Crise franco-allemande: tension temporaire ou signe précurseur de rupture?

Gourdault-Montagne assure que Paris et Berlin traversent une crise «sérieuse», mais «conjoncturelle». (Photo, AFP)
Gourdault-Montagne assure que Paris et Berlin traversent une crise «sérieuse», mais «conjoncturelle». (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 09 novembre 2022

Crise franco-allemande: tension temporaire ou signe précurseur de rupture?

Gourdault-Montagne assure que Paris et Berlin traversent une crise «sérieuse», mais «conjoncturelle». (Photo, AFP)
  • Depuis la signature du traité d’amitié franco-allemand en 1963, la relation entre les deux pays a connu des hauts et des bas, avant de connaître la réunification allemande
  • Cette relation est loin d’être un long fleuve tranquille, étant donné «qu’il existe entre la France et l’Allemagne une disparité dans la taille et dans les moyens»

PARIS: Il est clair dans l’esprit de tous que la rencontre entre le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, fin octobre, s’est tenue dans un climat de tension qui n’a pas été dissipé.

Scholtz a donné l’impression de s’être rendu à reculons au palais de l’Élysée pour rencontrer Macron, plus pour sauver les apparences que pour redynamiser une relation en crise. Il apparaît évident que le fameux couple franco-allemand, jadis qualifié de «moteur de l’Union européenne», tourne désormais au ralenti.

Et les raisons de ce ralentissement sont multiples: décisions unilatérales prises par l’Allemagne sur la hausse des prix de l’énergie, achat d’avions de chasse américains plutôt que français, et surtout reports successifs de la fameuse réunion du Conseil des ministres franco-allemand.

Une crise sérieuse, mais conjoncturelle

S’agit-il d’une situation temporaire ou d’un avant-goût de rupture?

Arab News en français a abordé la question avec Maurice Gourdault-Montagne, ancien conseiller diplomatique du président Jacques Chirac, ancien directeur de cabinet du Premier ministre français, Dominique de Villepin, et surtout diplomate chevronné qui a servi comme ambassadeur dans plusieurs grandes capitales, dont Berlin.

Ardent défenseur et grand connaisseur des méandres de la relation franco-allemande, lui qui a contribué à la forger à travers ses différents postes, Gourdault-Montagne assure que Paris et Berlin traversent une crise «sérieuse», mais «conjoncturelle».

Les deux villes, tout comme l’ensemble des capitales européennes, ont pris de plein fouet les retentissements de la guerre russe en Ukraine. Selon lui cependant, la relation franco-allemande reste bâtie sur un socle solide qui leur permettra de rebondir et d’aller de l’avant. Depuis la signature du traité d’amitié franco-allemand en 1963, la relation entre les deux pays a connu des hauts et des bas, avant de connaître la réunification allemande.

France et Allemagne, toutes deux affaiblies

Cette relation est loin d’être un long fleuve tranquille, étant donné «qu’il existe entre la France et l’Allemagne une disparité dans la taille et dans les moyens», estime l’ancien diplomate, qui considère les rapports franco-allemands comme «souvent assez asymétriques».

Néanmoins, l’axe Paris-Berlin est solide, car il s’appuie sur des échanges commerciaux d’environ 160 milliards d’euros par an et des investissements directs étrangers importants (environ 40 à 50 milliards d’euros investis de chaque côté). En outre, la France a créé 400 000 emplois en Allemagne, et l’Allemagne a fait de même dans l’Hexagone. À elles deux, les deux pays pèsent pour 47% de l’économie de la zone euro.

Voilà pour les données objectives, mais ensuite intervient la politique, et il s’agit d’une autre affaire. Là où la situation se complique, indique Gourdault-Montagne, c’est que la France et l’Allemagne qui représentent le socle de la construction européenne, sont pris de plein fouet dans leurs politiques. La pandémie de Covid-19 a impacté la relation franco-allemande, et la guerre en Ukraine a servi d’accélérateur. «Le conflit ukrainien a des répercussions si fortes qu’il secoue les convictions des uns et des autres», affirme-t-il.

Aujourd’hui, l’Allemagne voit l’ensemble de ses politiques remises en cause. Sa stratégie économique s’appuyait en effet sur une énergie peu onéreuse: du gaz importé de Russie, qui aujourd’hui n’arrive plus en Allemagne. Berlin comptait également sur des dépenses militaires faibles, or aujourd’hui, il existe un besoin en armement et l’Allemagne doit aussi se réorganiser à ce niveau.

Berlin s’appuyait enfin sur une politique orientée à l’Est, qui avait été inaugurée avant la guerre froide et qui consistait à faire évoluer les interlocuteurs de l’Est via les liens commerciaux, et ceux-ci aussi n’existent plus.

Pour Gourdault-Montagne, «l’Allemagne se trouve dans une phase de remise en cause de ses fondamentaux», et dans ce contexte, «les Allemands se tournent vers les États-Unis, un socle qui leur offre beaucoup plus d’avantages que la France».

Entre-temps, «la France s’est affaiblie», estime-t-il, par un endettement massif avec la pandémie, mais aussi par le recul de son industrie. Le secteur industriel en Allemagne représente encore 25% du PIB, alors quen France il n’est plus que de 12 %.

Plus encore, l'Allemagne, souligne-t-il, a fait beaucoup de réformes, la France elle, ne les a pas encore mises en route: il existe là un vrai problème pour la France. Mais toujours est-il que la force de la relation franco-allemande réside dans des outils de travail extrêmement solides, à savoir:  le Conseil des ministres franco-allemand et l’Assemblée parlementaire franco-allemande, qui regroupe 50 députés allemands et 50 français. Celle-ci a été établie par le traité d’Aix-la-Chapelle en 2019.

La crise, elle, existe et elle est sérieuse, mais est conjoncturelle et pas fondamentale. Pour la surmonter, il faut de la volonté politique. «Cette volonté existe», affirme Gourdault-Montagne, mais «il faut surtout trouver des projets communs économiques, des projets de défense ou scientifiques… il faut les trouver». Car «la relation franco-allemande s’appuie sur des succès et en ce moment, nous sommes en panne de succès».

Malgré ce passage à vide, l’ancien diplomate reste optimiste. «La nécessité a toujours réussi à nous imposer des solutions et je suis confiant pour l’avenir», soutient-il. «Oui, c’est compliqué, oui, il y a souvent des divergences», mais «rien ne permet de dire en ce moment que le moteur franco-allemand ne fonctionne plus».


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".