Au Hedjaz, les Ottomans ont profané la Grande Mosquée de la Mecque ... puis ont bombardé la Kaaba

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Publié le Vendredi 24 juillet 2020

Au Hedjaz, les Ottomans ont profané la Grande Mosquée de la Mecque ... puis ont bombardé la Kaaba

Au Hedjaz, les Ottomans ont profané la Grande Mosquée de la Mecque ... puis ont bombardé la Kaaba
  • Les Ottomans ont vécu de la richesse des autres... et c'est ce que le gouvernement turc cherche actuellement à répéter dans l'épuisement économique de certains pays arabes
  • La propagande politique est à la base de la volonté des Ottomans de garder les deux Saintes Mosquées... et les Saoudiens les ont provoqués en les reprenant d'eux

L’une des choses que Zakariya Qurchon a cru, à tort, qu’elles étaient importantes pour sa théorie historique dans ses derniers articles, était la question des deux Saintes Mosquées et de la garde de celles-ci par les Ottomans. Comme à leur habitude, les Turcs ainsi que les historiens ayant adopté leur approche, se basent sur la vision positive à l’égard du contrôle par les Ottomans des deux Saintes Mosquées, alors qu'il y a des affaires historiques honteuses pour les Ottomans dans le Hedjaz en général, que certains historiens ont cherché à dissimuler, sans être en mesure d'en effacer les sources historiques.           

Je pense que les plus grands problèmes des historiens turcs résident dans ce qui a été mentionné dans les sources, avant qu'ils n'aient de problème avec les Arabes eux-mêmes, étant donné qu’il est impossible de cacher ce que contiennent ces sources comme idées et sujets explicites qui condamnent les Ottomans et leur règne sur le Hedjaz.

Les deux Saintes Mosquées

La théorie de Qurchon pour les deux Saintes Mosquées est basée sur la possession du titre de la garde des deux Saintes Mosquées par les sultans ottomans, bien qu'ils n'aient pas été les premiers à l’avoir. Salah al-Din al-Ayyubi les a précédés quand il a pris le titre de gardien des deux Saintes Mosquées.

L’évocation de la question des deux Saintes Mosquées s'inscrit dans le contexte de la tentative de déposséder l’Arabie Saoudite de la garde des deux Saintes Mosquées et de ses réalisations successives qui embarrassent clairement les Turcs, car cela présuppose le processus de comparaison entre deux autorités pour cette garde. Naturellement, la comparaison est évidente et n’a pas lieu d’être, car les Saoudiens accomplissent leur mission à partir de principes suprêmes : le premier est la loi islamique parfaite et pure qui incite à la garde des lieux saints dans les deux Saintes Mosquées de la Mecque et du Prophète, le second est de servir le monde islamique et tous les musulmans dans toutes les régions de la Terre, et le troisième est le fait de considérer les Saintes Mosquées comme étant une partie nationale importante du Royaume d'Arabie saoudite.

Tout au contraire, l'Empire ottoman a servi les deux Saintes Mosquées dans un seul but : celui de la propagande politique de son empire, par laquelle il impose sa responsabilité sur la plus grande zone géographique du monde islamique, exerçant son autorité comme une fonction sacrée. Pour preuve historique, il suffit de voir comment le monde arabe - y compris la péninsule arabique - souffrait de négligence politique et économique dans la plupart de ses régions ; le Golfe arabique a été abandonné aux ambitions coloniales européennes et l'Andalousie a imploré l’aide des Ottomans sans que l'État ottoman ne cherche sérieusement à la protéger. Lorsque ces événements se déroulaient à différentes périodes historiques, l'Empire ottoman cherchait à mener à bien sa politique dans le monde européen, et à établir sa diplomatie en France et ailleurs, sans s'occuper sérieusement de l'avancement des lieux qui lui sont prétendument affiliés, et qu'il est censé protéger.

C’est pourquoi les peuples arabes, y compris les habitants de la péninsule arabique, étaient bien conscients de la vérité des Turcs ottomans, de leur crime dans l'épuisement de leur patrie, de sorte que le peuple de la péninsule s'est opposé au projet ottoman et a rejeté les solutions qui imposent la domination ottomane, en soutenant la légitimité nationale représentée dans les imams de l'État saoudien, à la fois à la fin de l'ère du premier État saoudien ou dans la période entre les deux États ou plus tard pendant l'ère du deuxième État saoudien et l'ère du roi Abdel Aziz, que Dieu repose son âme.

Même lorsque les Ottomans ont tenté de réaliser leur projet avec un membre de la famille saoudienne dans le deuxième État saoudien, afin qu’il accède au pouvoir en leur nom, ils ont échoué car la population ne les a pas soutenus et n’a pas soutenu leurs représentants ; leurs projets coloniaux ont échoué l’un après l’autre.

La preuve que les Ottomans n'ont pas servi les deux Saintes Mosquées d'une manière qui implique un désir de servir la religion islamique,  c’est qu’aucun de leurs sultans n'a visité les deux Saintes Mosquées ni effectué le pèlerinage du Hajj, car la garde des deux Saintes Mosquées nécessite du souverain qu’il prenne soin d’elles, qu’il les visite ; les services qu’il rend font de lui directement le responsable des lieux, comme le voulaient les Ottomans pendant leur période de contrôle du Hedjaz.

Afin de se rendre bien compte combien la dimension politique dominait chez les Ottomans dans leur garde des deux Saintes Mosquées, il faut observer qu’ils n'ont traité avec le premier État saoudien, qu'ils ont cherché à saper, que lorsqu’il a annexé les deux Saintes Mosquées. Ce que Qurchon lui-même a démontré était que les Ottomans ne se sont pas opposés au premier État saoudien avant l'annexion de La Mecque. Il dit : "L'Empire ottoman a été indigné par leur prise de La Mecque, et a immédiatement pris l'initiative d'informer les gouverneurs voisins de la région de ce qui s'était passé, et leur a envoyé des ordres stricts pour réagir et prendre les mesures nécessaires." (Zakariya Qurchon, Les Ottomans et la famille Al Saoud dans les archives ottomanes 1745 AH -1914 apr. J. -C., Beyrouth: The Encyclopedia of Arabia, 2005, 75).

Notez que les Ottomans ont cherché à s'allier avec des puissances étrangères pour renverser le premier État saoudien, y compris la Grande-Bretagne; cela est démontré par la visite du capitaine britannique George Foster Sadler, qui a visité le camp d'Ibrahim Pacha en 1334 AH / 1819 apr. J. -C., l'a félicité pour son éviction de l'État des Saoudiens, et a discuté avec lui de la mobilisation des forces locales et régionales, pour mener une attaque conjointe ottomane-britannique contre les derniers loyalistes du premier État saoudien à Ras Al-Khaimah et Sharjah, les cheikhs d'Al-Qawasim, avec l'intention d'éliminer l'influence saoudienne même après la chute de l'État. Par conséquent, la Grande-Bretagne a lancé sa quatrième campagne sur Sharjah, profitant de l’aide ottomane, après s’être entendu et avoir coordonné entre eux. La haine ottomane envers les Saoudiens a atteint son apogée, et Bridges l'interprète en ces mots: « Ainsi a pris fin le gouvernement fondé par  le peuple qui est passé de la faiblesse à la force, et a effrayé autant les pachas turcs en Asie que leur sultan à Constantinople. Les Wahhabites ont surestimé leur vraie force et ont imaginé qu'ils pouvaient défier le gouvernement britannique ». Cela prouve la position de la Grande-Bretagne avec les Ottomans pour renverser le premier État saoudien. (Pour en savoir plus, voir: George Foster Sadler, A Diary of a Journey through Arabia, 1819 AD, traduction: Adnan Al-Awami (Beyrouth: Maison d'édition arabe, 2016) ; Harford Jones Brydges, A Brief history of the Wahauby (London: JAMES BOHN, 1834), 105)

Quant au titre de Gardien des Deux Saintes Mosquées que Sélim 1er a pris, il est drôle de voir qu’il dit avec fierté avoir été le premier à le porter, et en même temps il ajoute: « Après Salah al-Din al-Ayyubi». Où est donc le caractère fondateur dont il parle ? Chacun peut être fier d'être le premier après celui qui l'a précédé, et être gardien des Deux Saintes Mosquées n’est pas une question de titres et de préséances, mais d’actions et de preuves historiques.

En fait, les Ottomans ont fourni certains services aux deux Saintes Mosquées, mais ils n’étaient pas – comme Qurchon l'a décrit – impeccablement rendus. Sélim 1er s’est déclaré gardien des deux Saintes Mosquées en 922 AH / 1516 après la chute de l'Etat des Mamelouks, puis a annoncé que son objectif était de s’emparer des deux Saintes Mosquées. (Pour en savoir plus, reportez-vous à: Ibn Tulun, The Fruit of Khellan; Ibn Iyas, Bada'a Al-Thahur.)

Et ce que Qurchon a négligé au niveau de la prise du Hedjaz est que Sélim prévoyait d'envoyer une campagne militaire pour y parvenir, contrairement à ce qu'il a dit que le Chérif avait volontairement envoyé son fils, et c'est ce qui a été rapporté par Al-Sanjari dans Les largesses de la générosité "Manaéh Al-Karam". Il a déclaré qu'il prévoyait d'envoyer son armée si les habitants du Hedjaz qui se trouvaient en Égypte après la chute des Mamelouks n’avaient pas, dans une correspondance avec le Chérif de La mecque, demandé à ce dernier d’envoyer son fils chez Sélim pour lui déclarer allégeance. (Ali Al-Sanjari, Manaéh Al-Karam in the News of Makkah, Al-Bayt, and the Governors of the Sanctuary, Achievement: Majida Zakaria, Makkah Al-Mukarramah: The Center for the Revival of Islamic Heritage, 1998, 3: 225-227).

Et lorsque les Ottomans ont pris le contrôle du Hedjaz, ils se sont installés en établissant un sandjak à Djeddah, dans le but d'observer La Mecque, qui était restée sous l'autorité autonome des nobles ; cela fait partie de la politique des Ottomans dans l’annexion et l’administration de nombreux pays. L'intérêt des Ottomans dans les deux Saintes Mosquées entrait dans le cadre d’une promotion pour eux qu’ils réalisaient à travers quelques aides matérielles, et de la confirmation de l’existence de la doctrine officielle du Sultanat par la reconstruction du sanctuaire de l’école hanafite dans la Grande Mosquée de La Mecque.

Neuf ans après leur prise du Hedjaz, plus précisément en 932 AH / 1525, ils ont profané le Haram al-Makki comme le décrit Ibn Fahd: « Ils ont fait à La Mecque des actes scandaleux ; ils ont attaqué les maisons des gens, les en ont fait sortir avec leurs femmes, ont saisi et endommagé leurs biens, et ont habité leurs résidences à leur place. Les gens ont appelé au secours et n’ont trouvé que Dieu Tout-Puissant pour les aider. Ils ont fait tellement de mal que chaque résident s’est mis à leur souhaiter tout le mal possible. Puis ils ont continué à faire du mal, et ils ont commis des méfaits envers les femmes, et ont pris la nourriture du marché à très bon marché, et certains d'entre eux ne payaient rien ".. (Œuvre de Jarallah bin Fahd,  réalisation: Muhammad Al-Haila, Makkah Al-Mukarramah: Al-Furqan Islamic Heritage Foundation, 2000, 1: 357-362).

Quel service commence-t-il par la profanation ? Puis de nombreuses violations se sont succédé, comme détaillé dans les sources historiques. Mais malgré cela, ce que les Ottomans et leurs historiens prétendent avoir réalisé dans  l'architecture des deux Saintes Mosquées l’a été à la demande insistante des nobles; la restauration et l'architecture ont été réalisées dans les limites minimales, cela vient du fait que les travaux architecturaux - en particulier au Xe siècle de l'Hégire - se menaient avec beaucoup de prudence par les Ottomans, car leurs extrémistes soufis considèrent les travaux de construction d'une manière irréaliste, à savoir que la structure honorable est préservée de sorte à ce que le bâtiment n’ait pas besoin de reconstruction ou d’entretien. Donc tout travail de construction, entretien ou développement urbain était effectué en minimaliste et après de nombreuses délibérations, rencontres et conflits entre différents courants. (Pour en savoir plus, reportez-vous à: Ibtisam Kashmiri, Makkah Al-Mukarramah depuis le début de la domination ottomane jusqu'à la fin du Xe siècle AH / XVIe siècle après JC, Makkah Al-Mukarramah: Umm Al-Qura University, 2001).

En conséquence, la propagande turque au service des deux Saintes Mosquées cache des inconvénients et des calamités, qui ne peuvent être comparés à ce que le service des deux Saintes Mosquées dans le royaume d'Arabie saoudite a atteint. Les Ottomans ont pris du service des deux Saintes Mosquées plus qu'ils n'ont donné, sans parler de la violation du caractère sacré des deux sanctuaires dans de nombreux événements historiques, comme Fakhri Pacha l'a fait à Médine lors de l'incident "Seferberlak" quand il en a délogé les familles, a emprisonné environ 170 de ses érudits et dignitaires, les a exilés au Levant et en Anatolie, durant la Première Guerre mondiale. Il ne se souciait pas du sort tragique des habitants, ordonnant à ses soldats de garnison de les arrêter dans les rues sans prendre en compte si la personne arrêtée était une femme, un enfant, un infirme ou un père de famille. Les tragédies qui ont été racontées par les habitants de la ville à ce sujet sont nombreuses. L'histoire ne peut pas les pardonner à Fakhri et aux Ottomans.

Fakhri, qui ne prononçait pas de discours à la chaire de la Mosquée du Prophète sans insulter les Arabes et les accuser de trahison ... Fakhri qui a cerné avec des explosifs la salle prophétique dans le sanctuaire, le Saint-Sépulcre et les cours de la mosquée du Prophète, quand l’étau a été resserré autour de lui, et a menacé de faire sauter le sanctuaire. Avant cela, il a volé les possessions de la salle du Prophète. À cause de lui, la ville a été plongée dans la famine : des gens mangeaient des chats et des cadavres après exhumation des tombes.

La dernière œuvre des Ottomans dans la Grande Mosquée de La Mecque était l'attaque la plus agressive contre le Haram de l'ère moderne, lorsque la révolution du Charif Hussein ben Ali a été proclamée en 1334 AH / 1916 AD, lorsque la garnison ottomane a bombardé à l’artillerie la Grande Mosquée de la forteresse de Gyad, atteignant la Sainte Mosquée au-dessus de la Pierre Noire, mettant le feu à l’étoile de la Kaaba et frappant les couloirs de la mosquée avec leurs bombes. (Abdallah ben Al-Hussein, Mes mémoires, Amman : Al-Dar Al-Ahlya, 1989, 114-116).

Si nous reprenons l’histoire du contrôle ottoman des deux Saintes Mosquées, nous trouverons beaucoup de choses qui contredisent ce qui est rapporté dans de nombreux livres, recherches et études qui magnifient les services ottomans, alors qu'ils ne respectent pas la sainteté des deux sanctuaires, et qu'ils ne se soucient pas de commettre des violations diverses et de profaner les lieux saints. Dans ce que nous avons couvert, il y a suffisamment d'exemples seuls pour le prouver. Les recherches historiques révéleront davantage de calamités ottomanes dans les deux Mosquées.

Les Ottomans de La Mecque seulement - sans parler de la ville de Médine - ont fait plus qu'Abraha Al-Habashi avant l'Islam lorsqu'ils ont violé le caractère sacré, et ils ont fait plus que ce que les pèlerins ont fait en frappant la Kaaba avec la catapulte, et ils ont ressemblé aux Carmatiens en prenant des morceaux de pierre noire à l'époque légale.

Par conséquent, j’aurais souhaité que Qurchon ait bien lu l'histoire et qu'il ne se soit pas satisfait de ce qui est écrit dans les papiers officiels de l’Empire ottoman, car s'en vanter ne reflète pas la réalité historique, car leurs documents et écrits représentent le point de vue officiel, non la réalité historique et racontent l'Histoire qu'ils veulent montrer, pas l’Histoire qu’ils veulent enterrer.

Ce que Qurchon et d'autres font est de répandre une Histoire contaminée en appelant au retour à l'ancien legs afin d’essayer de produire une force politique selon une idéologie qui œuvre pour dissiper une partie du système naturel, et essayer de vivre selon une aristocratie qui distingue les Turcs du reste des peuples, y compris les Arabes, et de revenir à la vie sans travail comme les Ottomans l'ont fait en comptant sur la richesse des autres.

Talal Al-Torifi est professeur d'université et journaliste saoudien.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com