Jérôme Bonnafont: un diplomate doit être à la fois «fêlé et constant»

L'ambassadeur de France auprès des Nations Unies à Genève, Jérôme Bonnafont, assiste à la journée d'ouverture de la 51e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU dans les bureaux de l'ONU à Genève, le 12 septembre 2022. (AFP).
L'ambassadeur de France auprès des Nations Unies à Genève, Jérôme Bonnafont, assiste à la journée d'ouverture de la 51e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU dans les bureaux de l'ONU à Genève, le 12 septembre 2022. (AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 25 novembre 2022

Jérôme Bonnafont: un diplomate doit être à la fois «fêlé et constant»

  • Diplomate, pour quoi faire? C’est le titre du livre du représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève, Jérôme Bonnafont
  • Alors qu’une grande majorité de diplomates s’insurgent contre la disparition de leur corps spécifique, Bonnafont livre un plaidoyer passionné en faveur de ce métier

PARIS: Diplomate, pour quoi faire? C’est le titre du livre du représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève, Jérôme Bonnafont. Un ouvrage d’une grande pertinence. 

Au moment où le corps diplomatique français est sur le point de vivre son plus grand chamboulement après la réforme préconisée par le président Emmanuel Macron, la question est plus que jamais d’actualité. 

À quoi sert un diplomate? Quels sont les ressorts et les ficelles de ce métier qui fascine, mais qui fait néanmoins l’objet de beaucoup de préjugés? De quoi est fait le quotidien d’un diplomate en poste à l’étranger? Quels sont les aptitudes personnelles et les impératifs objectifs inhérents à ce métier? 

Toutes ces questions et bien d’autres sont abordées dans l’ouvrage de Bonnafont dans un style pédagogique, mais fluide – ludique, et parfois empreint d’une certaine poésie. 

Le corps diplomatique français éprouve une forme de crispation en raison de cette réforme qui, ouvrant cette profession à tous les profils, va lui donner une nouvelle entité. Alors qu’une grande majorité de diplomates s’insurgent contre la disparition de leur corps spécifique, Bonnafont livre un plaidoyer passionné en faveur de ce métier auquel il a consacré sa vie. 

Diplomate de carrière depuis 1986, il a occupé de nombreux postes, de New Delhi à New York en passant par Koweït, et il a assumé plusieurs hautes fonctions. En particulier, il a été le porte-parole du président Jacques Chirac et a dirigé le département Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères. 

Fort d’une expérience qu’il a forgée avec dévouement et panache, il a écrit ce livre qui s’adresse à tous ceux qui s’intéressent aux questions diplomatiques et, plus précisément, aux jeunes qui veulent embrasser une telle carrière. 

Il donne ainsi l’image d’un métier passionnant aux multiples facettes et évoque une expérience qui ne cesse de s’enrichir au fil des postes, des contacts et des échanges. 

Durant un échange avec Arab News en français, M. Bonnafont assure que «le métier ne disparaîtra pas» dans la mesure où «l’État aura toujours besoin d’une fonction diplomatique». La réforme, selon lui, «ne supprime pas le métier, elle modifie ses conditions d’exercice». 

«Je n’ai pas écrit un livre de circonstance», se défend-il, mais un livre qui met en lumière «ce qu’il y a de permanent et de changeant dans la vie de diplomates». 

Il est parti d’un constat exprimé dans son livre: «Pour se forger un regard sur le monde, un État doit irriguer la planète d’agents compétents et formés.» 

Bonnafont brosse un portrait du diplomate qui tient du caméléon. Selon lui, il doit être à la fois «fêlé et constant» pour assurer les impératifs de son emploi. Surtout, il lui faut être prêt sur le plan mental à supporter les déplacements successifs d’un pays à l’autre. En effet, il doit pouvoir assimiler le changement de réalité et de conditions qu’impliquent tous ses déplacements, dont certains se font au détriment de sa stabilité familiale. 

«Aller vers l’autre» 

Le diplomate doit savoir cultiver l’art de la conformité et de la différence, se conformer aux impératifs sociaux d’un pays tout en restant soi-même ainsi qu’«aller vers l’autre» pour installer une relation de travail et d’échange. 

Il doit en outre savoir représenter et recevoir en gardant à tout instant à l’esprit la nécessité de mettre en avant le pays qu’il représente, ses intérêts, ses valeurs, son drapeau. 

Dans le métier de représentation, indique-t-il dans son livre, «tout est théâtre, tout est calcul, tout a un sens». 

Il faut par ailleurs que le diplomate soit aguerri à l’art de la négociation et qu’il l’adapte en fonction de la nature de la partie adverse, qui peut être parfois un tyran ou une personne qui fait de la force le fondement de son pouvoir. 

C’est pour ces raisons qu’un diplomate est souvent un fin stratège capable d’aller à une bataille «tout en sachant que le but ultime de son action est de parvenir à une solution par la négociation». 

Il doit être en mesure d’affronter, de se montrer ferme, parfois d’esquiver, de se dérober ou de montrer de l’audace, et de pratiquer l’art du retournement de situation. 

Bien qu’excessivement sérieux, le récit n’est entaché d’aucune lourdeur, bien au contraire. Une forme de légèreté domine, ainsi qu’un brin d’humour, même quand l’auteur s’attaque au portrait de personnages tels que l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright ou l’actuel ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. 

Ce texte foisonnant présente un glossaire pour familiariser les néophytes au jargon diplomatique et entraîne son lecteur dans les méandres du Quai d’Orsay, de différentes directions spécialisées ou d’institutions internationales telles que le Conseil de sécurité de l’ONU. 

En ce qui concerne l’évolution du métier, Bonnafont rappelle que, depuis la dernière décennie, l’action diplomatique n’est plus circonscrite à l’association des diplomates et des militaires. En effet, après le changement climatique, les crises sanitaires et l’émergence du terrorisme mondial, des binômes se sont créés avec des spécialistes de l’environnement, avec des médecins ou avec des spécialistes de l’antiterrorisme. 

Au passage, Bonnafont ne cache pas sa satisfaction vis-à-vis de l’évolution, lente mais réelle, de la parité femmes-hommes au sein de son ministère, soulignant que cette dernière commence à s’appliquer dès le concours d’admission. 

De même, il tord le cou à ce cliché du diplomate installé confortablement dans sa résidence, assurant dans le livre qu’il est souvent «confronté au plus brutal de l’existence» comme l’oppression, la misère ou la guerre. 

Bonnafont se montre en tout cas confiant: diplomate est toujours un métier d’avenir. «Aussi longtemps que l’humanité sera composée de peuples et que ces peuples parleront des langues différentes et seront séparés par des frontières, des guerriers combattront et des diplomates échangeront», écrit-il ainsi. 


Macron et Xi dans les Pyrénées pour une escapade «personnelle»

Le président chinois Xi Jinping est accueilli par le président français Emmanuel Macron et son épouse Brigitte à son arrivée à l'aéroport de Tarbes (Photo, AFP).
Le président chinois Xi Jinping est accueilli par le président français Emmanuel Macron et son épouse Brigitte à son arrivée à l'aéroport de Tarbes (Photo, AFP).
Short Url
  • L'étape pyrénéenne pourrait, dans l'esprit de la délégation française, favoriser «un échange franc et amical»
  • Ce coin de montagne est «directement lié à l'histoire très personnelle» d'Emmanuel Macron, explique son entourage

 

TARBES: Après les ors de l'Elysée, la neige des cimes: Emmanuel Macron et Xi Jinping sont arrivés mardi dans les Pyrénées au second jour de la visite d'Etat du président chinois, pour une escapade "personnelle" censée permettre un dialogue plus direct sur la guerre en Ukraine ou les désaccords commerciaux.

"Nos montagnes françaises", "j'espère, continueront de nous inspirer", a lancé lundi, lyrique, le président français en accueillant son homologue chinois à Paris pour la première fois depuis 2019. Il a dit s'attendre, dans les Hautes-Pyrénées, à des "discussions fructueuses et amicales".

L'avion du chef de l'Etat et celui du président chinois ont atterri à Tarbes en fin de matinée, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les deux dirigeants sont attendus au col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France, où la météo est encore hivernale même si la saison est finie à la station de ski de La Mongie.

Une centaine de personnes sont venues apporter leur soutien au dirigeant chinois et des dizaines de drapeaux rouges aux cinq étoiles jaunes coloraient les abords de la route menant au col, dans la commune de Sainte-Marie-de-Campan.

"C'est vraiment étrange de voir ça ici", sourit Jean-Michel Garem, un villageois retraité.

Emmanuel Macron et Xi Jinping, accompagnés de leurs épouses, déjeuneront dans le restaurant d'altitude d'Eric Abadie, éleveur et ami du président français. Une sorte de réponse à la cérémonie du thé qu'ils avaient partagée l'an dernier à Canton dans la résidence officielle où le père du président chinois avait vécu quand il était gouverneur de la province du Guangdong.

Un cadre qui contraste avec celui du palais présidentiel où, entre un accueil en grande pompe et un banquet fastueux, ils n'ont pas cherché à dissimuler les différends sur le commerce entre l'Europe et la Chine.

Emmanuel Macron a appelé à un "cadre de concurrence loyale", se félicitant à l'issue des discussions d'avoir préservé le cognac français de la menace de taxes douanières chinoises "provisoires".

Conviée pour afficher un front continental uni, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a prévenu que l'Union européenne prendrait "des décisions fermes" pour "protéger son économie", dénonçant l'afflux de véhicules électriques chinois massivement subventionnés.

"Le soi-disant +problème de la surcapacité de la Chine+ n'existe pas", leur a répondu sèchement Xi Jinping.

Sur l'Ukraine, il s'est voulu plus consensuel, réaffirmant sa volonté d'œuvrer à une solution politique.

Et il a apporté son soutien à une "trêve olympique" à l'occasion des Jeux de Paris cet été, poussée également par Emmanuel Macron. Selon une source diplomatique française, cette trêve pourrait servir, s'agissant de l'Ukraine, à enclencher un processus plus politique après plus de deux ans de conflit.

Mais Paris, qui insiste depuis un an pour que Pékin fasse pression sur la Russie pour contribuer à mettre fin à la guerre, se veut "lucide" sur les chances limitées d'une percée rapide. D'autant que le président chinois reste le principal allié de son homologue russe Vladimir Poutine, qu'il doit recevoir prochainement.

Séduction 

L'étape pyrénéenne pourrait, dans l'esprit de la délégation française, favoriser "un échange franc et amical" sur ces sujets épineux. L'idée est de casser l'imposant protocole qui accompagne le moindre déplacement du numéro un chinois.

Ce coin de montagne est "directement lié à l'histoire très personnelle" d'Emmanuel Macron, explique son entourage. Celui qui fête mardi les 7 ans de sa première élection, a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnères-de-Bigorre et La Mongie avec ses grands-parents auxquels il était très attaché.

"La diplomatie d'Emmanuel Macron a toujours misé, de manière peut-être excessive, sur le pouvoir de séduction", analyse Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales à Sciences Po. "Il y a toujours eu chez lui l'idée que ses relations personnelles pouvaient renverser les structures", ajoute-t-il.

Le cadre intimiste du Tourmalet participe de cette volonté.

"Mais c'est mal connaître Xi Jinping qui n'est pas vraiment un grand sentimental", prévient le chercheur.

Le candidat des socialistes aux élections européennes de juin Raphaël Glucksmann a dénoncé la "tonalité amicale" de cette visite officielle. "L'homme qui déporte les Ouïghours, qui réprime les Hongkongais et les Tibétains n'est pas notre ami", a-t-il déclaré sur RTL.

Son adversaire de droite François-Xavier Bellamy (Les Républicains) a également pointé sur LCI les "ingérences" de Pékin et sa "stratégie agressive pour mettre à terre notre économie". La tête de liste macroniste Valérie Hayer a néanmoins défendu la volonté du chef de l'Etat de parler à son homologue chinois, souhaitant sur France 2 "un dialogue direct et franc sur l'ensemble des sujets".

Le politiste Bertrand Badie acquiesce: avec la Chine de Xi Jinping, "il y a un vrai travail à faire" car personne, jusqu'ici, "n'a trouvé la clé des relations euro-chinoises".


Affaire Meurice et remous à France Inter: appel à la grève dimanche à Radio France

Le 3 mai, dans la foulée de l'affaire Meurice, les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter avaient dénoncé "un virage éditorial" de la première radio de France  (Photo, AFP).
Le 3 mai, dans la foulée de l'affaire Meurice, les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter avaient dénoncé "un virage éditorial" de la première radio de France (Photo, AFP).
Short Url
  • L'humoriste en a été suspendu le 2 mai dans l'attente d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, quatre jours après avoir réitéré ses propos polémiques sur Benjamin Netanyahu
  • Il avait comparé le Premier ministre israélien à une «sorte de nazi mais sans prépuce»

 

PARIS: Les syndicats de Radio France ont appelé à faire grève dimanche pour protester contre "la répression de l'insolence et de l'humour" après la suspension de Guillaume Meurice, ainsi que contre "des menaces" qui pèsent sur certaines émissions de France Inter.

Six syndicats (CGT, CFDT, FO, SNJ, SUD, Unsa) ont déposé lundi soir un préavis de grève pour dimanche de 00h00 à minuit. C'est le jour où est diffusée l'émission hebdomadaire de Charline Vanhoenacker, à laquelle participe d'ordinaire Guillaume Meurice.

L'humoriste en a été suspendu le 2 mai dans l'attente d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, quatre jours après avoir réitéré ses propos polémiques sur Benjamin Netanyahu tenus fin octobre.

Il avait comparé le Premier ministre israélien à une "sorte de nazi mais sans prépuce", ce qui lui avait valu des accusations d'antisémitisme et une plainte, récemment classée sans suite.

Dans leur préavis de grève, les syndicats demandent à la direction du groupe public "la fin de la répression de l'insolence et de l'humour" et "la réaffirmation sans limites de la liberté d'expression" sur ses antennes.

Menaces 

Plus largement, les syndicats s'inquiètent des "menaces" qui pèsent selon eux "sur des émissions populaires et singulières", en particulier sur France Inter.

Le 3 mai, dans la foulée de l'affaire Meurice, les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter avaient dénoncé "un virage éditorial" de la première radio de France. Elles assuraient notamment avoir appris le remplacement prochain de l'émission sur l'environnement "La terre au carré".

Les syndicats accusent la direction de Radio France de mener "une politique de casse sociale sur les antennes" alors qu'un "projet de réforme de l'audiovisuel public va être discuté prochainement à l'Assemblée nationale".

Projet de la ministre de la Culture Rachida Dati, la mise en place d'une gouvernance unique pour l'audiovisuel public (dont France Télévisions et Radio France) sera examinée les 23 et 24 mai dans l'hémicycle.

Les syndicats fustigent enfin "une campagne de dénigrement et de calomnies orchestrée par des partis politiques, organisations ou personnalités franchement hostiles au service public de la radio". Ce dernier est fréquemment accusé par des personnalités de droite de pencher nettement à gauche.


L'entrée des locaux historiques de Sciences Po Paris à nouveau bloquée

Des gendarmes français évacuent des manifestants qui organisent un sit-in pro-Gaza dans le hall d'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) à Paris, le 3 mai 2024. (Photo Miguel Medina AFP)
Des gendarmes français évacuent des manifestants qui organisent un sit-in pro-Gaza dans le hall d'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) à Paris, le 3 mai 2024. (Photo Miguel Medina AFP)
Short Url
  • Une vingtaine d'étudiants sont présents dans la rue, certains arborant des masques sanitaires ou des keffiehs dissimulant une partie de leur visage
  • Les cours sont terminés depuis vendredi au sein de cet établissement d'enseignement supérieur souvent assimilé à une pouponnière des élites

PARIS : L'entrée des locaux historiques de Sciences Po Paris est bloquée mardi matin par des étudiants mobilisés en faveur des Palestiniens, a constaté une journaliste de l'AFP.

Des poubelles, mobilier urbain, vélos en libre service, obstruaient l'entrée du bâtiment situé au 27 rue Saint-Guillaume, un quartier huppé de la capitale.

Une vingtaine d'étudiants sont présents dans la rue, certains arborant des masques sanitaires ou des keffiehs dissimulant une partie de leur visage. Des policiers sont positionnés à proximité.

«On se mobilise avec ces moyens non conventionnels car on pense qu’on n’a plus d’autres choix, on a essayé les mails, les discussions. On est en période d’examen, on est tous fatigués», a déclaré à l'AFP une étudiante en première année qui n'a pas souhaité dévoiler son identité.

Cette jeune femme justifie le blocage par les mêmes revendications qui agitent les campus de Sciences Po Paris depuis plusieurs semaines, notamment une enquête sur les partenariats avec des universités israéliennes et «l'arrêt de la répression des étudiants mobilisés et des sanctions».

Elle affirme que 10 étudiants poursuivent une grève de la faim entamée vendredi après une évacuation de ces mêmes locaux par les forces de l'ordre.

Contactée la direction de Sciences-Po n'a pas répondu à ce stade.

Les cours sont terminés depuis vendredi au sein de cet établissement d'enseignement supérieur souvent assimilé à une pouponnière des élites.

Les étudiants en examens peuvent rentrer par une porte annexe, a constaté une journaliste de l'AFP.