Arabie saoudite - Zanzibar: De nombreuses priorités de développement en commun

Le Président de Zanzibar, Hussein Ali Mwinyi (Photo, Fournie).
Le Président de Zanzibar, Hussein Ali Mwinyi (Photo, Fournie).
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Publié le Samedi 03 décembre 2022

Arabie saoudite - Zanzibar: De nombreuses priorités de développement en commun

  • Les deux pays ont des points communs dans le domaine du tourisme et de la diversification économique, déclare le dirigeant de la province tanzanienne
  • Selon Mwinyi, la durabilité, le patrimoine, les énergies renouvelables et l'agriculture sont des domaines de coopération potentiels

LA MECQUE: L'Arabie saoudite et Zanzibar ont de nombreuses priorités en commun concernant la diversification économique et les investissements dans le tourisme, les énergies renouvelables et l'agriculture, selon Hussein Ali Mwinyi, président de la province tanzanienne semi-autonome, au large des côtes d'Afrique de l'Est.

Dans une interview exclusive accordée à Arab News, à La Mecque mercredi, où il a accompli la Omra lors d'une visite au Royaume, Mwinyi a déclaré que l'Arabie saoudite et Zanzibar partagent un certain nombre d’intérêts concernant le tourisme durable et la promotion des sites du patrimoine.

«À Zanzibar, nous avons deux principaux types de tourisme», a indiqué Mwinyi. «Nous avons le tourisme de plage, parce que c'est une île avec des plages de sable. Mais nous avons aussi des villes anciennes, comme Stone Town, un site inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce sont des points communs sur lesquels nous pouvons apprendre les uns des autres.»

«Mais nous avons aussi des différences. Par exemple, on me dit que le Royaume d'Arabie saoudite accueille un bon nombre de touristes qui viennent pour le tourisme sportif, comme la Formule 1 et autres. Ce sont donc des choses que nous pouvons apprendre de notre expérience ici.»

Cet archipel tropical de l'océan Indien est un véritable carrefour d'influences culturelles, où l'Afrique rencontre l'histoire arabe et les saveurs indiennes. Les légendaires «îles aux épices» sont synonymes de production abondante de clous de girofle, de noix de muscade, de poivre et de cannelle. 

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Rama, un professeur de kite surf, surfe sur la plage de Paje, à Zanzibar. En haute saison, les plages de Zanzibar attirent des milliers de personnes pour la pratique du kite surf, ce qui favorise l’économie des entreprises locales (Photo, AFP).

Zanzibar s'est uni au Tanganyika en 1964 pour former la République unie de Tanzanie, mais possède une culture, un patrimoine et une géographie distincts du continent. Elle poursuit également une stratégie de diversification économique qui tient compte de ses avantages géographiques et de ses atouts multiculturels.

L'économie de Zanzibar a traditionnellement été soutenue par le tourisme. Les visiteurs des pays plus froids sont attirés par son climat tropical qui dure toute l'année, ses superbes plages de sable blanc et ses nombreux sites culturels et patrimoniaux. 

Cependant, comme de nombreuses pays et régions qui dépendent du tourisme, l'économie de Zanzibar a souffert des périodes de confinement et des interdictions de voyage pendant la pandémie de la Covid-19. Cela a mis en évidence la nécessité de reconstruire l'industrie du tourisme tout en diversifiant l'économie à travers d'autres industries plus résistantes aux chocs.

«Le pilier de l'économie de Zanzibar dépend beaucoup du tourisme», a affirmé Mwinyi, qui a assisté au 22e sommet mondial du Conseil mondial du voyage et du tourisme à Riyad cette semaine. «Le tourisme contribue à environ 30% de notre PIB.»

«Nous sommes impatients de développer le secteur après la pandémie et, heureusement, les chiffres reviennent. Nous sommes presque revenus aux chiffres d'avant la pandémie et nous espérons avoir plus de visiteurs qu'avant la pandémie.»

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Un touriste plonge sur le récif de Matemwe. Les eaux limpides et les récifs animés de Zanzibar attirent les touristes de plongée sous-marine du monde entier (Photo, AFP).

Le secteur du tourisme en Arabie saoudite connaît lui aussi un boom postpandémique. Les investissements du Royaume dans les domaines des loisirs et de l'hôtellerie ont permis de créer des milliers d'emplois et de mettre le pays en bonne voie de manière à devenir une destination mondiale accueillant 100 millions de visiteurs par an d'ici 2030.

Les données publiées par l'Autorité saoudienne du tourisme montrent que le Royaume avait déjà reçu 62 millions de visiteurs touristiques à la fin du mois d'août de cette année, ce qui le place en bonne voie pour atteindre, voire dépasser, son objectif d'ici la fin de la décennie. 

Le tourisme patrimonial constitue un élément majeur de la stratégie du Royaume. Les projets des terrasses d’At-Turaif et de Bujairi de l’Autorité de développement de Diriyah Gate ont été officiellement dévoilés lundi, lors d'un gala organisé dans le cadre du sommet mondial du Conseil mondial du voyage et du tourisme.

Zanzibar fait également la promotion de ses sites patrimoniaux. Stone Town, sa capitale administrative, présente une architecture particulière, datant pour la plupart du 19e siècle et reflétant la culture swahilie autochtone et un mélange unique d'influences arabes, perses, indiennes et européennes. Pour cette raison, la ville a été inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco en 2000.

Cependant, la Covid-19 n'est pas la seule menace à laquelle est confrontée l'industrie du tourisme. Le changement climatique entraîne une élévation du niveau des mers, une augmentation de la fréquence et de la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes et une détérioration des habitats terrestres et océaniques, en particulier dans les régions insulaires de faible altitude. 

Lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27), qui s'est tenue le mois dernier dans la station balnéaire égyptienne de Charm al-Cheikh, les délégués des pays vulnérables au changement climatique ont appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts afin de les aider à atténuer les effets du réchauffement planétaire.

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Dago Roots (à droite) se produit avec d'autres artistes lors du festival international de musique africaine «Sauti za Busara» au Vieux Fort de Stone Town (Photo, AFP).

Plusieurs gouvernements, dont celui de Zanzibar, ont reconnu l'urgence de rendre leur économie plus durable, plus résiliente et plus diversifiée et d'accélérer la transition vers les sources d'énergie renouvelables. 

«Heureusement, nous n'avons pas été tellement touchés par le changement climatique, mais nous en atténuons les effets grâce aux politiques spécifiques qui ont été mises en place», a assuré Mwinyi. 

«Par exemple, le tourisme dont nous parlons à Zanzibar est un tourisme à haute valeur ajoutée et à faible volume. Nous voulons donc un tourisme de qualité, peu nombreux mais de grande qualité, par opposition au tourisme de masse, qui est dévastateur pour l'environnement. 

«Et nous avons également mis en place des politiques visant à atténuer les effets du changement climatique, notamment l'utilisation d'énergies renouvelables, le recyclage des déchets solides et d'autres mesures de ce type. Ainsi, nous espérons nous assurer que nous ne serons pas affectés comme d'autres pays insulaires l'ont été par le changement climatique.»

Pour éviter les revers économiques potentiels à long terme, Zanzibar ne considère plus le tourisme comme une principale source de revenu, mais se tourne vers l'agriculture et l'économie «bleue», qui utilise durablement les ressources maritimes et marines.

Il s'agit notamment de l'établissement de nouvelles pêcheries, du développement de ports maritimes pour les voyages et le commerce, de l'énergie renouvelable en mer, de l'aquaculture dans les fonds marins et d'autres activités extractives, le tout sous l'égide de la Vision 2050 du développement de Zanzibar.

Grâce à sa politique d'économie bleue, le gouvernement de Zanzibar s'est attaché à renforcer le secteur de l'aquaculture en investissant dans la culture d'algues, qui offre aux femmes locales une autonomie économique et aux communautés agricoles des moyens de subsistance durables.

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Hussein Ali Mwinyi avec Rawan Radwan d'Arab News (Photo, AN/Maher Mirza).

«Comme Zanzibar est composé d'îles, nous devons utiliser les ressources océaniques pour le développement économique, mais de manière durable», a souligné Mwinyi.

«Outre le tourisme, nous nous intéressons donc à la pêche. C'est une industrie importante pour nous — non seulement la pêche mais aussi l'aquaculture. Nous envisageons d'autres secteurs comme la culture des algues. Mais nous développons également des infrastructures, comme les ports maritimes, afin de favoriser le commerce et le transport maritimes.»

Après avoir rencontré des chefs d'entreprise à Riyad, Mwinyi est plus confiant que jamais dans le fait que la Tanzanie et la province de Zanzibar peuvent bénéficier d'échanges et d'une coopération réciproques dans un large éventail de secteurs.

«La Tanzanie et l'Arabie saoudite entretiennent des relations diplomatiques de longue date. Nous avons des ambassades des deux côtés. Aujourd'hui, nous essayons de renforcer ces relations en encourageant les investissements de l’Arabie saoudite en Tanzanie et en envoyant certains produits de Tanzanie au Royaume», a-t-il avisé.

«J'ai eu une bonne conversation avec la Fédération des chambres de commerce saoudiennes, lors de laquelle les membres ont beaucoup discuté de la sécurité alimentaire. Et comme vous le savez, la Tanzanie est un pays immense, nous avons près d'un million de kilomètres carrés de terres fertiles.»

«Nous sommes donc un pays agricole. Nous pouvons envoyer beaucoup de produits agricoles ainsi que du bétail en Arabie saoudite. En fait, cela a commencé. Nous espérons augmenter ce chiffre.»

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Un guide touristique tient une fleur d'ylang-ylang dans une ferme d'épices à l'extérieur de Stone Town (Photo, AFP).

«D'autre part, l'Arabie saoudite peut envoyer en Tanzanie des produits issus de l'industrie des hydrocarbures, des plastiques et des engrais, en particulier le pétrole et le gaz. Il s’agit donc d’un large espace pour la coopération et le renforcement de notre économie.»

«Quant aux investissements, je sais qu'il y a beaucoup d'hommes d'affaires saoudiens qui aimeraient venir investir dans le tourisme à Zanzibar, mais aussi dans la pêche et l'élevage. Nous avons donc eu une bonne discussion. Et je suis sûr que la coopération sera encore renforcée.»

Mwinyi estime que l'expertise saoudienne et l'intérêt porté à Zanzibar en tant que destination d'investissement seront bénéfiques pour son programme environnemental; ceci étant de bon augure pour la coopération future. 

«Il y avait beaucoup d'intérêt pour investir à Zanzibar dans des domaines dans lesquels ils ont déjà investi ici et qui ont montré leur succès. L'un d'eux est l'énergie renouvelable. Nous sommes une île, nous devons donc disposer d'énergies renouvelables et cela a été fait ici avec beaucoup de succès», a-t-il indiqué. 

«Les hommes d'affaires ici sont prêts à venir partager leurs expériences avec nous et à investir à Zanzibar, mais ce n'est qu'un seul secteur. Nous avons parlé de beaucoup d'autres secteurs et je crois que nous avons un énorme potentiel de coopération dans différents secteurs.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Un documentaire affirme avoir identifié le meurtrier de Shireen Abu Akleh

Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
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  • Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.
  • Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

NEW-YORK : Qui a tué Shireen Abu Akleh ? Un nouveau documentaire affirme enfin révéler l'identité du soldat israélien soupçonné d'avoir tué la reporter vedette de la chaîne Al-Jazeera, trois ans après cet événement qui avait endeuillé le Moyen-Orient.

Retour en arrière. Le 11 mai 2022, une « alerte » retentit sur les chaînes d'information du monde entier. La journaliste américano-palestinienne, connue pour sa couverture du conflit israélo-palestinien, vient d'être abattue à l'entrée du camp de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Elle portait pourtant un casque et un gilet pare-balles siglé du mot « Press ».

Al-Jazeera et des témoins blâment aussitôt l'armée israélienne. Le Premier ministre israélien de l'époque, Naftali Bennett, estime quant à lui que les tirs proviennent de combattants palestiniens. Dans les semaines qui suivent, les enquêtes journalistiques s'accumulent et révèlent toutes la même origine des tirs : Israël. 

Quelques mois plus tard, l'armée publie les « conclusions » de son enquête interne : « Il y a une forte probabilité que madame Abu Akleh ait été touchée accidentellement par un tir de l'armée israélienne visant des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens ».

Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.

« Israël a tout fait pour cacher l'identité du soldat. Ils ne voulaient pas transmettre cette information aux États-Unis, ne voulaient pas laisser les Américains l'interroger, ne voulaient pas leur transmettre son témoignage, ils ne voulaient pas leur donner son nom », explique à l'AFP Dion Nissenbaum, journaliste à l'origine du film. 

- Israël vs États-Unis -

Aidé notamment par la reporter Fatima AbdulKarim, qui travaille pour le New York Times en Cisjordanie occupée, et par le producteur Conor Powell, cet ex-correspondant du Wall Street Journal au Moyen-Orient a pu recueillir les témoignages de deux soldats israéliens présents à Jénine le 11 mai 2022 ainsi que ceux de hauts responsables américains.

Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

« Il l'a tuée intentionnellement. Il n'y a pas de doute à ce sujet. La question est de savoir s'il savait qu'elle était journaliste et plus précisément qu'il s'agissait de Shireen Abu Akleh. Les ordres venaient-ils d'en haut ? Personnellement, je ne pense pas qu'il y ait eu d'ordre. Je ne pense pas qu'il savait qu'il s'agissait de Shireen, mais elle portait un gilet pare-balles tagué +Press+ », explique M. Nissenbaum. 

« Les preuves indiquent un meurtre intentionnel de Shireen Abu Akleh. Savaient-ils qui c'était ? Cela peut faire l'objet d'un débat, mais ils devaient absolument savoir qu'il s'agissait d'une personne des médias ou, au minimum, qu'il ne s'agissait pas d'un combattant », témoigne dans le documentaire un haut responsable de l'administration Biden d'avant Joe Biden sous couvert d'anonymat.

Le documentaire soutient également que les États-Unis n'ont pas fait pression outre mesure pour creuser cette affaire afin de ne pas entacher leur relation avec leur allié.

« Ce n'était pas un sujet dans les échanges entre le président (Joe Biden) et le Premier ministre », déclare le conseiller à la sécurité nationale de M. Bennett, Eyal Hulata.

Le sénateur américain Chris Van Hollen (démocrate) témoigne avoir demandé à Joe Biden, avec des collègues, qu'un rapport détaillé sur cette affaire soit « déclassifié ». En vain. 

- Impunité -

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont les données remontent à 1992, « il s'agit de la première fois qu'un suspect potentiel est nommé en lien avec le meurtre d'un journaliste par un Israélien ».

L'impunité de ce « meurtre » a, selon cette organisation basée à New York, « donné concrètement à Israël la permission d'en taire des centaines d'autres ». Selon Reporters sans frontières, environ 200 journalistes ont été tués en 18 mois de frappes israéliennes à Gaza. 

Un porte-parole de l'armée israélienne a dénoncé la divulgation « par la famille » du nom d'un soldat « alors qu'il n'y a pas de conclusion définitive » quant à l'identité du tireur.

Mais Alon Scaggio ne pourra jamais répondre aux questions : l'armée souligne qu'il est « tombé lors d'une opération ».

Au début de son enquête, l'équipe de Dion Nissenbaum pensait que le soldat avait été tué à Gaza, avant d'en arriver à la conclusion que sa mort est survenue à Jénine. Le 27 juin 2024, soit près de deux ans après la mort de Shireen Abu Akleh. 


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Derrière le soutien d'Israël aux druzes, l'objectif d'affaiblir durablement la Syrie

Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
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  • L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie
  • Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes

Jérusalem, Non défini: L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie.

A la suite de heurts intercommunautaires sanglants dans ce pays, Israël, qui occupe une partie de son territoire depuis 1967, a invoqué la protection de la minorité druze pour justifier plusieurs frappes, dont une le 3 mai à proximité du palais présidentiel à Damas.

Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes.

Dès mars, l'Etat hébreu avait menacé d'intervenir si le nouveau pouvoir qui a fait tomber Bachar al-Assad "s'en [prenait] aux druzes".

Toutefois, selon Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres, Israël n'est pas mu par "un souci altruiste": il "se sert [des druzes] comme d'un prétexte pour justifier son occupation militaire" en Syrie.

Dans une déclaration révélatrice des intentions d'Israël, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé que son gouvernement ne mettrait pas fin à la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza avant que "la Syrie [soit] démantelée".

"Pour contenir la situation", le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a confirmé mercredi "des discussions indirectes" avec Israël. Interrogée par l'AFP, la diplomatie israélienne n'a pas commenté.

- "Autonomie druze" -

Enferré depuis le 7-Octobre dans une guerre qui a largement débordé des frontières d'Israël, M. Netanyahu répète que son pays se bat pour sa survie et qu'il est déterminé à "changer le Moyen-Orient".

En 2015, alors membre de l'Institut d'études pour la sécurité nationale (INSS), son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, avait défendu un morcellement de la Syrie en diverses entités ethno-religieuses, prévoyant une "autonomie druze dans le sud".

Le projet rappelle le découpage de la Syrie imposé dans l'Entre-deux-guerres par la France, alors puissance mandataire. Paris avait dû y renoncer sous la pression des nationalistes syriens, y compris druzes.

Grand voisin d'Israël au nord-est, la Syrie a participé à trois guerres israélo-arabes, en 1948-1949, 1967 et 1973.

La dernière a consacré la mainmise d'Israël sur la partie du Golan syrien conquise en 1967 (et annexée depuis 1981).

Dans la foulée de la chute de M. Assad, Israël a pris le contrôle de la zone démilitarisée sous contrôle de l'ONU au Golan et mené des centaines de frappes sur des cibles militaires en Syrie.

Objectif affiché: empêcher que les armes du pouvoir déchu ne tombent entre les mains des nouvelles autorités, issues de la mouvance islamiste, et dans lesquelles le gouvernement israélien voit un ennemi.

Les druzes, adeptes d'une religion syncrétique issue de l'islam chiite, sont présents surtout en Syrie, au Liban et en Israël.

Israël recense quelque 152.000 druzes, selon les dernières données disponibles. Ce chiffre inclut les 24.000 druzes habitant dans la partie annexée du Golan, dont moins de 5% ont la nationalité israélienne.

- Contrer la Turquie -

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des affrontements avec les forces de sécurité du nouveau pouvoir fin avril ont fait 126 morts dans des zones majoritairement druzes et chrétiennes proches de Damas et dans le bastion druze de Soueïda (sud-ouest).

Après ces heurts, cheikh Hikmat al-Hajri, sommité religieuse druze syrienne, a réclamé l'envoi d'une force de protection internationale, et souscrit à une déclaration communautaire affirmant que les druzes constituent "une partie inaliénable" de la Syrie.

En Israël, des druzes ont participé à plusieurs manifestations réclamant que le gouvernement défende leurs coreligionnaires en Syrie.

Loyaux à Israël, les druzes sont surreprésentés dans l'armée et la police, par rapport à leur importance dans la population.

"Israël se sent redevable vis-à-vis des druzes et de leur engagement exceptionnel dans l'armée", note Efraïm Inbar, chercheur à l'INSS.

Selon lui, les défendre s'inscrit aussi dans la géopolitique recomposée de l'après-Assad où Israël "tente de protéger les minorités druze et kurde de la majorité sunnite et d'éviter que la Turquie n'étende son influence à la Syrie".

A rebours d'Israël, Ankara, aux prises avec son propre problème kurde, soutient les nouvelles autorités de Damas et ne veut surtout pas voir se consolider les positions kurdes dans le nord-est de la Syrie, le long de sa frontière.