«Sans les thermes, le village meurt»: quand la vie dépend d'une source

Une photo prise le 21 octobre 2022 montre une vue du centre thermal de Prats-de-Mollo-La-Preste, dans le sud-ouest de la France (Photo, AFP).
Une photo prise le 21 octobre 2022 montre une vue du centre thermal de Prats-de-Mollo-La-Preste, dans le sud-ouest de la France (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 29 octobre 2022

«Sans les thermes, le village meurt»: quand la vie dépend d'une source

  • A la périphérie de Prats-de-Mollo, la station emploie une soixantaine de personnes venant en grande majorité de ce village, situé à 60 km de Perpignan, ou des communes environnantes
  • Créée autour d'une source exploitée pour ses vertus dès le XIVe siècle, elle accueille environ 3 000 curistes par an d'avril à novembre

PRATS DE MOLLO: Au fond de la vallée du Haut Vallespir, dans les Pyrénées orientales, le village de Prats-de-Mollo vit au rythme de la station thermale de la Preste, lovée à flanc de montagne, et tourne au ralenti lorsqu'elle est fermée.

"Les thermes, c'est le poumon économique du village", assure à l'AFP Alexandra Ramoneda, directrice du centre spécialisé dans le traitement des affections urinaires et des rhumatismes.

A la périphérie de Prats-de-Mollo, la station emploie une soixantaine de personnes venant en grande majorité de ce village, situé à 60 km de Perpignan, ou des communes environnantes.

Créée autour d'une source exploitée pour ses vertus dès le XIVe siècle, elle accueille environ 3 000 curistes par an d'avril à novembre, contre 4 000 et 27 000 au Boulou et à Amélie-les-Bains, ses voisines.

"C'est une petite station thermale (...) c'est très familial, très sympathique", explique Dominique Laverdure, 72 ans, qui y vient pour la deuxième fois chercher un soulagement à son arthrose.

L'établissement, géré par la Chaîne thermale du soleil, compte des habitués, tant parmi sa clientèle que ses employés.

"J'y suis depuis neuf ans", précise Anaïs Folloppe, 36 ans, dont le compagnon travaille aussi dans la station. Avant eux, la mère d'Anaïs y était employée.

A Prats-de-Mollo où vit le couple, en contrebas, la majorité des habitants sont ainsi liés de près ou de loin au centre thermal.

Saisonnalité 

"Les cures font directement vivre plus de 60 familles. Sur un village de 1 000 habitants, c'est quand même beaucoup!", relève Ludovic Aggery, 36 ans, gérant d'un bistrot.

"Et là, on ne parle que des gens qui y travaillent", souligne-t-il. Commerces, restaurants et hôtels comptent eux aussi sur le tourisme thermal.

"Les curistes viennent matin et soir, boire un café, jouer aux jeux ou m'acheter des timbres", explique-t-il, précisant que "cela représente environ 30%" de sa clientèle.

Par ailleurs, "beaucoup de gens du village ont au moins un meublé qu'ils louent par habitude à des curistes", rapporte Pascale Raynaud, responsable de l'office du tourisme.

Alors, quand la saison se termine, le village s'endort. "A partir du mois de novembre, ça se calme, il n'y a plus personne" jusqu'à la réouverture en avril, raconte Paloma Borrat, 28 ans, agricultrice et ex-employée des thermes.

Pendant ces quatre mois, plusieurs hôtels, restaurants et commerces ferment. D'autres, comme la mercerie d'Emmanuelle Dunyach dite "Manou", restent ouverts malgré la moindre affluence. "On ralentit", soupire-t-elle.

La commerçante, qui vend "un peu de tout", est une familière des curistes. Depuis 1950, sa famille leur propose maillots de bain, cadeaux, vêtements et bien sûr articles de couture car "les curistes sont là pendant trois semaines, donc ils ont toujours besoin de quelque chose".

Côté saisonniers, si certains trouvent de courts remplacements dans le secteur du soin, d'autres restent au chômage, faute d'opportunités, ou en profitent pour se reposer, tels Anaïs et son compagnon.

"Pendant huit mois, on travaille six jours sur sept", explique-t-elle. Les quatre mois de coupure leur permettent de récupérer avant la saison suivante.

Le thermalisme, ambiguïté constante entre médecine et loisirs selon un sociologue

Le monde du thermalisme a toujours balancé entre aspirations médicales et univers de loisirs, un tiraillement encore sensible aujourd'hui à travers les différences d'une ville à l'autre, explique à l'AFP le sociologue Adrien Sonnet, spécialiste du secteur.

Q: Quelle est l'histoire des cures thermales en France ?

R: Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le thermalisme se construit d'abord sur une identité médicale. L'État joue un rôle de catalyseur; d'une part, il pose le cadre juridique d'une activité résolument médicale, d'autre part, il favorise directement le développement des villes thermales (par exemple) en investissant dans la construction d'infrastructures.

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle et surtout après 1875, les stations thermales vont s'autonomiser, à mesure que les élus locaux augmentent leur liberté. Parallèlement, des lois sont votées en faveur du développement touristique des villes. Et le chemin de fer se développe, permettant à des clientèles fortunées de venir dans ces villes.

Les villes thermales ont alors une identité à la fois médicale et touristique, avec des loisirs sportifs et culturels. Ca perdure jusqu'à la fin des années 1930.

Cette identité se transforme radicalement après la Seconde guerre mondiale, avec la création de la Sécurité sociale et le remboursement des soins thermaux.

L'Etat, en faisant ce choix, transforme l'identité des villes. Il stimule leur économie, mais les place aussi dans un rapport de dépendance: vis-à-vis des médecins prescripteurs et vis-à-vis de la Sécurité sociale.

En effet, leur image est bientôt moins associée à la fête et aux plaisirs multiples qu'à la maladie et au vieillissement. +Dépoussiérer+ l'image de +villes de vieux+, pour reprendre la parole de certains élus locaux rencontrés, devient alors une préoccupation dans de nombreuses villes thermales.

Q: Le thermalisme a-t-il souffert de cette évolution ?

Il y a une crise de la fréquentation entre 1993 et 2009. Une forte pression est mise à cette époque-là sur le monde thermal: ils est concurrencé par d'autres lieux comme les stations de thalassothérapie qui, elles, ont fait d'importants travaux de modernisation. D'autre part, l'Etat commence alors à penser à ne plus rembourser la médecine thermale.

Ce que vont faire les acteurs thermaux tout au long des années 2000, c'est s'organiser à l'échelle nationale.

Ils créent des guides de bonnes pratiques que tous les établissements vont mettre en oeuvre, pour ne plus être aux yeux de l'Etat une activité potentiellement dangereuse et une activité qui coûte trop cher.

Surtout, ils lancent toute une série d'études, avec un investissement financier assez important, pour démontrer le service médical rendu . Le secteur a, ainsi, largement réussi à réduire son infériorité dans le rapport de force avec l'Etat et l'Assurance Maladie.

Q: Le thermalisme a-t-il finalement choisi son camp entre médecine et loisirs?

R: Il y a une tension (et) des stratégies différentes à l'échelle locale. A Dax, les acteurs ont plutôt fait le choix de se différencier en communiquant sur l'idée d'un territoire de +l'excellence thermale+: +Vous avez des problèmes de santé, venez à Dax, notre eau est fantastique+.

A Bagnoles-de-l'Orne, il y a eu une stratégie complètement inverse qui met les bouchées doubles sur le marché touristique du bien-être: par exemple la création d'une résidence tourisme quatre étoiles pour attirer une clientèle plus jeune, parisienne, qui va venir plutôt les week-ends...

Ces pistes de diversification touristique ont explosé à partir des années 2010 mais le secteur n'a jamais repris ce discours à l'échelle nationale.

Il existe probablement, du côté des dirigeants du monde thermal, une crainte d'être identifiés à une forme de +tourisme de santé+, comme c'était le cas avant 1945, et de se voir déremboursés.

Un curiste, «21 nuitées» 

Après deux années difficiles en raison de la crise de la Covid-19, la saison 2022 a apporté une respiration au village, mais pas de vrai soulagement.

La directrice des thermes dit espérer un "bilan de 2 000 curistes" à la fin d'une saison impactée par une baisse de fréquentation, notamment liée à l'élection présidentielle qui a pénalisé les réservations au printemps.

Par ailleurs, un "problème de navettes" a entravé cette année les trajets des curistes vers le village, pénalisant les commerces, regrette Emmanuelle Dunyach.

Dans ce contexte, le débat sur le déremboursement des cures qui a ressurgi cet automne inquiète. "Si les thermes ferment, on n'aura plus qu'à déménager", déplore la mercière.

"Le thermalisme est vital pour cette vallée", estime Claude Ferrer, maire du village et président de la communauté de communes du Haut Vallespir.

Si Prats-de-Mollo compte un fort médiéval et plus d'une trentaine d'itinéraires de randonnées aux alentours, le "tourisme vert" ne permettrait pas, selon lui, de compenser une baisse de fréquentation thermale: "un curiste c'est 21 nuitées, donc il faut beaucoup de touristes pour compenser la non venue d'un curiste".


France: un contrôleur aérien suspendu pour avoir dit «Free Palestine» à l'équipage d'El Al

Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al. (AFP)
Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al. (AFP)
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  • "L'analyse des enregistrements prouve que les faits sont avérés", a écrit mardi sur X le ministre Philippe Tabarot, précisant que le contrôleur s'est "vu retirer toute possibilité d'exercer jusqu'à nouvel ordre"
  • Les propos ont été tenus lors d'un vol lundi matin au départ de Paris-Charles-de-Gaulle, a fait savoir à l'AFP le ministère des Transports

PARIS: Un contrôleur aérien de l'aéroport Paris-CDG a été suspendu pour avoir dit lundi "Free Palestine" lors d'un échange radio avec l'équipage d'un vol de la compagnie israélienne El Al, a annoncé mardi le ministère français des Transports.

"L'analyse des enregistrements prouve que les faits sont avérés", a écrit mardi sur X le ministre Philippe Tabarot, précisant que le contrôleur s'est "vu retirer toute possibilité d'exercer jusqu'à nouvel ordre".

Les propos ont été tenus lors d'un vol lundi matin au départ de Paris-Charles-de-Gaulle, a fait savoir à l'AFP le ministère des Transports.

"Une procédure disciplinaire a été immédiatement engagée. La sanction devra être à la hauteur de la gravité des faits", a déclaré M. Tabarot.

Pour le ministre, ces faits contreviennent "aux règles des radiocommunications, qui doivent se limiter à la sécurité et à la régularité du trafic aérien" et témoignent "d'un non-respect du devoir de réserve du fonctionnaire", statut des contrôleurs aériens en France.

Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al.

Le Conseil représentatif des institutions juives (Crif) de France avait alors dénoncé un "incident inacceptable", qui "contrevient à la fois à l'impératif de neutralité politique mais aussi aux protocoles de sécurité qui régissent les échanges entre une tour de contrôle et un avion en phase de décollage".

L'attaque du 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, a entraîné côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles.

Les représailles israéliennes à Gaza ont fait 61.599 morts, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.


Macron brise un tabou en reconnaissant la «guerre» de la France au Cameroun pendant la décolonisation

Le président français Emmanuel Macron regarde avant d'accueillir le Premier ministre arménien au palais présidentiel de l'Élysée avant leur rencontre à Paris, le 14 juillet 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron regarde avant d'accueillir le Premier ministre arménien au palais présidentiel de l'Élysée avant leur rencontre à Paris, le 14 juillet 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron admet pour la première fois que la France a mené une guerre au Cameroun, impliquant des violences répressives avant et après l’indépendance de 1960
  • Cette reconnaissance s’inscrit dans une volonté de transparence historique, mais n’aborde pas la question des réparations réclamées par les anciens combattants camerounais

PARIS: Le président Emmanuel Macron a officiellement reconnu que la France avait mené "une guerre" au Cameroun contre des mouvements insurrectionnels avant et après l'indépendance de 1960, un mot jusqu'ici absent des discours officiels, signalant à nouveau sa volonté d'introduire plus de transparence dans l'histoire coloniale française.

"Il me revient d'assumer aujourd'hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements", souligne le chef de l'Etat dans un courrier à son homologue camerounais Paul Biya rendu public mardi, actant ainsi un tournant mémoriel entre les deux pays.

M. Macron endosse les conclusions d'un rapport d'historiens qui lui avait été remis en janvier et qui a "clairement fait ressortir qu'une guerre avait eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l'armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple".

En outre, ajoute Emmanuel Macron, "la guerre s'est poursuivie au-delà de 1960 avec l'appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes".

Le président français avait annoncé en juillet 2022 au Cameroun le lancement de travaux d'une commission mixte franco-camerounaise visant à faire la lumière sur la lutte de la France contre les mouvements indépendantistes et d'opposition au Cameroun entre 1945 et 1971.

Le rapport de cette commission, présidée par l'historienne Karine Ramondy, s'inscrit dans la politique mémorielle du président Macron vis-à-vis de l'Afrique, à la suite de rapports similaires sur le Rwanda et l'Algérie, autres pages sombres de la politique française en Afrique.

- "renforcer la relation" -

Le rapport sur le Cameroun et les recherches appelées à le prolonger "vont nous permettre de continuer à bâtir l'avenir ensemble, de renforcer la relation étroite qui unit la France et le Cameroun, avec ses liens humains entre nos sociétés civiles et nos jeunesses", a appelé de ses voeux M. Macron.

"C'est bien, parce qu'il reconnaît" ce qu'il s'est passé, a réagi auprès de l'AFP Mathieu Njassep, président de l’Association des vétérans du Cameroun (Asvecam) qui réunit d'anciens combattants indépendantistes, assurant toutefois qu'il ne pourra être satisfait que si la France verse des réparations. Un sujet qui n'est pas abordé dans sa lettre par M. Macron.

"La France a commis beaucoup de crimes au Cameroun. Elle peut payer des réparations. Elle a détruit des villages, des routes, tant de choses… Il y a beaucoup de choses qu’elle doit faire", a expliqué l'ancien combattant camerounais.

Paul Biya, âgé de 92 ans, a annoncé en juillet qu'il briguerait un huitième mandat à la présidentielle prévue le 12 octobre prochain. Le Conseil constitutionnel a de son côté rejeté début août la candidature de son principal opposant, Maurice Kamto.

Le rapport de plus de mille pages étudie notamment le glissement de la répression des autorités coloniales françaises vers une véritable "guerre". Se déroulant dans le sud et l'ouest du pays entre 1956 et 1961, elle a sans doute fait "des dizaines de milliers de victimes", selon les historiens.

Le rapport souligne que "l'indépendance formelle (du Cameroun en janvier 1960) ne constitue absolument pas une rupture nette avec la période coloniale". Ahmadou Ahidjo, Premier ministre puis président en 1960, met en place "un régime autocratique et autoritaire avec le soutien des autorités françaises, représentées par des conseillers et administrateurs, qui accordent leur blanc-seing aux mesures répressives adoptées", selon les historiens.

L'actuel président Paul Biya a été un proche collaborateur de M. Ahidjo dans les années 1960, jusqu'à devenir Premier ministre en 1975, avant d'accéder à la présidence à partir de 1982.

M. Macron, qui suggère la création d'un groupe de travail dédié entre le Cameroun et la France, "s'engage à ce que les archives françaises soient rendues facilement accessibles pour permettre la poursuite des travaux de recherche".

Il évoque "certains épisodes spécifiques de cette guerre, comme celui d'Ekité du 31 décembre 1956, qui a fait de nombreuses victimes, ou la mort lors d'opérations militaires menées sous commandement français des quatre leaders indépendantistes Isaac Nyobè Pandjock (17 juin 1958), Ruben Um Nyobè (13 septembre 1958), Paul Momo (17 novembre 1960) et Jérémie Ndéléné (24 novembre 1960)".

En revanche, concernant l'assassinat de l'opposant Félix-Roland Moumié à Genève le 3 novembre 1960, "l'absence d'éléments suffisants dans les archives françaises et le non-lieu rendu par la justice suisse en 1980 n'ont semble-t-il pas permis d'apporter un nouvel éclairage sur les responsabilités" de sa mort, estime M. Macron.


En coordination avec Riyad, Paris pousse pour une mission de stabilisation à Gaza

Alors que les chancelleries discutent, que les communiqués se succèdent et que les négociateurs peinent à arracher un consensus, les bombardements continuent de tuer, d’affamer et de déraciner. Ce décalage met à nu l’impuissance apparente des instruments diplomatiques face à la brutalité immédiate de la guerre. (AFP)
Alors que les chancelleries discutent, que les communiqués se succèdent et que les négociateurs peinent à arracher un consensus, les bombardements continuent de tuer, d’affamer et de déraciner. Ce décalage met à nu l’impuissance apparente des instruments diplomatiques face à la brutalité immédiate de la guerre. (AFP)
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  • Depuis des mois, les tentatives de médiation s’enlisent, et les cessez-le-feu temporaires demeurent fragiles, tandis que les discussions indirectes entre Israël et le Hamas restent dans l’impasse
  • Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron a rappelé hier que la diplomatie ne peut pas se contenter de constater l’échec, mais qu’elle doit s’outiller pour agir plus vite

PARIS: À Gaza, le temps long de la diplomatie se heurte désormais à la cruauté de la guerre, et chaque jour qui passe creuse davantage le fossé entre l’agenda lent et minutieux de la diplomatie internationale et la réalité sanglante vécue sur le terrain.
Alors que les chancelleries discutent, que les communiqués se succèdent et que les négociateurs peinent à arracher un consensus, les bombardements continuent de tuer, d’affamer et de déraciner.
Ce décalage met à nu l’impuissance apparente des instruments diplomatiques face à la brutalité immédiate de la guerre.

Depuis des mois, les tentatives de médiation s’enlisent, et les cessez-le-feu temporaires demeurent fragiles, tandis que les discussions indirectes entre Israël et le Hamas restent dans l’impasse, alors que la situation humanitaire atteint un seuil catastrophique.

Dans un appel public, Macron a remis sur la table la proposition d’une force de stabilisation à Gaza, soulignant qu’elle demeure, à ce jour, la seule feuille de route opérationnelle ayant reçu un aval.


Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron a rappelé hier que la diplomatie ne peut pas se contenter de constater l’échec, mais qu’elle doit s’outiller pour agir plus vite.

Dans un appel public, Macron a remis sur la table la proposition d’une force de stabilisation à Gaza, soulignant qu’elle demeure, à ce jour, la seule feuille de route opérationnelle ayant reçu un aval.
L’idée, en soi, n’est pas nouvelle : elle a été formalisée et approuvée dans une déclaration conjointe des pays participants, à l’issue de la conférence de New York en juin dernier, consacrée à la mise en œuvre de la solution à deux États.
Parmi les points forts de cette déclaration figurent l’appel à un cessez-le-feu immédiat, la mise en place d’un comité transitoire placé sous la tutelle de l’Autorité palestinienne et chargé de gérer immédiatement Gaza après le cessez-le-feu, ainsi que le déploiement d’une mission internationale temporaire de stabilisation, mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU, avec pour mission la protection des civils, le transfert de la sécurité à l’Autorité palestinienne, l’encadrement et la transition vers la paix, et la mise en œuvre de la solution à deux États.

Cependant, entre l’approbation politique et la mise en œuvre sur le terrain, un gouffre persiste. Les négociations achoppent sur des désaccords majeurs concernant le mandat précis de la mission, son format, la nationalité des troupes, sa durée — autant de pièges difficiles à déjouer.
Les États-Unis redoutent un engagement militaire plausible ; Israël, quant à lui, craint une limitation de sa marge d’action et manifeste un rejet net de toute présence de forces étrangères.

Face à ces blocages, la France et l’Arabie saoudite multiplient les ajustements : formats hybrides, garanties strictes de neutralité, clauses temporelles… autant de « tâtonnements » constants pour maintenir vivant ce projet, malgré un calendrier qui s’étire dangereusement alors que les bombardements se poursuivent.
Paris, en coordination avec Riyad, s’emploie à convaincre les principaux acteurs — notamment les États-Unis et certains pays arabes réticents — que cette mission n’est pas une utopie, mais une nécessité, pour mettre fin à l’engrenage militaire et ouvrir un horizon politique crédible.

Le tandem Paris–Riyad ne doit rien au hasard : dès le début de la crise actuelle, les deux capitales ont mis en place un dialogue étroit, conscientes que leur voix combinée pouvait peser davantage.
La France, comme membre permanent du Conseil de sécurité, et l’Arabie saoudite, comme puissance régionale incontournable, défendent ensemble l’idée que seule une approche globale combinant cessez-le-feu, aide humanitaire massive, reconstruction et perspectives politiques peut éviter à Gaza de replonger dans le pire.

Les signataires estiment qu’il est temps d’adopter une position plus ferme vis-à-vis d’Israël, accusé de violations massives du droit international humanitaire, et préviennent que la France risque de perdre sa crédibilité si elle continue à plaider pour la paix tout en ménageant Israël.

Cette coopération s’inscrit dans un contexte où les diplomaties occidentales, fragilisées par leurs divisions internes et leurs priorités concurrentes, peinent à imposer une voie commune.
La France et l’Arabie saoudite apparaissent ainsi comme le moteur d’un effort multilatéral qui tente de maintenir vivante la perspective de la solution à deux États, malgré le scepticisme ambiant.

Mais si la France s’active, les critiques se multiplient sur le rythme et la fermeté de son action. En témoigne une tribune publiée par le quotidien Le Monde et signée par plus d’une trentaine d’anciens ambassadeurs français appelant à un changement de cap.
Les signataires estiment qu’il est temps d’adopter une position plus ferme vis-à-vis d’Israël, accusé de violations massives du droit international humanitaire, et préviennent que la France risque de perdre sa crédibilité si elle continue à plaider pour la paix tout en ménageant Israël.

Auparavant, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, et l’historien Vincent Lemire avaient également publié dans Le Monde une tribune similaire, appelant Macron à imposer des sanctions immédiates à Israël. Sinon, écrivent-ils, la France « finira par reconnaître un cimetière ».

Ces interpellations publiques reflètent une tendance plus large, tant dans l’opinion que dans la classe politique : la patience s’érode face à l’ampleur des destructions et des pertes humaines à Gaza.
L’Élysée marche ainsi sur une ligne de crête, consistant à maintenir le dialogue avec Israël tout en tâchant de répondre aux attentes croissantes de fermeté exprimées par la société civile, les ONG et même d’anciens diplomates.

Dans un tel contexte, la mission de stabilisation portée par la France et l’Arabie saoudite pourrait offrir une passerelle, en installant sur le terrain un dispositif capable d’enrayer la spirale de la violence tout en ouvrant la voie à une solution politique.
Encore faut-il que cette initiative franchisse le mur des réticences politiques et des calculs stratégiques ; encore faut-il que la voix de la France soit entendue par les autorités israéliennes, au premier rang desquelles le Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Les mois précédents ont été émaillés par une crispation et des frictions constantes entre Paris et Tel-Aviv. Dernier épisode en date, rapporté par une source diplomatique : depuis de nombreux mois, les agents du dispositif diplomatique français en Israël et à Jérusalem font l’objet de contrôles systématiques par les agents de sécurité israéliens à l’aéroport de Roissy, lors de leur embarquement sur des vols de la compagnie israélienne El Al.
Selon la même source, un dialogue a été engagé avec l’ambassade d’Israël en France pour régler ces difficultés. En attendant, un certain nombre de mesures administratives relatives à ce dispositif ont été temporairement suspendues.