Au Nagorny Karabakh, la crainte d'une crise humanitaire en plein blocage d'une route clé

Des soldats russes sont aperçus déployés dans le corridor de Latchine, la seule liaison terrestre de la région séparatiste du Haut-Karabakh à population arménienne avec l'Arménie (Photo, AFP).
Des soldats russes sont aperçus déployés dans le corridor de Latchine, la seule liaison terrestre de la région séparatiste du Haut-Karabakh à population arménienne avec l'Arménie (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 27 décembre 2022

Au Nagorny Karabakh, la crainte d'une crise humanitaire en plein blocage d'une route clé

  • Depuis le 12 décembre, des militants azerbaïdjanais sont accusés de bloquer le corridor de Latchine
  • Les manifestants se présentent comme des «militants écologistes» protestant contre des mines illégales dans la région

CORRIDOR DE LATCHINE: Rouzan Hovhanissian a peur: pourra-t-elle passer le Nouvel An avec ses proches coincés au Nagorny Karabakh? Depuis deux semaines, l'Azerbaïdjan est accusé de bloquer la seule route reliant cette région disputée à l'Arménie, faisant craindre une crise humanitaire.

"Comment je peux réussir à dormir en sachant que mes proches vont se coucher à moitié affamés?", raconte Mme Hovhanissian, séparée de ses deux parents, de ses frères et soeurs, et de sa fille de 15 ans, tous restés à Stepanakert, la principale ville des séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh.

"L'Azerbaïdjan joue avec la vie des gens", dénonce cette femme de 39 ans. Début décembre, elle s'était rendue depuis Stepanakert vers la capitale arménienne, Erevan, pour un déplacement professionnel. Mais impossible depuis de revenir.

Depuis le 12 décembre, des militants azerbaïdjanais sont accusés de bloquer le corridor de Latchine, une route montagneuse de 32 kilomètres entre l'Arménie et le Nagorny Karabakh, où vivent environ 120 000 personnes, et qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan à la fin de l'URSS.

Les manifestants se présentent comme des "militants écologistes" protestant contre des mines illégales dans la région. Mais l'Arménie accuse l'Azerbaïdjan d'être derrière ces protestations pour bloquer la route et créer une crise humanitaire, des accusations rejetées par Bakou.

Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dimanche à Stepanakert pour dénoncer le blocage. Un habitant, contacté par téléphone par l'AFP, a indiqué avoir des difficultés à s'approvisionner.

"Je suis allé dans un magasin, ils donnent seulement un demi-kilo de sucre à tout le monde", affirme Achot Grigorian. "Les rayons sont presque vides, mais c'est bien, il y a toujours du pain", poursuit ce retraité âgé de 62 ans.

"L'Azerbaïdjan a organisé tout ça pour nous faire peur et pour qu'on quitte le Karabakh", estime-t-il. Avant d'ajouter: "On réalise que la guerre n'est pas terminée".

«Comment vivre ensemble?»

L'Arménie et l'Azerbaïdjan se sont affrontés au début des années 1990, lors de la dislocation de l'URSS, pour contrôler le Nagorny Karabakh, une enclave à majorité arménienne qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan.

Ce premier conflit, qui a fait 30 000 morts, s'est soldé par une victoire arménienne. Mais l'Azerbaïdjan a pris sa revanche lors d'une deuxième guerre qui a coûté la vie à 6 500 personnes à l'automne 2020 et a permis à Bakou de reprendre de nombreux territoires.

Des soldats de maintien de la paix russes ont été déployés sur place après ce dernier conflit. Mais l'Arménie a accusé ces militaires russes d'avoir échoué à empêcher un blocage du corridor de Latchine, alors que Moscou est accaparé par son offensive en Ukraine.

Selon un correspondant de l'AFP, des troupes russes circulaient librement lundi sur cette route clé, qui était effectivement bloquée près d'un point de contrôle russe, à environ 15 kilomètres de Stepanakert.

Lundi, l'AFP est également allée à la rencontre des militants azerbaïdjanais, qui nient toute volonté de susciter une crise humanitaire.

"Nous ne bloquons pas la route", assure Djamila Mamedova, une militante azerbaïdjanaise. "Notre unique demande, c'est que cesse l'exploitation illégale de nos ressources naturelles", poursuit-elle.

Toutefois, elle reconnaît n'avoir vu circuler aucun véhicule civil, vers ou depuis l'Arménie, sur cette portion du corridor de Latchine depuis le début des manifestations il y a deux semaines.

Son groupe a installé des tentes à quelques kilomètres de la ville de Stepanakert. Certains militants azerbaïdjanais brandissent des affiches appelant à la fin des "crimes écologiques".

"Les civils (arméniens), les transports médicaux, les produits humanitaires, tout ça pourrait circuler librement ici", assure Salam Souleïmanov, un autre protestataire azerbaïdjanais.

A cause des blocages, des ONG ont commencé à commencer à livrer de l'aide humanitaire. Une porte-parole du bureau de la Croix-Rouge en Arménie a affirmé lundi que son groupe avait réussi à acheminer dans l'enclave 10 tonnes d'aide humanitaire envoyées par Erevan.

Face à cette nouvelle crise, Rouzan Hovhanissian désespère. "Au Karabakh, on ne sait pas comment on peut vivre ensemble avec les Azerbaïdjanais. C'est impossible".


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
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  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.