Tunisie: l’État désarmé face à la désobéissance fiscale des professions libérales

La ministre tunisienne des Finances, Sihem Boughdiri, présente la loi de finances 2023 du pays lors d'une conférence de presse, à Tunis, le 26 décembre 2022. (Photo, AFP)
La ministre tunisienne des Finances, Sihem Boughdiri, présente la loi de finances 2023 du pays lors d'une conférence de presse, à Tunis, le 26 décembre 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 27 décembre 2022

Tunisie: l’État désarmé face à la désobéissance fiscale des professions libérales

La ministre tunisienne des Finances, Sihem Boughdiri, présente la loi de finances 2023 du pays lors d'une conférence de presse, à Tunis, le 26 décembre 2022. (Photo, AFP)
  • Ce sont les professions libérales qui ont le plus farouchement combattu le projet de loi de finances
  • D’après les statistiques du ministère des Finances, 83% des recettes fiscales proviennent des salariés par le biais de la retenue sur salaire

TUNIS: Bien que le projet de loi de finances pour 2023 ne contienne pas de dispositions qui modifient leur fiscalité, mais seulement celles de leurs clients, ces professions, soupçonnées d’être des championnes de l’évasion fiscale, s’y sont opposées. 

C’est un remake dont les Tunisiens se sont lassés depuis longtemps. La Tunisie est, comme tous les ans à cette même période, le théâtre d’un nouvel épisode de la guerre qui oppose l’État aux contribuables. L’objet de ce combat, c’est le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. 

Ce texte a provoqué une véritable levée de boucliers. Les principales organisations patronales, comme l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), le syndicat patronal historique, et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) s’y sont opposées. 

La première lui reproche la hausse des charges fiscales pour les entreprises ainsi que le prix des matières premières, «qui auront un impact négatif sur le pouvoir d’achat des Tunisiens». La seconde n’a pas dévoilé ses griefs exprimés lors d’une rencontre avec la ministre des Finances, Sihem Boughdiri. Elle a seulement indiqué que son président, Tarek Chérif, avait rappelé qu’il était important «d’appuyer les efforts d’investissement dans le domaine des secteurs stratégiques pour leur rôle vital dans la dynamisation de l’économie, d’investir dans des projets d’énergies renouvelables et alternatives ainsi que de bénéficier des encouragements apportés par l’État pour assurer la sécurité énergétique».

Mais ce sont les professions libérales qui ont le plus farouchement combattu le projet de loi de finances. On aurait pu penser qu’elles le faisaient parce que ce texte cherchait à modifier la fiscalité de ces catégories professionnelles.

75% des médecins qui exercent dans le privé paient moins d’impôts que leurs collègues du public.

D’après les statistiques du ministère des Finances, 83% des recettes fiscales proviennent des salariés par le biais de la retenue sur salaire. 75% des médecins qui exercent dans le privé paient moins d’impôts que leurs collègues du public. Un médecin de libre pratique ne déclare en moyenne que 500 à 700 dinars tunisiens (DT) par mois alors que son revenu moyen mensuel est estimé à près de 50 000 DT (1 DT = 0,30 euro). 

Les avocats ne font pas mieux. Près de la moitié des 7 400 avocats tunisiens ne possédaient pas d’identifiant fiscal en 2015 et 34% ne versaient rien au fisc. 

Or, échaudé par l’expérience de ses prédécesseurs, qui ont essayé d’obliger médecins, avocats et d’autres à devenir de meilleurs contribuables et ont fini par battre en retraite, l’actuel gouvernement a soigneusement évité de toucher à la fiscalité des professions libérales. Cela n’a pas empêché ces dernières de s’y opposer, peut-être parce qu’elles se disent que l’attaque est la meilleure défense et qu’il s’agit d’anticiper pour dissuader les autorités d’envisager de changer de nouveau leur fiscalité.

Cette fois, les professions libérales se sont opposées à deux dispositions. La première visait à imposer à ces corporations la levée du secret professionnel au profit du fisc. La seconde concernait la soumission des services rendus par six professions non commerciales à une TVA de 19%, au lieu des 13% jusque-là appliqués. Le gouvernement a cédé sur la première, mais a maintenu la seconde. 

Ainsi, la refonte de la fiscalité tunisienne – dont on parle depuis de dix ans – en vue d’en élargir l’assiette et de la rendre plus juste n’est pas pour aujourd’hui – ni, sans doute, pour demain. 

Comment sortir de cette impasse? Pour Ezzeddine Saïdane, ancien banquier reconverti dans le conseil financier, cela implique qu’on se dirige vers une «réconciliation fiscale», que le fisc «cesse de voir tous les contribuables comme des voleurs» et que ces contribuables «ne le considèrent pas comme injuste».


Automobile: les équipementiers français pressent Bruxelles d'imposer un contenu local

 Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
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  • Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe
  • Mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie"

PARIS: Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi.

Dans cette missive adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et datée du 12 décembre, les dirigeants des équipementiers Valeo, Forvia et OPmobility demandent à la Commission "des mesures claires sur le contenu local lors des annonces du 16 décembre".

Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe, mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie", écrivent Christophe Périllat (Valeo), Martin Fisher (Forvia) et Félicie Burelle (OPmobility).

"Les perspectives actuelles indiquent que 350.000 emplois et 23% de la valeur ajoutée des automobiles dans l'UE sont en danger d'ici 2030 si des mesures fortes ne sont pas prises de manière urgente", ajoutent-ils.

Ces équipementiers soutiennent "la position des ministres français en faveur de +flexibilités ciblées+ dans la réglementation sur (les émissions de) CO2 si elle est assortie de conditions de critères de contenu local, dans l'intérêt des emplois, du savoir-faire dans l'automobile" et de "l'empreinte carbone" en Europe.

Les constructeurs automobiles européens et l'Allemagne notamment réclament depuis des semaines de nets assouplissements dans l'interdiction de vendre des voitures neuves thermiques ou hybrides prévue à partir de 2035.

Les annonces de la Commission sont attendues mardi après-midi.

La semaine dernière, plusieurs ministres français avaient envoyé une lettre aux commissaires européens pour dire qu'ils acceptaient des "flexibilités ciblées", à condition qu'elles s'accompagnent d'une règlementation incitative à la production en Europe.

"On est prêt à faire preuve de flexibilité", avait ensuite expliqué Roland Lescure, ministre français de l'Economie. "Si vous voulez vendre encore un peu de moteurs thermiques en 2035 très bien, mais il faut qu’ils soient faits en Europe", avec "au moins 75% de la valeur ajoutée faite en Europe", avait-il ajouté.


Espagne: amende de 64 millions d'euros contre Airbnb pour avoir publié des annonces de logements interdits

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
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  • L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation
  • "Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux"

MADRID: Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays.

En Espagne, les plateformes de location de courte durée suscitent un vif débat, surtout dans les grandes villes touristiques, où de nombreux habitants leur reprochent de contribuer à la flambée des loyers.

L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation, ajoutant que la plateforme basée aux Etats-Unis devait désormais "corriger les manquements constatés en supprimant les contenus illégaux".

"Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux", a critiqué le ministre de la Consommation, Pablo Bustinduy, cité dans le communiqué.

"Aucune entreprise en Espagne, aussi grande ou puissante soit-elle, n'est au-dessus des lois", a-t-il poursuivi.

L'Espagne a accueilli en 2024 un nombre record de 94 millions de visiteurs, ce qui en fait la deuxième destination touristique dans le monde derrière la France. Ce chiffre pourrait être battu cette année.

Mais si le tourisme est un moteur de l'économie, de nombreux Espagnols dénoncent la congestion des infrastructures, la disparition des commerces traditionnels, remplacés par des boutiques touristiques, et surtout la flambée des loyers, les propriétaires de logements se tournant vers la location touristique, y compris sur Airbnb, nettement plus rentable.

Face à cette poussée de colère, plusieurs régions et municipalités ont annoncé des mesures ces derniers mois, à l'image de la mairie de Barcelone (nord-est), qui a promis de ne pas renouveler les licences de quelque 10.000 appartements touristiques, qui expireront en novembre 2028.

 


La RATP se cherche un ou une présidente

Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
Cette photographie montre le logo de la société française de transports publics RATP, sur un bâtiment à Paris, le 3 mars 2025. (AFP)
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  • Après le départ de Jean Castex à la SNCF, l’Élysée s’apprête à nommer rapidement le nouveau président ou la nouvelle présidente de la RATP
  • Plusieurs profils circulent, tandis que la régie fait face à d’importants défis

PARIS: Après le départ de Jean Castex à la SNCF, la RATP se cherche un ou une présidente, dont la nomination pourrait intervenir "rapidement", selon des sources concordantes.

L'annonce se fera par communiqué de l'Elysée en vertu de l'article 13 de la Constitution qui prévoit que le président de la République nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat.

Suivront, deux semaines plus tard, deux auditions de l'impétrant devant les sénateurs, puis devant les députés. Les parlementaires ont la possibilité de s'opposer au candidat d'Emmanuel Macron s'ils réunissent trois cinquième de leurs votes cumulés contre le nom choisi par l'Elysée.

En revanche, si le candidat est adoubé par le Parlement, son nom est proposé en conseil d'administration comme nouvel administrateur, puis confirmé dans la foulée par un décret suivant le conseil des ministres.

Depuis l'arrivée de l'ancien Premier ministre Jean Castex à la tête de la SNCF début novembre, les rumeurs se multiplient sur le nom de celui ou celle qui sera chargé de lui succéder aux commandes de la Régie autonome des transports parisiens, vieille dame créée le 21 mars 1948 et désormais plongée dans le grand bain de l'ouverture à la concurrence.

Les articles de presse pèsent les différents "profils" pressentis, politiques ou techniques qui pourraient "faire le job".

Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Xavier Piechaczyk, président du directoire du distributeur d'électricité RTE et ex-conseiller énergie-transport de Jean-Marc Ayrault et François Hollande, Alain Krakovitch, actuel directeur des TGV et Intercités à SNCF Voyageurs, Jean-François Monteils, président du directoire de la Société des grands projets (SGP) et selon la Tribune, Valérie Vesque-Jeancard, présidente de Vinci Airways et directrice déléguée de Vinci Airports.

"Si le nom sort de l'Elysée avant la fin de l'année, cela permettrait au PDG de prendre ses fonctions fin janvier-début février" souligne un fin connaisseur des milieux ferroviaires qui requiert l'anonymat.

- "Aller vite" -

"Une entreprise industrielle comme la RATP ne peut pas rester sans pilote très longtemps" souligne une autre source, proche du dossier, qui requiert aussi l'anonymat, avant d'ajouter "il faut aller vite, car c'est aussi une boite politique, la RATP".

Une entreprise aux enjeux d'autant plus complexes, que malgré son ancrage initial parisien, la RATP dépend du financement de la région Ile-de-France pour ses matériels, s'étend de plus en plus loin dans la banlieue, voire en métropole, et gère des réseaux de transports dans 16 pays sur les cinq continents.

En France, elle est notamment pressentie pour gérer les transports ferroviaires régionaux autour de Caen en Normandie à partir de 2027 après avoir répondu - via sa filiale RATP Dev - à des appels d'offre d'ouverture à la concurrence.

A Paris, la RATP est en train d'introduire progressivement de nouveaux matériels sur son réseau. Le nouveau métro MF19 construit par Alstom, ira d'abord sur la ligne 10 puis sept autres lignes (7 bis, 3 bis, 13 d'ici 2027, puis 12, 8, 3 et 7 d'ici 2034).

L'ensemble du processus prendra une dizaine d'années environ de travaux de modernisation sur les lignes concernées: beaucoup d'ingénierie fine à organiser pour réaliser les travaux pendant la nuit sans interrompre le trafic diurne et de désagréments pour les voyageurs.

A échéance plus lointaine, le ou la future patronne devra déterminer la stratégie du groupe dans les nouvelles ouvertures à la concurrence qui se dessinent: les tramway en 2030 puis le métro en 2040.

Sur le réseau de bus francilien, où la RATP a d'ores et déjà perdu son monopole, elle est parvenue à conserver l'exploitation de 70% des lignes d'autobus qu'elle gérait à l'issue des dernières vagues d'appels d'offre de mise en concurrence qui se sont achevées cet automne.

En particulier, elle continue d'exploiter via RATP Dev tous les bus de Paris intra-muros et a engagé un processus de verdissement de sa flotte de bus, financé par Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports.

Ses concurrents Keolis (filiale de la SNCF), Transdev et l'italien ATM ont pris les rênes le 1er novembre des lignes remportées.