Le régime iranien est déjà moralement vaincu

Sous le slogan «Femmes, vie, liberté», les Iraniens font d’énormes sacrifices dans leur lutte contre la tyrannie (Photo, AFP).
Sous le slogan «Femmes, vie, liberté», les Iraniens font d’énormes sacrifices dans leur lutte contre la tyrannie (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 01 décembre 2022

Le régime iranien est déjà moralement vaincu

Le régime iranien est déjà moralement vaincu
  • D’inébranlables fidèles au régime ont réalisé que celui-ci était sur la voie du désastre
  • La nièce de Khamenei a dénoncé le régime à la suite de sa propre arrestation, et a appelé les gouvernements étrangers à rompre tout lien avec Téhéran

Les dirigeants iraniens sont certes confrontés à des défis existentiels dans leur pays, mais l'ayatollah Ali Khamenei continue de s’activer depuis quelques jours à l’exportation de la révolution à l'étranger. Il s'est vanté de la façon dont Téhéran avait réussi à établir une «forte présence» en Irak, en Syrie et au Liban, affirmant que son régime théocratique avait «transformé le cœur des nations voisines».
Mais où sont tous ces prétendus «cœurs transformés» en Irak, en Syrie et au Liban? Les chiites de ces pays sont horrifiés par le carnage en Iran, tout comme ils sont secoués par la façon dont Téhéran a transformé leurs pays autrefois florissants en États en faillite. Les chaînes de télévision pro-iraniennes comme Al-Manar s’y sont associées de manière défensive, s’enferrant à expliquer pourquoi des jeunes femmes pleines de vie comme Nika Shakarami, Sarina Esmailzadeh et Mahsa Amini ont fini par mourir. Le soutien de l’étranger à cette violente répression a été remarquablement absent.
Il y a peu encore, les sunnites et les chiites de toute la région s’entre-déchiraient, phénomène dû en grande partie à l'ingérence iranienne. Pourtant, dans des pays comme le Liban, l'Irak et Bahreïn, on a de plus en plus l'impression qu'une nouvelle dynamique est en jeu, rassemblant diverses confessions pour soutenir une plus grande unité et une plus profonde identité nationale – et s'opposer ainsi à une ingérence étrangère hostile. L’exportation de la révolution iranienne n'est plus demandée.
Le Corps des gardiens de la révolution islamique est effectivement en état de guerre avec le Kurdistan irakien, après avoir tiré des centaines de missiles et de drones sur les zones kurdes et menacé de lancer une invasion terrestre. Les larbins de l’Iran au sein du gouvernement irakien ont encore attisé les tensions en exigeant des mesures contre les groupes kurdes iraniens dans le nord du pays, bien que ces groupes n'aient joué aucun rôle important dans le soulèvement. Le déploiement de troupes irakiennes aux frontières pour se défendre contre leur voisin dominateur – qui prétend sans cesse agir pour la défense des chiites irakiens – relève de l’ironie.
L'Iran a par ailleurs cherché à déstabiliser la Géorgie et l'Azerbaïdjan voisins. Cela inclut des actions visant à mobiliser les Azéris chiites dans ces États. Les journalistes et experts locaux ont mis en garde contre la mise en place d'institutions théologiques et économiques qui constituent clairement des véhicules d'espionnage et de subversion. Le chef du Groupe d'amitié interparlementaire Azerbaïdjan-Géorgie, le député Arzu Nagiyev, a averti que l'Iran cherchait à déclencher un conflit confessionnel.


«La communauté internationale doit aider les Iraniens qui souffrent depuis longtemps à faire en sorte que ce régime soit supprimé dans son intégralité»
Baria Alamuddin


Alors que les drones et les missiles iraniens font actuellement ravage dans toute l'Ukraine, cette théocratie démente est décidée à faire la guerre au monde entier. Ces derniers jours, le commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique, Hossein Salami, a affirmé que «cette grande insurrection et cette guerre mondiale seront transformées en un cimetière pour nos ennemis», tout en qualifiant les manifestants de «mécréants» et annonçant contre eux une riposte militaire.
On a appris la semaine dernière que l'Iran se lançait dans l’expansion substantielle de ses activités nucléaires et qu’il commencerait à enrichir de l'uranium à 60% sur le site nucléaire de Fordow, après avoir déjà mené de telles activités à Natanz. Cette démarche n'a aucun objectif pacifique concevable. Les ayatollahs ont l'intention d'utiliser cet uranium hautement enrichi dans des ogives qui, selon eux, seront bientôt pointées sur les pays de la région et l'Occident. Allons-nous nous contenter de les observer passivement – comme avec la Corée du Nord – tandis qu’ils franchissent ce seuil pour devenir une puissance nucléaire militaire?
Khamenei a ensuite félicité la milice Basij pour avoir «protégé» l'Iran contre les «émeutiers» et les «voyous». Il a ajouté: «La présence des forces de Basij montre que la Révolution islamique est bien vivante.» Les membres de Basij dont Khamenei est si fier sont complices du recours systématique au viol et à la torture des jeunes femmes et hommes en détention. Près de 150 spécialistes de la vue ont signé la semaine dernière une lettre mettant en garde un grand nombre de manifestants qui avaient perdu l’usage de leurs yeux à cause des balles réelles utilisées par les francs-tireurs. Même la nièce de Khamenei, Farideh Moradkhani, a maintenant dénoncé ce régime «meurtrier et tueur d'enfants» à la suite de sa propre arrestation, et a appelé les gouvernements étrangers à rompre tout liens avec Téhéran.
Une autre pratique scandaleusement répandue consiste à entasser des manifestants dans des ambulances remplies de membres du Corps des gardiens de la révolution islamique prêts à les tabasser avant de les arrêter. Cette pratique présente un parallèle troublant avec la façon dont les milices pro-iraniennes, au plus fort de l'effusion de sang sectaire de 2006, avaient exploité leur contrôle du ministère irakien de la Santé pour prêter des ambulances aux escadrons de la mort chiites, qui avaient utilisé ces véhicules pour enlever et assassiner sauvagement des milliers de civils sunnites.
Même d’inébranlables fidèles au régime ont réalisé que celui-ci était sur la voie du désastre. Plusieurs de ces personnalités sont intervenues, fait rarissime, auprès de Khamenei. Les hauts responsables Ali et Amoli Larijani ont rappelé à Khamenei de façon manifeste que lorsque le Shah avait tenté de réprimer violemment les manifestations de 1978, cela avait provoqué la fin de la monarchie. Khamenei aurait rétorqué que ceux qui s'opposaient à lui méritaient d'être exécutés pour servir d'exemple aux autres.
Lors du récent dialogue de Manama, de hauts responsables occidentaux ont exprimé leur inquiétude quant au fait que si le régime tombait, tout ce qui suivrait pourrait être pire, évoquant notamment le scénario d'une guerre civile totale. Si les mollahs étaient expulsés, le scénario le plus probable serait une tentative de prise de contrôle militaire par le Corps des gardiens de la révolution islamique. À l’instar des événements au Soudan et en Algérie après 2019, les militaires pourraient se croire capables de résister en se débarrassant de certains dirigeants civils, tout en continuant à exercer le pouvoir d'une main de fer. Quoi qu’il en soit, le régime évolue depuis longtemps vers une situation où les Gardiens de la révolution contrôlent tous les principaux centres du pouvoir, y compris leur domination sur de vastes conglomérats économiques.
La communauté internationale doit aider les Iraniens qui souffrent depuis longtemps à faire en sorte que ce régime soit supprimé dans son intégralité, et qu'ils ne passent pas d'une théocratie corrompue à une dictature militaire. Cela nécessite des engagements à long terme pour soutenir les Iraniens dans la mise en place d'institutions et la démilitarisation de leur pays, afin que l'immense réseau paramilitaire du Corps des gardiens de la révolution islamique ne constitue plus une menace pour l'Iran ou ses voisins.
Sous le slogan «Femmes, vie, liberté», les Iraniens font des sacrifices inimaginables dans leur lutte contre la tyrannie. Il est temps que les dirigeants du monde réalisent que des sacrifices et un engagement important de leur part seront nécessaires si nous voulons vraiment nous débarrasser d'un régime terroriste qui excelle dans les crimes contre l'humanité et qui brandit la menace d'un anéantissement balistique, paramilitaire et nucléaire.
Entièrement dépendant des pratiques de torture, de viol et de meurtre pour contrôler ses citoyens aujourd’hui, ce régime est déjà moralement vaincu. Il doit maintenant être complètement démantelé, de haut en bas.


Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com