Sommet de la Francophonie: pour Nivine Khaled, le français ne doit pas être la langue de l'élite

Nivine Khaled, directrice de la Diversité culturelle et de la langue française au sein de l’OIF (photo, Mélinda Mrini)
Nivine Khaled, directrice de la Diversité culturelle et de la langue française au sein de l’OIF (photo, Mélinda Mrini)
Parmi les missions clés que s’est fixé l’OIF : la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique (photo, Melinda Mrini)
Parmi les missions clés que s’est fixé l’OIF : la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique (photo, Melinda Mrini)
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Publié le Mardi 22 novembre 2022

Sommet de la Francophonie: pour Nivine Khaled, le français ne doit pas être la langue de l'élite

  • Nivine Khaled appelle à ne pas être «trop pessimiste», la langue française dans le monde se porte bien, insiste-t-elle
  • «Le français est une langue internationale de poids, une langue d'émancipation, d'opportunités, de décloisonnement et d'ouverture vers l'autre. » 

DJERBA, Tunisie : Le français, cinquième langue dans le monde, rassemble aujourd’hui 321 millions de locuteurs à travers le globe. L’anglais est partout, certes, c’est la langue des affaires et de la communication, mais, à l’instar de l’anglais, le français est la langue parlée sur tous les continents. 

À l’occasion du sommet de la Francophonie qui s’est ouvert samedi à Djerba en Tunisie 2022, sous le thème : « La Connectivité dans la diversité - le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone », la directrice de la Diversité culturelle et de la langue française au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Nivine Khaled, répond aux questions d’Arab News en français. 

Parmi les missions clés de l’OIF : la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique. 

Pour Nivine Khaled, ce Sommet suscite de grandes attentes, surtout en matière de mobilisation pour la promotion de langue française. Par sa thématique : «Cette francophonie qui se veut connectée, moderne, numérique est une réponse aux aspirations des populations, notamment les jeunes et les femmes, qui sont les priorités de la Francophonie dans cette transition numérique indispensable pour leur bien-être, leur professionnalisation et leur aspiration à une vie meilleure.» 

Le français recule en Europe 

Interrogée sur le recul du français dans certains pays membres de l’organisation, notamment dans les pays du Maghreb où le français occupe pourtant une place importante (en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 13 % de la population parle le français), Nivine Khaled appelle à ne pas être « trop pessimiste ». La langue française dans le monde se porte bien, insiste-t-elle. 

Selon le dernier rapport de l’observatoire, la langue française connaît une progression de 7% à travers le monde, par rapport à 2018. 

Cependant, Mme Khaled assure qu’« il y a en effet dans certaines parties du monde une régression au niveau de l'enseignement et de l'éducation du français. Mais étrangement, c'est en Europe que nous avons ce problème. Il y a une régression de l'enseignement de la langue française à hauteur de 10% depuis quatre ans » 

La directrice de la Diversité culturelle et de la langue française regrette que les politiques nationales éducatives des pays européens imposent une seule langue étrangère obligatoire qui, sans surprise, est l’anglais. 

Ne pas mélanger la politique française et la langue 

Concernant les pays du Moyen-Orient et du Maghreb, Nivine Khaled reconnaît un certain désamour pour la langue de Molière dans certains pays de la région. Elle nuance cependant avec la réalité des chiffres. Selon notre dernier rapport, c’est dans les pays du Maghreb que nous avons un bastion du français langue étrangère (FLE) et 44 % des apprenants de FLE se trouvent dans ces pays où le français est perçu comme la langue de la culture, celle qui permet d'accéder à un travail à l’international, de poursuivre des études à l'étranger. C'est donc une langue qui est vue comme une opportunité, surtout par les jeunes de ces pays et, même si l’arabe y est la langue officielle, elle continue de vivre malgré tout, a-t-elle constaté. 

Si la langue française a en effet gardé encore ses lettres de noblesse dans des pays d’Afrique et du Maghreb, certains lui tournent le dos en raison d’un sentiment anti-France lié à la politique du gouvernement de l’Hexagone, notamment les récentes mesures de restrictions des visas. Un amalgame se fait donc entre France et francophonie. 

Nivine Khaled, consciente de cette réalité, appelle à ne surtout pas faire d’amalgame. Durant ce sommet, « il y aura une déclaration sur la langue française dans la diversité linguistique de la francophonie. Et le titre de cette déclaration est tout à fait révélateur de la posture de la francophonie vis-à-vis du français. Il ne s'agit pas de défendre la langue française de France, mais de travailler à promouvoir la langue française dans la diversité linguistique de la francophonie, c'est à dire la langue française qui est celle du partage des 88 États et gouvernements qui font de la francophonie ce qu’elle est aujourd'hui. » insiste-t-elle. 

«Si les jeunes n’ont pas directement accès à la France, il n’en reste pas moins que c'est une langue internationale. C'est une langue d'opportunité qui est la quatrième langue sur Internet, la cinquième la plus parlée dans le monde. Elle reste donc une langue internationale de poids qui ne peut être qu'une langue d'émancipation, d'opportunités, de décloisonnement et d'ouverture vers l'autre. » 

Et Mme Khaled d’ajouter : le soutien à la libre circulation (des artistes ou des entrepreneurs du Sud, par exemple) fait partie des priorités fixées par l’OIF. 

« Nous avons dans notre ADN l'idée que cette mobilité est un vecteur de paix et de cohésion sociale qui porte sur toutes les grandes valeurs, les valeurs cardinales de la francophonie que sont justement la solidarité et la paix. » 

L’OIF compte cinq membres à part entière de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (Mena): l’Égypte, le Liban, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie ainsi que deux membres associés : Les Émirats arabes unis (EAU) et le Qatar. La région compte 22 millions de francophones. Ces dernières années, dans des pays comme les EAU, on constate un important engouement pour la langue de Molière. Les chiffres le confirment, selon un dernier rapport de l’OIF, le français est en hausse dans des pays comme le Bahreïn, les EAU, Israël, le Koweït et le Qatar. 

Pour Nivine Khaled, des pays comme les EAU se sont sans doute rendu compte de l'importance et des opportunités du français, langue internationale au même titre que l'anglais. Au sein de la Francophonie, nous ne sommes pas du tout dans un rapport conflictuel avec quelque autre langue, mais bien dans ce rapport d'harmonisation, de cohabitation avec toutes les autres. 

Le français, la langue de l’élite ? 

Le français est souvent considéré comme une langue élitiste. Nivine Khaled cite la secrétaire générale, Louise Mushikiwabo : « Il faut penser le français, il faut utiliser le français comme une langue décomplexée.» Elle ajoute que c’est une langue utile, fonctionnelle. Il n'est pas question qu’elle soit la langue de l'élite, insiste-t-elle, mais qu’elle soit une langue qui ait un usage de tous les jours, qui soit appréhendée par la jeunesse, particulièrement en Afrique, et qu’elle l’approprie. 

Mme Khaled indique qu'il existe «une plate-forme numérique, Le Dictionnaire des francophones, qui permet d'avoir accès à tous les mots français qui sont tirés des autres régions hors de France, c'est-à-dire les mots français que l'on trouve dans des territoires de l'espace francophone comme les pays du Maghreb, d'Afrique ou encore d'Asie». 

Favoriser l’essor des industries culturelles 

Si la mission de l’OIF est notamment de promouvoir la langue française, elle s’est donné aussi pour objectif de valoriser la culture dans son ensemble. À la question de savoir si l’OIF ne devrait pas avoir une politique culturelle plus offensive afin de permettre un véritable essor des industries culturelles notamment dans les pays du Sud, la directrice de la Diversité culturelle et de la langue française au sein de l’OIF assure que « la culture fait partie de l'ADN de l’organisation». Elle précise que plusieurs projets ont été initiés par la Secrétaire générale de l’Organisation et, parmi ces actions concrètes, Nivine Khaled cite deux fonds de soutien aux productions cinématographiques et audiovisuelles du Sud dont certains ont été primés dans les grands festivals comme ceux de Venise, de Toronto, de Berlin, confie-t-elle avec fierté. 

Et ce fonds images permet donc de « finaliser et de faire découvrir toute la richesse et la vitalité du cinéma, notamment africain. Parce que la francophonie, c'est aussi et surtout l'Afrique », conclut-elle. 

À l’avenir, en effet, le français sera plus parlé sur le continent africain que partout ailleurs. Selon l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF) de Laval au Canada, en 2050, plus de 70% des francophones seront africains et l’Afrique comptera plus de 90% des jeunes francophones. 


Le festival Winter at Tantora revient à AlUla et célèbre un riche patrimoine culturel

Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
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AlUla : Le festival Winter at Tantora a été lancé jeudi à AlUla. Il se déroulera jusqu’au 10 janvier et propose une saison culturelle célébrant le riche héritage civilisationnel, culturel et historique de la région.

Le programme du festival comprend une large palette d’activités culturelles, artistiques et traditionnelles, a rapporté l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Parmi les attractions figurent Old Town Nights, Shorfat Tantora, When Shadow Tracks Us et le Carnaval d’Al-Manshiyah.


Le Forum d’Asilah distingué par le Prix du Sultan Qaboos pour la culture

Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
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  • Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a été récompensé à Mascate par le Prix du Sultan Qaboos 2025 dans la catégorie des institutions culturelles privées
  • Cette distinction prestigieuse célèbre l’excellence culturelle arabe et souligne le rôle d’Oman dans la promotion de la pensée, des arts et des lettres

MASCATE: Lors d’une cérémonie organisée dans la capitale omanaise, Mascate, Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a reçu le Prix du Sultan Qaboos pour les institutions culturelles privées.

Hatim Betioui, secrétaire général de la Fondation du Forum d’Asilah, a été distingué mercredi soir à Mascate par le Prix des institutions culturelles privées (catégorie Culture), à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix du Sultan Qaboos pour la culture, les arts et les lettres, dans sa douzième édition (2025). La cérémonie s’est tenue sous le patronage du Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, agissant par délégation de Sa Majesté le Sultan Haitham bin Tariq.

Lors de cette édition, le prix a également été attribué, aux côtés de la Fondation du Forum d’Asilah, à l’artiste égyptien Essam Mohammed Sayed Darwish dans le domaine de la sculpture (catégorie Arts), ainsi qu’à Hikmat Al-Sabbagh, connue sous le nom de Yumna Al-Eid, dans le domaine de l’autobiographie (catégorie Lettres).

Au cours de la cérémonie, Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences, a prononcé un discours dans lequel il a souligné le rôle et l’importance de ce prix, affirmant que cette célébration constitue une reconnaissance du mérite des lauréats, appelés à devenir des modèles d’engagement et de générosité intellectuelle.

Al-Riyami a également indiqué que l’extension géographique atteinte par le prix, ainsi que l’élargissement constant de la participation des créateurs arabes à chaque édition, résultent de la réputation dont il jouit et de la vision ambitieuse qui sous-tend son avenir. Il a mis en avant le soin apporté à la sélection des commissions de présélection et des jurys finaux, composés de personnalités académiques, artistiques et littéraires de haut niveau, spécialisées dans les domaines concernés, selon des critères rigoureux garantissant le choix de lauréats et d’œuvres prestigieux.

La cérémonie a également été marquée par la projection d’un film retraçant le parcours du prix lors de sa douzième édition, ainsi que par une prestation artistique du Centre omanais de musique.

En clôture de la cérémonie, le ministre des Awqaf et des Affaires religieuses a annoncé les domaines retenus pour la treizième édition du prix, qui sera exclusivement réservée aux candidats omanais. Elle portera sur : la culture (études sur la famille et l’enfance au Sultanat d’Oman), les arts (calligraphie arabe) et les lettres (nouvelle).

Il convient de rappeler que ce prix vise à rendre hommage aux intellectuels, artistes et écrivains pour leurs contributions au renouvellement de la pensée et à l’élévation de la sensibilité humaine, tout en mettant en valeur la contribution omanaise — passée, présente et future — à l’enrichissement de la civilisation humaine.

Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. Chaque lauréat de l’édition arabe reçoit la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres, assortie d’une dotation de 100 000 rials omanais. Pour l’édition omanaise, chaque lauréat reçoit la Médaille du mérite, accompagnée d’une dotation de 50 000 rials omanais.

Le prix a été institué par le décret royal n° 18/2011 du 27 février 2011, afin de reconnaître la production intellectuelle et cognitive et d’affirmer le rôle historique du Sultanat d’Oman dans l’ancrage de la conscience culturelle, considérée comme un pilier fondamental du progrès civilisationnel.


Art Basel Qatar dévoile les détails de sa première édition prévue en 2026

M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
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  • Art Basel Qatar lancera sa première édition en février 2026 à Doha, avec 87 galeries, 84 artistes et neuf commandes monumentales dans l’espace public
  • L’événement mettra fortement l’accent sur la région MENASA, autour du thème « Becoming », explorant transformation, identité et enjeux contemporains

DUBAÏ : Art Basel Qatar a révélé les premiers détails de sa toute première édition, qui se tiendra en février 2026, offrant un aperçu du secteur Galleries et de son programme Special Projects, déployé dans le quartier de Msheireb Downtown Doha.

Aux côtés des présentations de 87 galeries exposant les œuvres de 84 artistes, Art Basel Qatar proposera neuf commandes monumentales et in situ investissant les espaces publics et les lieux culturels de Msheireb. Conçus par le directeur artistique Wael Shawky, en collaboration avec le directeur artistique en chef d’Art Basel Vincenzo de Bellis, ces projets répondent au thème central de la foire : « Becoming » (« Devenir »).

Couvrant la sculpture, l’installation, la performance, le film et l’architecture, ces projets interrogent les notions de transformation — matérielle, sociale et politique — en abordant le changement environnemental, la migration, la mémoire et l’identité. Parmi les artistes participants figurent Abraham Cruzvillegas, Bruce Nauman, Hassan Khan, Khalil Rabah, Nalini Malani, Nour Jaouda, Rayyane Tabet, Sumayya Vally, ainsi que Sweat Variant (Okwui Okpokwasili et Peter Born). Parmi les temps forts annoncés : l’installation vidéo immersive en 3D de Bruce Nauman à M7, la projection monumentale en plein air de Nalini Malani sur la façade de M7, et le majlis évolutif imaginé par Sumayya Vally, conçu comme un espace vivant de rencontre et de dialogue.

Le secteur Galleries réunira des exposants issus de 31 pays et territoires, dont 16 galeries participant pour la première fois à Art Basel. Plus de la moitié des artistes présentés sont originaires de la région MENASA, confirmant l’ancrage régional de la foire. Les présentations iront de figures majeures telles que Etel Adnan, Hassan Sharif et MARWAN à des voix contemporaines comme Ali Cherri, Ahmed Mater, Sophia Al-Maria et Shirin Neshat.

Des galeries de l’ensemble de la région seront représentées, y compris celles disposant d’antennes dans les États du Golfe, notamment au Qatar, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite.

Le Moyen-Orient élargi et l’Asie seront également présents, avec des galeries venues du Liban, de Turquie, d’Égypte, du Maroc, de Tunisie et d’Inde.

Art Basel Qatar se tiendra du 5 au 7 février 2026, à M7, dans le Doha Design District et dans plusieurs autres lieux de Msheireb Downtown Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com