Clash des cultures entre Twitter et Musk

Fin 2021, il a déménagé le siège de son fleuron au Texas, État majoritairement républicain aux politiques conservatrices  (Photo, AFP).
Fin 2021, il a déménagé le siège de son fleuron au Texas, État majoritairement républicain aux politiques conservatrices (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 23 novembre 2022

Clash des cultures entre Twitter et Musk

  • Pour beaucoup dans la Silicon Valley, «être viré par Elon est devenu une distinction honorifique»
  • «La culture de Twitter est beaucoup plus sobre, avec une vision plus progressiste et sociale»

SAN FRANCISCO: Tout le monde s'attendait à un clash et personne n'a été déçu: l'acquisition de Twitter par Elon Musk a mis au jour le fossé entre la culture de l'entreprise de San Francisco et les méthodes du patron multimilliardaire de Tesla.

"J'ai l'impression que Musk aime beaucoup l'humanité, mais pas beaucoup les humains", commente Emmanuel Cornet, ingénieur informatique qui fut parmi les premiers congédiés du réseau social dans la foulée de l'acquisition du 27 octobre.

Avant, il faisait partie des nombreux salariés sincèrement curieux de voir à l'œuvre l'entrepreneur à succès, malgré sa propension aux provocations qui ravissent ses nombreux fans.

"Je pense qu'on avait des œillères. La plupart des employés ont essayé de lui donner le bénéfice du doute le plus longtemps possible, aussi parce que trouver un autre boulot, ce n'est pas forcément facile", résume-t-il.

Mais Elon Musk, au-delà des grands sourires et des déclarations enthousiastes, a été fidèle à sa réputation.

Il a licencié la moitié des 7.500 employés du groupe avec une froideur rare, même pour les États-Unis, remercié des cadres et ingénieurs en désaccord avec lui, et enfin imposé un ultimatum : travailler "à fond, inconditionnellement" ou prendre la porte.

Des centaines de personnes ont choisi la seconde option.

"Il se conduit comme une petite brute de cour de récré. Toute critique de ses déclarations largement inexactes sur la technologie valent un renvoi immédiat", remarque Sarah Roberts, professeure spécialiste des réseaux sociaux à l'université UCLA.

«Pas de quartier»

Emmanuel Cornet a été particulièrement choqué par le manque de "respect" de l'homme le plus riche du monde: "Sur le long terme, objectivement, il semble essayer d'aider la planète, avec les voitures électriques, notamment. (...) Mais les gens autour de lui semblent jetables."

Elon Musk "a ce côté fanfaron, bravache. C'est l'entrepreneur culotté, qui ne fait pas de quartier, et qui fabrique des fusées et des voitures qui impressionnent les gens. La culture de Twitter est beaucoup plus sobre, avec une vision plus progressiste et sociale", souligne John Wihbey, professeur spécialiste des médias à la Northeastern University.

L'entrepreneur libertaire a longtemps eu des atomes crochus avec la Silicon Valley, où il a cofondé Tesla.

Mais il a depuis renié la Californie démocrate, s'insurgeant contre les restrictions sanitaires pendant la pandémie et les accusations de "ségrégation raciale" contre son usine.

Fin 2021, il a déménagé le siège de son fleuron au Texas, État majoritairement républicain aux politiques conservatrices.

Twitter a été fondé par l'emblématique Jack Dorsey, "qui a tout du gourou zen en quête de spiritualité", rappelle John Wihbey.

Les employés du réseau des gazouillis étaient "fiers d'y travailler", ajoute-t-il. "Ils croyaient en ce qu'ils faisaient."

Emmanuel Cornet a travaillé 14 ans chez Google avant d'aller chez Twitter, deux groupes qui, au moment de son choix, ne semblaient pas "obsédés par les profits".

"Le sens de la communauté chez Twitter est suffisamment fort pour continuer après" les licenciements, s'émerveille-t-il.

«Distinction honorifique»

Les ex-"tweeps" -- façon dont se décrivent les employés du réseau social -- ont écrit des messages d'adieu sur la plateforme avec plein de cœurs, et ont ensuite créé des groupes sur Discord ou Signal pour se soutenir.

Beaucoup ont expliqué être d'accord pour travailler dur, mais pas juste pour des promesses grandiloquentes ("bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire"), à la merci de décisions abruptes.

Après l'ultimatum de jeudi, des dizaines d'entre eux se sont retrouvés dans un salon audio de la plateforme pour évoquer des souvenirs pleins de nostalgie, sans jamais critiquer ceux qui ont choisi de rester.

Interrogé lors d'une réunion par un salarié sur le risque de perdre du personnel, Elon Musk a répondu qu'il n'avait pas de "bonne réponse". "Je peux vous dire ce qui marche chez Tesla: être présent physiquement au bureau et se donner à fond", a-t-il ajouté.

Le fantasque dirigeant, qui abhorre le télétravail -- très prisé des ingénieurs informatiques -- adore raconter comment il dormait sur place, chez Tesla, quand sa société était "au bord de la faillite".

"Chez Neuralink ou Tesla, il a pu mener la vie dure aux employés parce qu'ils sont dévoués à la cause, ils travaillent sur des technologies de pointe. Il y a une vision", explique Jeffrey Sonnenfeld, professeur à l'université Yale.

Chez Twitter, en revanche, entre les licenciements massifs, la culture de la coercition et ses "caprices", il n'est probablement pas en train de fédérer le personnel autour d'une culture créative, précise ce spécialiste de la gouvernance d'entreprises.

Selon Sarah Roberts, pour beaucoup dans la Silicon Valley, "être viré par Elon (Musk) est devenu une distinction honorifique".


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.