Comment une marque de bijoux saoudienne légendaire conserve son éclat

La survie de l'industrie peut dépendre de la modernisation du modèle commercial par les détaillants, les fabricants et les gouvernements. (AFP)
La survie de l'industrie peut dépendre de la modernisation du modèle commercial par les détaillants, les fabricants et les gouvernements. (AFP)
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Publié le Lundi 16 novembre 2020

Comment une marque de bijoux saoudienne légendaire conserve son éclat

  • «Chaque génération doit venir ajouter ce qui fait que son entreprise s'adapte à l'époque actuelle – la fabrication, la marque et la conception des bijoux sont très différentes d'avant»
  • Farsi embrasse un peu l'ancien et le nouveau, en gardant les classiques vivants tout en explorant l'espace créatif que le changement a apporté

DUBAÏ: Les bijoux sont une passion dans la famille de Nasser Farsi depuis plus d'un siècle, déclare le Saoudien de Djeddah, âgé de  34 ans, qui perpétue la tradition. La marque de bijoux familiale, Farsi, est parmi les plus anciennes du Royaume.

Créée pour la première fois par son arrière-grand-père Mohammed en 1907, la boutique gère toutes les étapes du processus de fabrication de bijoux, mais avec une touche locale distinctive chargée d'histoire.

«Je suis la quatrième génération dans l'entreprise après que mon grand-père et mon père ont travaillé comme bijoutiers à La Mecque et à Djeddah», précise Farsi à Arab News.

À mesure que la technologie a évolué et que les demandes des clients ont changé, Farsi a également été contraint d'évoluer avec le temps. «Chaque entreprise doit s'adapter tout au long de l'année», explique-t-il. «Donc, tout ce que mon père a fait dans les années 1970 – le meilleur à l'époque – ne s'applique pas aujourd'hui. Et ce que je fais aujourd'hui ne sera plus applicable à l'avenir.

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Nasser Farsi

«Chaque génération doit venir ajouter ce qui fait que son entreprise s'adapte à l'époque actuelle – la fabrication, la marque et la conception des bijoux sont très différentes d'avant.»

Farsi le sait très bien… Il a appris son métier au sein de sa famille et a étudié auprès de certains des meilleurs gemmologues du monde.

Après avoir terminé ses études à Djeddah, il s'est d'abord rendu aux États-Unis pour étudier la finance à Arlington, en Virginie, avant de poursuivre une maîtrise en finance à Miami, en Floride. «Je voulais avoir des compétences en gestion pour être à la fois le bijoutier et celui qui dirige l'entreprise», explique-t-il. «Mon père a fait sa licence en commerce général et sa maîtrise en comptabilité également.»

Peu de temps après, Farsi a obtenu son diplôme en gemmologie et en design de bijoux à l'école réputée du Gemological Institute of America (GIA) de Florence, en Italie – à l'époque la plus grande école de gemmologie du monde – avant de retourner à Djeddah en 2012.

«Mon père a dû me laisser développer ma pratique. J'ai payé pour tout ce que je voulais quand j'étais plus jeune en travaillant dans le magasin», raconte-t-il. «Il voulait tirer le meilleur parti de mon temps libre et je suis heureux qu'il l'ait fait, parce que c'est devenu une passion.»

Maintenant qu'il a hérité de l'entreprise familiale, Farsi veut laisser sa marque. Les perles étaient le pilier de la marque à ses débuts avant que cela ne soit les diamants. Des techniques de travail du métal plus fines ont été adoptées au fur et à mesure de l'amélioration de la technologie, permettant à l'entreprise de créer et de fabriquer des créations plus légères et plus délicates, ayant les faveurs des clients d’aujourd'hui. «Ce qui était impossible à la main il y a dix ans est désormais possible, cela a donc rendu tout plus léger et plus facile pour le consommateur», indique Farsi. Les pièces d'or plus lourdes en particulier semblent tomber en disgrâce.

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Bijoux de Farsi

«Les gens sont plus enclins au changement. Ils ne veulent pas d’engagements à long terme en ce qui concerne les grosses pièces. Alors, ils investissent leur argent dans un diamant de premier ordre plutôt que pour un bijou dont ils ne pourront peut-être pas profiter dans dix ans.»

Malgré les changements de goût et de technique, Farsi a cherché à maintenir l'esprit et l'essence du design arabe traditionnel, en lançant même sa propre collection Nasser Farsi en 2015, principalement destinée au marché de la bijouterie masculine.

«Cela a commencé comme un passe-temps», explique-t-il. «J'ai transformé la calligraphie arabe en bijoux. J'ai des modèles emblématiques que les gens peuvent reconnaître, principalement des bracelets pour hommes. J'ai aussi commencé à concevoir pour les femmes, mais en tant un homme, je voulais quelque chose que je puisse utiliser et j'ai comblé ce manque sur le marché.»

L'intemporalité est importante. «Les bijoutiers ne sont pas des vendeurs», déclare Farsi. «Nous nous soucions de la qualité des pierres et de la valeur de la pièce, plutôt que d’imposer un simple design qui peut être sans valeur dans quelques années.»

Farsi embrasse donc un peu l'ancien et le nouveau, en gardant les classiques vivants tout en explorant l'espace créatif que le changement a permis. Bien que le marché soit féroce, il est impressionné par certains des nouveaux designers qui rejoignent l'industrie. «C’est magnifique de voir apparaître beaucoup de jeunes noms. Rien qu'en Arabie saoudite, il y a des dizaines de personnes dans l’industrie, ou qui possèdent leurs propres lignes. Il est également plus rare de trouver un créateur de bijoux masculin qu’un bijoutier.»

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Bijoux de Farsi

Dans un marché aussi compétitif, c'est certainement un avantage d'avoir une marque plus ancienne et digne de confiance qui vous soutient. C'est pourquoi Farsi est impressionné par le nombre de nouveaux venus qui réussissent. 

«Quand vous parlez de bijoux, les gens pensent principalement au nom, à la qualité et à la fiabilité de ceux avec qui ils travaillent», indique Farsi. «Donc, trouver un nom, commencer à travailler est une chose dont il faut être fier. Beaucoup de gens arrivent et le font. Cela peut être assez difficile au cours des premières années, mais ils y parviennent.»

Les articles de luxe sont par définition non essentiels, ce qui signifie que la vitalité de l’industrie de la bijouterie dépend dans une large mesure du pouvoir d’achat. Les recherches menées dans le secteur de la vente au détail dans le monde entier suggèrent que les clients sont de plus en plus prudents dans leurs dépenses, un changement auquel les détaillants eux-mêmes doivent s'adapter. Ajoutez à cela la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 et la situation devient encore plus confuse.

Les mesures de confinement ont obligé des magasins dans toute l'Arabie saoudite à fermer temporairement, y compris les succursales de Farsi à Djeddah et à La Mecque. En outre, avec l’annulation des célébrations de mariages, moins de bijoux de mariée sont vendus. La crise a remis en question la longévité de l’industrie de la joaillerie.

«Il n'y a plus autant de mariages, donc toute la dynamique fluctue», déclare Farsi. «Ce n’est toujours pas stable, mais nous sommes préparés au pire et nous travaillons pour le mieux. J'espère que je transmettrai cela à mes enfants.»

Les données disponibles pour un bilan de santé détaillé de l'industrie sont limitées. «La bijouterie est une industrie à peine exploitée, mais elle prend une grande part dans les rapports cumulatifs sur la vente au détail», souligne Farsi. «Vous ne voyez pas autant de rapports détaillés ou spécifiés dans l'industrie de la bijouterie, en particulier en Arabie saoudite ou au Moyen-Orient.»

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Bijoux de Farsi

«La gestion se fait à l'ancienne dans la plupart des magasins. Ce n’est pas propre au Royaume, c’est partout. Il est très difficile d’obtenir des informations auprès des bijoutiers.»

La survie de l'industrie peut donc dépendre d'une meilleure communication des détaillants, des fabricants et des gouvernements, pour cela il est nécessaire de moderniser le modèle commercial, de partager l'expertise, e déterminer les meilleures pratiques et de créer collectivement des réglementations.

«Nous sommes en réunion continue avec des collègues pour essayer de trouver des moyens de stimuler de nouveau les affaires dans la région et en Arabie saoudite en particulier. Tout le monde travaille vraiment dur pour mettre en œuvre un changement», affirme Farsi.

Si les problèmes de l’industrie ne sont pas résolus rapidement, les pays du Golfe risquent de perdre une partie importante de leur précieux héritage. Heureusement, des gens comme Farsi refusent que cela se produise.

«Beaucoup de gens dans de nombreux domaines différents travaillent à maintenir la culture et la langue vivantes, des artistes, des créateurs de mode et de bijoux, et toute la jeune génération», a-t-il déclaré à Arab News. «Il y a un très grand battage médiatique autour de la diffusion de la culture dans le monde, d'autant plus que l'Arabie saoudite s'ouvre au monde. Cette fierté doit être connue du reste du monde.»

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le Studio Ghibli recevra la Palme d'Or d'honneur à Cannes

Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
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  • «Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux
  • Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985

PARIS : Le studio Ghibli Inc., géant de l'animation japonaise, recevra une Palme d'Or d'honneur au 77e Festival de Cannes, a-t-on annoncé mercredi.

«Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux, délégué général, dans un communiqué.

Lors du festival, qui se tiendra en mai en France, le prix sera décerné pour les réalisations à long terme du studio, connu pour ses films du réalisateur Hayao Miyazaki.

«Je suis vraiment honoré et ravi que le studio reçoive la Palme d'Or d'honneur», a déclaré le producteur de Ghibli, Toshio Suzuki. « Je tiens à remercier du fond du cœur le Festival de Cannes. … Je suis sûr que le Studio Ghibli continuera à relever de nouveaux défis.

Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985.

Le studio « a réalisé ce qui semblait être un exploit impossible : produire de manière indépendante de purs chefs-d’œuvre et conquérir le marché de masse «, indique le communiqué.


L'art est une "traduction des sentiments", affirme un artiste saoudien de 16 ans

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
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  • Jawad Al-Omair s'est imposé comme peintre, s'inspirant de la beauté et de la douleur qui l'entourent
  • Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

RIYADH : Pendant que ses camarades de classe participaient à des activités sportives, l'artiste saoudien Jawad Al-Omair rêvait de la prochaine fois où il prendrait un pinceau ou un crayon pour dessiner à nouveau.

Il a expliqué à Arab News que le moment où il a découvert ses talents d'artiste, il n'était qu'en troisième année primaire.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie

"Tous les enfants allaient jouer. Je me retrouvais toujours à ouvrir mon cahier et à dessiner. Je me souviens d'un jour où j'ai dessiné quelque chose à l'école et, en rentrant, je l'ai montré à tout le monde. Je me suis dit que je devrais faire ça plus souvent."

Il utilise la peinture acrylique pour représenter ses idées vives sur la toile.

"Pour chaque peinture que je réalise, j'ai généralement une vision de la palette de couleurs et de la composition, et surtout du message et du sentiment que j'essaie de faire passer à travers le tableau".

Le jeune artiste considère la couleur comme un arsenal permettant de communiquer des émotions dans ses œuvres. "Si je voulais peindre quelque chose qui transmette le sentiment d'être perdu, j'utiliserais généralement des couleurs froides comme les gris et les bleus.

M. Al-Omair a déclaré qu'il avait remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"Dana Almasoud est l'une de mes meilleures amies qui m'a beaucoup aidé. Il y a trois ans, j'étais un artiste complètement différent. J'étais incapable de dessiner de petits portraits, mais elle m'a appris à le faire. Je ne peux pas imaginer ce que serait ma vie si je ne les avais pas rencontrées", a-t-il déclaré.

Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

Il décrit Sargent comme l'un de ses artistes préférés. "Si vous voyez son autoportrait, il est similaire au mien. J'ai regardé ses œuvres pendant que je peignais afin de capturer la même atmosphère.

Il a fallu environ 12 heures à Al-Omair pour réaliser son autoportrait, qui met en valeur ses traits proéminents.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"On me fait souvent des commentaires sur mon nez, alors je l'ai peint au centre. Je voulais immortaliser mon moi de 16 ans, car qui sait à quoi je ressemblerai dans cinq ans ?

Le jeune artiste souhaite transformer toutes sortes d'expériences - même celles d'amis ou de membres de la famille - en œuvres d'art.

"Comment serait la vie si nous n'avions pas de musique ou de belles choses à regarder ? Quand on pense à un artiste, on imagine généralement quelqu'un avec un pinceau, mais c'est bien plus que cela.

"L'art consiste à traduire des sentiments avec une certaine habileté. Le cinéma a beaucoup appris à l'humanité parce qu'il permet d'en savoir plus sur les gens. L'écriture, les chansons et la musique sont des choses émotionnelles que nous partageons. L'art est l'une des parties les plus importantes de la vie. Chacun possède un côté artistique qu'il n'a peut-être pas encore découvert", a-t-il déclaré.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


A Milan, les icônes du design italien retrouvent leur splendeur d'antan

Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
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  • «Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre
  • Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface

MILAN, Italie : Ancrées dans l'imaginaire collectif, les icônes créées par les grands maîtres du design italien comme Gio Ponti, Ettore Sottsass ou Mario Bellini ont retrouvé une nouvelle vie, grâce aux rééditions de ces meubles vintage omniprésentes au Salon du meuble de Milan.

Salvatore Licitra, petit-fils de Gio Ponti (1891-1979), fait glisser sa main délicatement sur le canapé en cuir vert, baptisé Due Foglie (Deux Feuilles) en raison de sa forme incurvée et douce, qui a été conçu en 1957 par le célèbre designer et revisité par le groupe Molteni.

Un peu plus loin, sur le même stand, il retrouve avec émotion un autre de ses chefs-d'oeuvre, le fauteuil Continuum de 1963 dont la structure est façonnée dans une ligne continue en canne de rotin. Un meuble qui lui rappelle son enfance, car il trônait à l'entrée du studio de son grand-père à Milan.

«Je suis content que l'on redécouvre un patrimoine qui n'était pas très connu car à l'époque il n'y avait pas de réseau de distribution. Maintenant, ces meubles tombés dans l'oubli existent à nouveau, ont un nom, une histoire», confie Salvatore Licitra.

«Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre.

Suscitant un grand intérêt dans le monde, les oeuvres de Gio Ponti, qui cherchait à la fois «la fonctionnalité et la beauté», sont très appréciées des Japonais qui «me demandent toujours où se trouve sa tombe pour pouvoir la visiter», assure son héritier.

- Objets culte de Memphis -

Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface. Dissous peu après le départ de son fondateur en 1985, il a cassé les codes bourgeois de l'époque avec des objets pop frôlant le kitsch et des formes géométriques.

«Le monde vit un moment de grisaille et de guerres, et les gens cherchent donc à se rasséréner en achetant des produits qui les égaient», explique Charley Vezza, PDG de la société Italian Radical Design, qui regroupe les marques Memphis Milano, Gufram et Meritalia.

«Personne n'a jamais jeté un meuble de Memphis, il a une certaine valeur, c'est un objet culte qu'on revend aux enchères», assure ce jeune entrepreneur âgé de 37 ans.

La mythique bibliothèque Carlton d'Ettore Sottsass, une pièce de collection surréaliste aux allures de totem créée en 1981 qui rejette tout concept de fonctionnalité, vaut ainsi plus de 15.000 euros.

Gufram a réédité à son tour une série limitée de Cactus, portemanteau vert et ludique inventé en 1972 par Guido Drocco et Franco Mello, en violet, bleu et rouge.

Et Meritalia a relancé la production des oeuvres du designer visionnaire Gaetano Pesce décédé début avril à 84 ans. Parmi elles, son canapé ludique et modulable La Michetta de 2005, inspiré de ces petits pains soufflés milanais.

- Une histoire à raconter -

«Les rééditions apportent un certain réconfort» aux acheteurs, «psychologique par le lien avec les racines du passé, mais aussi par la valeur économique qu'elles acquièrent au fil du temps», commente Maria Porro, présidente du Salone del Mobile.

Les murs du stand de Tacchini sont tapissés de photos des maestros du design et de leurs oeuvres, assorties de notes retraçant leur histoire. Fille du fondateur de l'entreprise familiale et son PDG, Giusi Tacchini ne cache pas sa passion pour ces icônes.

«Nous recherchons des pièces du passé qui ont une histoire à raconter. Il ne s'agit pas toujours de créateurs célèbres, mais aussi de designers inconnus ou peu connus», raconte-t-elle.

«Ce sont des produits qui ne suivent pas les modes du moment, des grands classiques que l'on aime aujourd'hui et qui seront encore beaux dans dix, vingt ou cinquante ans», s'émerveille-t-elle.

Le canapé Le Mura (Les murs), créé en 1972 par le designer renommé Mario Bellini, 89 ans, a été ainsi réédité en 2022, en utilisant de nouveaux matériaux et revêtements, tout en respectant l'original.

«Le Mura a été choisi pour ses lignes pures et son caractère», explique Giusi Tacchini. «C'est un mélange parfait d'intemporalité et de sensualité qui, pour nous, fait le succès d'un produit».