La laborieuse recherche d'une stratégie française en Afrique

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur la stratégie de défense pour présenter la Revue nationale stratégique (RNS), une nouvelle loi de programmation militaire (2024-2030), sur le porte-hélicoptères amphibie Dixmude amarré à la base navale française de Toulon, dans le sud de la France, le 9 novembre 2022. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur la stratégie de défense pour présenter la Revue nationale stratégique (RNS), une nouvelle loi de programmation militaire (2024-2030), sur le porte-hélicoptères amphibie Dixmude amarré à la base navale française de Toulon, dans le sud de la France, le 9 novembre 2022. (AFP)
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Publié le Jeudi 10 novembre 2022

La laborieuse recherche d'une stratégie française en Afrique

  • Le chef de l'Etat a confirmé la fin officielle de l'opération antijihadiste Barkhane, admettant que la suite restait à définir
  • «L'objectif politique est clair, il faut se rendre moins visible, fermer cette parenthèse trop longue de dix ans qui pèse sur tous les discours sur la France dans la région», constate un spécialiste

PARIS: Le président français Emmanuel Macron s'est donné mercredi six mois supplémentaires pour définir une stratégie en Afrique, un délai qui témoigne des difficultés de l'ex-puissance coloniale à y conserver une influence face à une opinion de plus en plus hostile.

Le chef de l'Etat a confirmé la fin officielle de l'opération antijihadiste Barkhane, admettant que la suite restait à définir.

"Nous lancerons dans les prochains jours une phase d'échanges avec nos partenaires africains, nos alliés et les organisations régionales pour faire évoluer ensemble le statut, le format et les missions des actuelles bases militaires françaises au Sahel et en Afrique de l'Ouest", a-t-il déclaré. Une stratégie "finalisée d'ici 6 mois".

L'armée française a achevé en août son départ du Mali après neuf ans de présence. Un épilogue difficile, imposé par la junte au pouvoir qui travaille désormais - même si elle s'en défend - avec le sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner.

Dès l'annonce de son départ, en février, Paris avait déjà indiqué lancer des consultations. "Les choses vont se préciser à partir du mois de juin et les protocoles seront affinés", avait assuré la ministre des Armées d'alors, Florence Parly. Depuis, le président s'est rendu notamment au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau.

Mercredi, le ministère des Armées a confirmé des "échanges nourris avec les autorités locales", en évoquant des partenariats portant sur la formation, le renseignement et le "capacitaire", autrement dit les équipements.

Avec quels Africains ?

Mais les analystes consultés par l'AFP questionnent les intentions de Paris. "Depuis la rupture consommée avec le Mali, on insiste sur le fait que Barkhane, ce n'est pas terminé. Puis maintenant que c'est terminé", constate Denis Tull, spécialiste du Sahel à l'Institut allemand pour les relations internationales et la sécurité (SWP).

"L'objectif politique est clair, il faut se rendre moins visible, fermer cette parenthèse trop longue de dix ans qui pèse sur tous les discours sur la France dans la région. Ne pas être en mesure aujourd'hui de prendre des décisions peut sembler surprenant" et suggère que des accords tardent à aboutir, assure-t-il.

Paris revendique vouloir continuer à lutter contre les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique, qui étendent leurs activités vers les pays du golfe de Guinée. Son dispositif militaire reste dans l'immédiat inchangé, avec environ 3 000 militaires au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, après avoir compté jusqu'à 5 500 hommes au plus fort de son déploiement.

"Notre soutien militaire aux pays africains de la région se poursuivra, mais selon les nouveaux principes que nous avons défini avec eux", a précisé M. Macron.

"Avec quels Africains ? Quelle est la légitimité des alliés de la France ?", s'interroge pourtant Lemine Ould Salem, auteur et documentariste mauritanien spécialiste du jihadisme, insistant sur la grande fragilité des régimes de la région.

Le Burkina vient de connaître deux coups d'Etat en neuf mois, comme le Mali en 2020 puis 2021. La Guinée a changé de régime en 2021 à la suite d'un putsch. Quant au président tchadien Idriss Déby Itno tué en 2020 par des rebelles, il a été remplacé par son fils au mépris des règles constitutionnelles.

De fait, le projet français se heurte à une opinion africaine de plus en plus hostile, au sein de laquelle l'influence de puissances rivales, Moscou en tête, se renforce via réseaux sociaux et médias officiels.

«Bataille des opinions»

L'idée désormais est de continuer à agir, mais en discrétion. Aucun nouveau nom n'a été donné aux troupes désormais déployées.

"Ils ne savent pas sur quel pied danser", tranche Djallil Lounnas, chercheur à l'université marocaine Al Akhawayn. S'il estime que la France "ne peut pas lâcher le Sahel", elle travaille avec des pays qui s'effondrent et d'autres qui lui sont hostiles.

"On ne peut pas arrêter le train des activistes sur les réseaux sociaux. On ne va pas effacer dix ans d'intervention", vue par une partie des opinions comme "du militarisme", abonde M. Tull.

Mardi, l'Elysée relevait que "dans le champ des perceptions, Barkhane continue d'occuper une présence très importante". Mais pour le chercheur allemand, "c'est le résultat du discours français lui-même. La bataille des opinions a été perdue il y a des années".

Et il sera compliqué pour les gouvernements africains de demander l'aide de Paris comme le fait le président nigérien Mohamed Bazoum. "Assumer pleinement la coopération avec la France, cela a un coût politique potentiel non négligeable", relève M. Tull.

Lemine Ould Salem regrette de son côté que les autorités françaises n'aient "pas pris la mesure de ce qui se passe. Barkhane c'est fini. La situation est très instable, la France doit être au Sahel, mais pour quoi faire ?".


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.