Aux «Beaux mets», un restaurant bistronomique en prison réconcilie «le dedans et le dehors»

Un détenu sert des repas dans le restaurant "Les beaux mets" à l'intérieur de la prison des Baumettes à Marseille, le 2 novembre 2022. Le restaurant "Les beaux mets", où les détenus de la prison des Baumettes préparent des repas, ouvrira au public le 15 novembre 2022. (AFP).
Un détenu sert des repas dans le restaurant "Les beaux mets" à l'intérieur de la prison des Baumettes à Marseille, le 2 novembre 2022. Le restaurant "Les beaux mets", où les détenus de la prison des Baumettes préparent des repas, ouvrira au public le 15 novembre 2022. (AFP).
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Publié le Lundi 07 novembre 2022

Aux «Beaux mets», un restaurant bistronomique en prison réconcilie «le dedans et le dehors»

  • «La cuisine nécessite de l'organisation, de la rigueur, des choses importantes pour remobiliser des personnes éloignées de l'emploi», assure Armand Hurault, directeur de l'association Festin
  • Malgré leur inexpérience, les détenus préparent des plats «bistronomiques», une offre garantie par ceux qui les encadrent: un maître d'hôtel et une cheffe passée par le triple étoilé «Petit Nice» à Marseille

MARSEILLE : Tartare de daurade, cocktails colorés et banquettes de velours pourraient faire penser à un restaurant ordinaire. Aux "Beaux mets" pourtant, à Marseille, le client déguste des plats préparés par des détenus, sous l'oeil d'un surveillant de prison, dans les murs des mythiques Baumettes.

Séparé du monde extérieur par deux portes infranchissables, un étage au-dessus des cellules, dans le seul bâtiment survivant des Baumettes historiques, le restaurant dévoile une décoration intimiste, tons ocre et bois.

La petite salle d'une quarantaine de couverts, que l'AFP a pu visiter en avant-première, ouvrira ses portes au public le 15 novembre, mais les détenus y servent déjà des repas "tests".

L'un d'eux, préposé aux cocktails ce jour-là, affiche un grand sourire: "Quand je suis au restaurant, j'oublie la détention, je suis dehors dans ma tête, et le soir je me couche fatigué mais heureux, avec l'envie d'être déjà au lendemain".

Comme douze autres détenus de la structure d'accompagnement vers la sortie (SAS), réservée aux personnes définitivement condamnées et en fin de peine, il a intégré les Beaux mets dans le cadre d'un chantier d'insertion professionnelle porté par l'administration pénitentiaire et l'association "Festin".

"La sortie est très attendue mais plus difficile que ce qu'on imagine", explique Christine Charbonnier, secrétaire générale de la direction interrégionale des services pénitentiaires: "L'idée de la SAS c'est que le détenu se prépare à la vie dehors".

C'est en visitant la prison de Bollate, à Milan, et son restaurant tenu par des détenus, que l'administration pénitentiaire a imaginé les Beaux mets, comparable aussi au restaurant "The Clink" de la prison londonienne de Brixton.

«La fierté de faire quelque chose d'excellent»

"La cuisine nécessite de l'organisation, de la rigueur, des choses importantes pour remobiliser des personnes éloignées de l'emploi", assure Armand Hurault, directeur de l'association Festin.

Malgré leur inexpérience --la plupart n'avaient jamais cuisiné--, les détenus préparent des plats "bistronomiques", une offre garantie par ceux qui les encadrent: un maître d'hôtel et une cheffe passée notamment par le triple étoilé "Petit Nice" à Marseille, Sandrine Sollier.

A la carte (35 euros pour entrée/plat/dessert), monochrome végétal, crumble d'agneau, pomme renversante: "La fierté de faire quelque chose d'excellent, c'est un moteur extrêmement important", selon Armand Hurault.

Dans la cuisine flambant neuve, pas un mot plus haut que l'autre, chacun est à sa tâche: cuisson des sauces, plonge, dressage. "La discipline peut s'acquérir sans force, ils sont assez brimés comme ça au quotidien", explique Sandrine Sollier, selon qui les détenus sont "deux fois plus volontaires" que des commis bien plus expérimentés.

Seule contrainte spécifique à la détention, reconnaît-elle: les deux armoires à couteaux, fermées à clés. "Chaque matin et chaque soir, je les recompte".

«Certains détenus peuvent s'en sortir»

Sur l'inox immaculé du plan de travail, Jeffrey Sandiford, 31 ans, coupe minutieusement en tranches une patate douce cuite. Il est l'un des seuls à revenir à son métier d'origine, appris à l'armée: "Je ne voulais pas perdre l'habitude du travail".

Il apprécie que Sandrine Sollier "ne (le) voit pas comme un détenu mais comme un membre de l'équipe": ce restaurant, "ça va prouver que certains détenus peuvent s'en sortir".

Le projet vise aussi à changer le regard sur la détention, "souvent assez caricatural, prison 4 étoiles pour les uns et honte de la République pour les autres", déplore Mme Charbonnier, qui souhaite réconcilier "le dedans et le dehors".

Les Beaux mets seront ouverts du lundi au vendredi, le midi seulement. Inscription obligatoire 72 heures avant sur le site internet du restaurant, le temps pour l'administration pénitentiaire de vérifier l'identité et le casier judiciaire de chaque client.

A son arrivée, chacun devra passer par un portique de sécurité et laisser dans un casier son téléphone portable, ses clés, ses espèces, le temps d'un repas sans alcool, dégusté sous l'oeil discret d'un surveillant de prison...

"Des conditions contraignantes, oui, mais pour une expérience unique", reconnaît Armand Hurault.

Côté personnel, le bilan est déjà très positif: Kamel*, 21 ans, passe d'une table à l'autre avec aisance. "J'en ai fait des jobs dans ma vie, mais j'ai jamais vraiment apprécié, là y'a, comment dire, un plaisir", décrit timidement le jeune homme.

Très à l'aise dans son rôle de serveur, il l'assure pourtant: "c'est pas cet uniforme qui me fait oublier qu'à 17h00 je vais rentrer en cellule". Mais les Beaux mets lui donnent de l'espoir pour l'avenir: "Sortir pour refaire des conneries, non, pour envisager d'être serveur, oui..."


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.