, comme elles l’ont fait pendant la majeure partie des onze années de guerre civile
  • Ceux qui seront les plus touchés sont les habitants que les milices en Syrie peuvent racketter pour obtenir de l’argent, puis les intellectuels et les politiciens libanais

Arab News a publié cette semaine un reportage important sur les milices iraniennes au Liban et en Syrie. La plupart des analyses les qualifient de milices «affiliées à l’Iran» ou «parrainées par l’Iran», mais après un examen minutieux de leurs activités, on se rend compte que ce n’est pas le cas.

Mes recherches ont permis d’identifier non seulement des combats importants menés par ces milices dans le cadre d’une coalition iranienne – à titre d’exemple, dans la guerre civile en Syrie et les conflits autour de l’émergence et de la défaite de Daech en Irak – mais aussi quelques faits marquants. Sur le champ de bataille, les milices iraniennes reçoivent des ordres de la part d’officiers iraniens, notamment de la Force Al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), qui supervise les opérations à l’étranger. Et plus particulièrement sous le commandement du désormais défunt général Qassem Soleimani.

Au lieu d’être de simples alliés de l’Iran, ces milices font partie d’une initiative iranienne à l’échelle régionale qui consiste à infliger des violences à l’égard de ses ennemis, à prendre le contrôle des systèmes politiques de ses voisins et à punir les dissidents et les personnalités de l’opposition qui remettent en question l’axe iranien émergent.

Au Liban, le Hezbollah – qui a été fondé sous la direction de l’Iran à partir d’un ensemble de partis chiites entre la révolution de 1979 et 1984 – sert de forteresse à un parti politique qui domine certaines parties du pays, paralyse les processus politiques d’une nation, assassine ses opposants et utilise son territoire comme base pour mener des opérations extérieures en Syrie et contre Israël.

En Syrie, dans le même temps, les milices iraniennes continuent de soutenir le régime du président, Bachar al-Assad, comme elles l’ont fait pendant la majeure partie des onze années de guerre civile.

«La guerre civile en Syrie a été particulièrement brutale et les milices sont au cœur même de cette brutalité.»- Dr Azeem Ibrahim

La guerre civile en Syrie a été particulièrement brutale et les milices sont au cœur même de cette brutalité. Le Hezbollah a souvent été impliqué dans les combats en Syrie, notamment lors des campagnes dans le sud du pays, qui impliquaient une famine imposée par un blocus, l’utilisation d’armes chimiques et des crimes épouvantables commis contre la population. Le Hezbollah a participé au blocus contre Madaya, au cours duquel de nombreux civils et enfants de la ville sont morts de faim.

Au Liban comme en Syrie, l’influence des milices est néfaste. Ce sont des agents de la violence, participant à des conflits civils, attaquant des États voisins et mettant en péril la politique libanaise et la paix intérieure.

Cela s’inscrit dans le cadre de ce que je qualifie de «stratégie de la mosaïque de milices» de l’Iran – un plan régional qui, pendant des décennies, œuvrait à consolider des milices qui sont en accord idéologique avec les principes de la révolution de 1979.

Ces dernières années, cette stratégie a développé un nouvel angle qui positionne ces milices comme faisant partie d’un prétendu axe de résistance. Il s’agit d’un groupe avec un objectif international explicite: celui de combattre les États-Unis, Israël et leurs alliés dans tous les pays où cela pourrait être possible.

Ces forces de l’axe de la résistance utilisent de nouvelles tactiques pour attaquer leurs ennemis en Israël, dans la région du Golfe et aux États-Unis. Elles ont collectivement créé un système d’attaques par missiles balistiques et elles ont de plus en plus recours à la mise au point de véhicules aériens sans pilote, y compris des «drones kamikazes», pour s’en prendre aux industries d’État comme l’économie pétrolière de l’Arabie saoudite et les ressources maritimes de gaz naturel d’Israël.

Les milices harcèlent et attaquent également les habitants, notamment en forçant les hommes d’affaires syriens à payer de faux péages. Souvent, lorsque la violence des milices est utilisée pour la première fois, les crimes organisés suivent.

Le coût de la stratégie des milices est en quelque sorte caché au reste du monde. Les Syriens et les familles des politiciens et journalistes libanais assassinés ne disposent pas véritablement d’une plate-forme internationale. Mon rapport vise à corriger cela.

Bien que les dirigeants américains et européens dénoncent fréquemment le niveau de destruction de la Syrie et sa guerre civile figée, ainsi que le dysfonctionnement de la politique libanaise, les causes et les conséquences manifestes – les milices – sont moins comprises.

En effet, ce rapport retrace la création d’une nouvelle milice, un «Hezbollah syrien», qui semble annoncer la nouvelle direction que prend la politique régionale de l’Iran.

Mais ne vous y trompez pas, les milices agissent dans la violence et elles ont des objectifs violents en tête. Continuer à permettre aux milices d’opérer comme elles le font, au Liban et désormais en Syrie, incite à une violence d’une ampleur et d’une sauvagerie imprévisibles.

Dans un premier temps, les personnes les plus touchées seront les habitants que les milices syriennes peuvent racketter pour obtenir de l’argent, puis les intellectuels et les hommes politiques libanais. Mais ce genre de violence ne s'arrête pas là.

Si rien n'est fait, note le rapport, comme cela a été le cas jusqu'à présent, le Liban et la Syrie pourraient devenir un foyer de violence à l'échelle régionale, alimenté par des drones, des missiles, des attentats-suicides ou des brigades de combattants.

Il est grand temps que le monde entier comprenne ce défi et commence à réfléchir, de manière approfondie et réaliste, à la meilleure façon de prévenir ses effets les plus pernicieux et potentiellement durables.

 

La politique de ceux qui s’opposent à l’Iran ou craignent la domination iranienne doit changer pour refléter cette nouvelle réalité.

 

Le Dr Azeem Ibrahim est directeur du Center for Global Policy. Il est l’auteur de The Rohingyas: Inside Myanmar’s Genocide («Les Rohingyas: à l’intérieur du génocide de Birmanie»), publié aux éditions Hurst en 2017.

Twitter: @AzeemIbrahim 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com