Le budget en passe d'être adopté, après l'automne des 49.3

A droite, LR pilonne dans l'ensemble un budget "dépensier", qui prévoit un déficit public à 5% du PIB en 2023 (Photo, AFP).
A droite, LR pilonne dans l'ensemble un budget "dépensier", qui prévoit un déficit public à 5% du PIB en 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 17 décembre 2022

Le budget en passe d'être adopté, après l'automne des 49.3

  • La motion de la coalition Nupes devrait être repoussée en fin de journée, clôturant ce marathon budgétaire quasiment inédit dans une nouvelle Assemblée bouillonnante
  • En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote le budget de l'Etat et de la Sécurité sociale

PARIS: Le Parlement s'apprête à adopter définitivement le projet de budget 2023 samedi, avec le rejet attendu d'une ultime motion de censure de la gauche à l'Assemblée, point final d'un automne rythmé par dix recours à l'arme constitutionnelle du 49.3.

La motion de la coalition Nupes devrait être repoussée en fin de journée, clôturant ce marathon budgétaire quasiment inédit dans une nouvelle Assemblée bouillonnante.

En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote le budget de l'Etat et de la Sécurité sociale.

Une telle cadence n'était plus arrivée depuis l'automne 1989, quand le Premier ministre Michel Rocard était privé de majorité absolue au Palais Bourbon, comme Elisabeth Borne depuis les législatives du mois de juin.

Chacun s'en renvoie la responsabilité: les oppositions ont reproché tout l'automne au gouvernement son "déni de démocratie", tandis que le camp présidentiel les accusait de blocage.

"Sur le budget, nous ne pouvons pas trouver de compromis si les oppositions craignent, ainsi, de se compromettre", a encore pointé la Première ministre jeudi.

Ce 49.3, "ce n'est plus un sujet, on ne m'en parle pas sur les marchés", affirme le rapporteur du texte à l'Assemblée, Jean-René Cazeneuve (Renaissance).

Ce cadre macroniste défend "un budget protecteur des Français, des collectivités territoriales, des entreprises", avec "un équilibre entre un niveau de déficit acceptable et la nécessaire protection des Français".

Parmi les mesures phares du texte: un bouclier tarifaire pour contenir à 15% la hausse des prix de l'énergie, des hausses de salaires pour les enseignants ou une priorité revendiquée en faveur des ministères régaliens.

«Superprofits»

Mais en pleine période de vie chère, le débat s'est focalisé sur les appels de la gauche et du RN à taxer les "superprofits" des grandes entreprises comme le groupe pétrolier Total ou l'armateur CMA CGM qui ont bénéficié de l'envolée des prix.

Nupes et extrême droite ont réclamé une taxe large, alors que le gouvernement défend sa politique de l'offre, mettant en garde contre des mesures qui pénaliseraient les entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes étrangères.

L'exécutif souligne surtout qu'il a transposé un accord scellé au niveau européen avec deux mécanismes: "une contribution temporaire de solidarité" des producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole qui rapporterait quelque 200 millions à la France, et un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité, susceptible de faire rentrer dans les caisses de l'Etat 11 milliards supplémentaires.

La tension s'est cristallisée sur des amendements votés par l'Assemblée, mais écartés par l'exécutif dans la version du budget soumise au 49.3.

C'est le cas d'une mesure proposée au sein même de la majorité par le MoDem, pour augmenter la taxation des "superdividendes" des actionnaires de grandes entreprises, et qui avait reçu un large soutien des oppositions.

Jusqu'au bout, le groupe centriste a tenté de défendre son amendement, rejeté par le gouvernement, qui privilégie un travail en cours sur le "partage de la valeur" au sein de l'entreprise, pour favoriser l'intéressement ou le "dividende salarié".

L'exécutif a en revanche intégré à la dernière minute un amendement instaurant une participation financière des salariés lorsqu'ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF), provoquant du remous jusque dans la majorité.

A droite, LR pilonne dans l'ensemble un budget "dépensier", qui prévoit un déficit public à 5% du PIB en 2023.

Et les députés d'opposition contestent la prévision de croissance volontariste du gouvernement de 1% du PIB, sans manquer de souligner qu'Emmanuel Macron a lui-même parlé dans la presse d'une croissance plutôt de "0,5 ou 0,7% en 2023".

Car les nuages s'amoncellent, avec la flambée des prix de l'énergie et des produits alimentaires depuis la guerre en Ukraine, une consommation en berne et une production industrielle en repli.

L'Insee a décrit jeudi le "rhume passager" de l'économie française marquée par une contraction du PIB au dernier trimestre 2022 pour rebondir légèrement en 2023. La récession serait évitée mais un pic d'inflation est attendu à 7% sur un an en janvier et février.

Soit une rentrée inflammable, alors que le gouvernement compte dévoiler les grandes lignes de sa réforme controversée des retraites le 10 janvier.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.