Des soldats israéliens mis en accusation pour avoir bombardé une maison palestinienne

Les groupes de défense des droits insistent depuis longtemps que les enquêtes militaires israéliennes sur les meurtres de Palestiniens reflètent une tendance à l’impunité. (AFP)
Les groupes de défense des droits insistent depuis longtemps que les enquêtes militaires israéliennes sur les meurtres de Palestiniens reflètent une tendance à l’impunité. (AFP)
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Publié le Samedi 31 décembre 2022

Des soldats israéliens mis en accusation pour avoir bombardé une maison palestinienne

  • L’acte d’accusation indique que les deux soldats ont agi par désir de vengeance après l’enlèvement d’un élève israélien dans la ville de Jénine en Cisjordanie le 22 novembre
  • Des poursuites militaires aussi rapides sont très inhabituelles et mettent en lumière la gravité de l’affaire

JÉRUSALEM: L’armée israélienne a déclaré que son procureur avait déposé des actes d’accusation contre deux soldats qui auraient lancé un engin explosif sur une maison palestinienne en Cisjordanie occupée. Il s’agit d’un cas rare où les troupes israéliennes font face à de graves accusations pour une infraction contre des Palestiniens.

Les procureurs ont accusé les deux soldats de fabrication d’un engin explosif, de violences volontaires aggravées, d’atteintes intentionnelles à des biens et d’entrave à l’enquête, annonce l’armée jeudi soir. Le tribunal a ordonné aux soldats de rester en détention jusqu’à leur procès le mois prochain. Ils ont été arrêtés le 28 novembre.

L’acte d’accusation indique que les deux soldats ont agi par désir de vengeance après l’enlèvement d’un élève israélien dans la ville de Jénine en Cisjordanie le 22 novembre.

Des militants palestiniens de Jénine s’étaient emparés du corps de Tiran Fero, 17 ans, membre de la minorité arabe druze d’Israël, dans un hôpital local où il recevait des soins après un accident de voiture. Le père de Fero a accusé les militants d’avoir arraché son fils à son appareil de survie alors qu’il était encore en vie. L’armée israélienne avait déclaré qu’il était déjà mort lorsque les militants ont emporté son corps.

Cet enlèvement a inquiété la communauté druze d’Israël. Au moment où la colère faisait rage, des vidéos circulaient sur les réseaux sociaux. On y voyait des hommes druzes menaçant de se venger des Palestiniens. La police a déclaré que des villageois druzes avaient même attaqué et ligoté trois ouvriers palestiniens dans le nord d’Israël.

Au milieu des affrontements autour du corps de Fero, les deux accusés – apparemment des soldats druzes – ont assemblé un engin explosif, avec l’aide d’un troisième soldat, annonce l’armée jeudi. Les soldats ont pris une maison palestinienne près de la ville cisjordanienne de Bethléem pour cible et ont lancé des pierres dessus. Quelques jours plus tard, ils ont largué l’engin explosif sur la maison surpeuplée «avec l’intention d’y provoquer un incendie», ajoutent les militaires.

L’étendue des dégâts et le bilan des victimes ne sont pas clairs. Il n’y a aucun détail sur la famille ciblée dans les médias palestiniens.

L’armée a déclaré qu’elle publierait un acte d’accusation contre le troisième soldat dans les prochains jours. Les trois soldats n’ont pas été nommés. Les militaires n’ont pas immédiatement répondu à la demande de commentaires sur les sanctions auxquelles ils pourraient faire face.

Des poursuites militaires aussi rapides sont très inhabituelles et mettent en lumière la gravité de l’affaire. Les groupes de défense des droits insistent depuis longtemps que les enquêtes militaires israéliennes sur les meurtres de Palestiniens reflètent une tendance à l’impunité. Plus tôt ce mois-ci, le groupe israélien de défense des droits de l’homme Yesh Din a rapporté que des soldats israéliens, accusés d’avoir fait du mal à des Palestiniens en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza au cours des cinq dernières années, ont été inculpés dans moins de 1% des 1 260 plaintes déposées contre eux.

Les critiques ont accusé à plusieurs reprises les forces israéliennes d’utiliser une puissance de feu excessive en Cisjordanie au moment où la violence dans le territoire occupé atteint son plus haut niveau depuis des années. L’armée israélienne a mené des raids quasi quotidiens dans les villes palestiniennes, tuant plus de 150 Palestiniens. L’armée israélienne affirme que la plupart des Palestiniens tués étaient des militants. Mais des jeunes lanceurs de pierres qui protestaient contre les incursions et d’autres non impliqués dans les affrontements ont également été tués. Pendant ce temps, les attaques palestiniennes, avec couteaux, bombes et fusillades ont tué vingt-neuf Israéliens en 2022, entre soldats et civils, rapporte le ministère israélien des Affaires étrangères.

La plupart des Palestiniens ont été tués lors de raids militaires israéliens et de combats dans les villes du nord de la Cisjordanie, Jénine et Naplouse. Vendredi, l’armée israélienne est entrée à Naplouse pour procéder à l’arrestation d’un Palestinien recherché, selon les autorités de la ville. Cet acte a provoqué de violents affrontements avec des militants palestiniens qui ont tiré sur des soldats israéliens et lancé des pierres et des engins explosifs sur des véhicules israéliens. Des coups de feu ont retenti dans les rues et des pneus ont été brûlés.

Plus tard, le ministère palestinien de la Santé a déclaré que huit Palestiniens avaient été blessés par des éclats d’obus.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.