2022: Le Liban, un pays à la dérive

Vacance institutionnelle à la tête de l’État, aggravation de la crise financière: le pays du Cèdre a vécu avec 2022 l’une de ses pires années, avec une multitude d’événements et d’épisodes qui ont confirmé la déliquescence que connaît le pays. (AFP)
Vacance institutionnelle à la tête de l’État, aggravation de la crise financière: le pays du Cèdre a vécu avec 2022 l’une de ses pires années, avec une multitude d’événements et d’épisodes qui ont confirmé la déliquescence que connaît le pays. (AFP)
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Publié le Vendredi 13 janvier 2023

2022: Le Liban, un pays à la dérive

  • En quittant le palais de Baabda, Michel Aoun laisse derrière lui un vide inédit au niveau de l’exécutif : ni président ni Premier ministre
  • Le Liban et Israël ont signé un accord historique qui délimite leur frontière maritime

Un navire sans capitaine à la dérive: cette image illustre bien l’état du Liban en cette fin d’année 2022. Vacance institutionnelle à la tête de l’État, aggravation de la crise financière: le pays du Cèdre a vécu avec 2022 l’une de ses pires années, avec une multitude d’événements et d’épisodes qui ont confirmé la déliquescence que connaît le pays. 

Jusqu’à la dernière minute, Michel Aoun avait soufflé le froid et le chaud au sujet de son intention de quitter le palais présidentiel de Baabda à la fin de son mandat, entamé en 2016. Finalement, l’ancien chef de l’État s’est résigné à partir le 30 octobre dernier, sans oublier pour autant d’approuver la démission du gouvernement par intérim de Najib Mikati. Ce dernier continuera d’expédier les affaires courantes comme il le fait depuis six mois, faute d’accord entre les partis sur la composition d’un nouveau cabinet, une situation qui dure depuis les élections législatives, le 15 mai dernier.

Michel Aoun laisse derrière lui un vide inédit au niveau de l’exécutif: ni président ni Premier ministre. Le pays est donc dirigé actuellement par le gouvernement démissionnaire de Najib Mikati.

L’impasse du scrutin présidentiel se confirme avec l’échec du 10e round, jeudi 15 décembre. Le Parlement n’a pu se mettre d’accord sur le nom d’un successeur à cause d’une polarisation extrême de la vie politique au Liban. Bien que le nom du député souverainiste de Zghorta, Michel Moawad, ait créé la surprise – c’est celui qui a obtenu le plus de voix face au Hezbollah et ses alliés –, il n’a pas réussi à obtenir la majorité requise. 

Lors du premier tour, le président doit être élu avec 86 voix, alors qu'une majorité absolue de 65 voix est requise lors des tours suivants. Toutefois, jusque-là, la Chambre n'est toujours pas parvenue à un second tour de vote: les députés du camp du Hezbollah et ses alliés se sont retirés de la séance à l'issue du dépouillement du premier tour, conduisant à chaque fois à la perte du quorum.

 

Législatives: espoir et désillusion

Le blocage actuel est principalement dû à l’effritement du Parlement libanais après les dernières élections législatives, qui ont eu lieu en mai 2022. Pourtant, l’ambiance était positive avant le scrutin, avec l’espoir de voir des députés de la contestation élus au nouveau Parlement. 

Il s’agissait d’un référendum pour ou contre le Hezbollah. Les résultats confirment un net recul du parti chiite pro-iranien et de ses alliés, sans pour autant remettre en question le système politique dénoncé depuis qu’a commencé la contestation populaire, en octobre 2019. Néanmoins, l’hémicycle a vu, pour la première fois depuis la fin de la guerre, l’arrivée de nouveaux visages issus de la société civile sur fond de boycott des élections par l’ancien Premier ministre Saad Hariri et son parti, le Courant du futur (sunnite). 

Les candidats – désunis – de la thawra (littéralement: «révolution», NDLR) ont fait une percée notable avec treize députés, dont deux ont finalement été recalés après le jugement, à la fin du mois de décembre, du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, la polarisation durant la campagne a été confirmée au sein de l’Assemblée. On retrouve ainsi deux blocs principaux sans majorité décisive. D’un côté, le tandem chiite Hezbollah-Amal, et son allié chrétien, le Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun. De l’autre, l’opposition, avec en tête de file les Forces libanaises de Samir Geagea et le Parti socialiste progressiste (fondé par Walid Joumblatt, il représente la communauté druze). Aucun ne possède la majorité parlementaire.

 

Accord avec Israël

L’autre événement marquant survenu au Liban en 2022 a été la signature, quelques jours seulement avant la fin du sexennat de M. Aoun, d’un accord, considéré comme historique entre le Liban et Israël, qui délimite leur frontière maritime après des mois de négociations ardues et de tensions militaires entre le Hezbollah et l’État hébreu. Ce marché, conclu grâce à la médiation des États-Unis et de la France, reste toutefois controversé. Plusieurs experts affirment que la ligne de démarcation, appelée «ligne 23», n’est fondée sur aucun tracé technique reconnu par le droit international maritime. Sur le plan politique, l’opposition dénonce des concessions de la part de Beyrouth, le président Aoun voulant à tout prix finir son mandat sur une note positive. 

Michel Aoun laisse néanmoins un pays en état de déliquescence à tous les niveaux. À la fin de l’année, la livre libanaise (LL) a brièvement franchi la triste barre des 47 000 LL pour 1 dollar (1 dollar = 0,94 euro), un nouveau record de dépréciation dans un pays qui poursuit son effondrement socio-économique. 2022 avait commencé par un record: quatre jours après le début de l’année, la livre libanaise avait pour la première fois franchi la barre des 30 000 LL pour 1 dollar. 

Depuis le début de la crise socio-économique du pays du Cèdre, il y a trois ans, la livre libanaise a perdu 95% de sa valeur sur le marché. Les dépôts bancaires des épargnants en devises étrangères sont bloqués depuis le début – en octobre 2019 – de la profonde dépression financière qui frappe le Liban depuis octobre 2019.

Cet effondrement s’illustre par ailleurs au niveau des institutions de l’État. L’électricité du Liban ne fournit que deux heures de courant par jour, faute de budget pour acheter du fuel. Les administrations publiques, les palais de justice, les municipalités, les cadastres fonciers ouvrent leurs portes à peine deux ou trois jours par semaine, les fonctionnaires, les enseignants et les juges ayant déserté leurs bureaux. Un rapport récent du Conseil de la fonction publique révèle un taux moyen de vacance de l’ordre de 72%, hors corps diplomatique. Même au sein de l’armée libanaise, des milliers de soldats ont déserté, alors que d’autres exercent un emploi parallèle pour joindre les deux bouts à la fin du mois. 

 

Drame des migrants et choléra

Pire, aucun plan de redressement n’est en vue, alors que le pays doit impérativement signer sur ce sujet un accord de réformes avec le FMI pour sortir de la crise.

Le Liban a connu par ailleurs plusieurs drames liés à l’immigration clandestine. Le premier, en avril, a entraîné la mort d’au moins six personnes quand un bateau a sombré au large de Tripoli, la capitale du Liban-Nord. Le second est considéré comme l’un des naufrages les plus meurtriers survenus ces dernières années en Méditerranée orientale.

Fuyant un quotidien invivable en raison d’une crise d’une ampleur monumentale et pris au piège du cynisme des passeurs, des migrants clandestins libanais, syriens et palestiniens se sont noyés en Méditerranée. Le bilan est très lourd: près de cent morts.

Pour ne rien arranger, en cette année 2022, le Liban a vu l’apparition en octobre dernier d’une épidémie mortelle de choléra, notamment liée à la venue de réfugiés syriens atteints de la maladie dans leur pays, où sévit cette maladie. Cette pandémie a mis en lumière un système de santé délabré, des hôpitaux publics au bord de l’explosion et un réseau d’assainissement des eaux usées défectueux, en partie à cause de la corruption. Le choléra avait disparu du pays depuis des décennies; le nombre total de cas jusqu’à fin décembre se chiffre à près de sept cents et celui des décès à au moins vingt-trois.


Le navire humanitaire des Émirats arabes unis pour Gaza arrive en Égypte

Le navire, qui fait partie de l'opération "Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis, était chargé de 7 000 tonnes de nourriture, d'aide médicale et de secours. (WAM)
Le navire, qui fait partie de l'opération "Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis, était chargé de 7 000 tonnes de nourriture, d'aide médicale et de secours. (WAM)
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  • La cargaison d'aide comprend 5 000 tonnes de colis alimentaires, 1 900 tonnes de fournitures pour les cuisines communautaires, 100 tonnes de tentes médicales ainsi que cinq ambulances entièrement équipées
  • En août, les Émirats arabes unis ont inauguré une conduite d'eau de 7,5 kilomètres qui acheminera vers la bande de Gaza de l'eau dessalée provenant d'usines de dessalement émiraties situées en Égypte

DUBAI : Le navire humanitaire Hamdan des Émirats arabes unis, qui a quitté le port de Khalifa le 30 août, est arrivé au port d'Al-Arish, en Égypte, où des denrées alimentaires et des fournitures médicales seront déchargées puis livrées aux habitants de la bande de Gaza assiégée.

Le navire, qui fait partie de l'initiative humanitaire "Operation Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis pour Gaza, qui fournit une aide essentielle par le biais de convois terrestres, d'expéditions maritimes et de largages aériens, a été chargé de 7 000 tonnes de nourriture, de matériel médical et d'aide d'urgence, a rapporté l'agence de presse nationale WAM.

La cargaison d'aide comprend 5 000 tonnes de colis alimentaires, 1 900 tonnes de fournitures pour les cuisines communautaires, 100 tonnes de tentes médicales ainsi que cinq ambulances entièrement équipées.

Les Émirats ont jusqu'à présent envoyé 20 navires d'aide à Gaza et ont livré environ 90 000 tonnes d'aide humanitaire, pour un coût de 1,8 milliard de dollars, depuis le lancement de l'opération "Chivalrous Knight 3".

En août, les Émirats arabes unis ont inauguré une conduite d'eau de 7,5 kilomètres qui acheminera vers la bande de Gaza de l'eau dessalée provenant d'usines de dessalement émiraties situées en Égypte. Le pipeline a une capacité d'environ 2 millions de gallons par jour et pourrait desservir plus d'un million de personnes.


L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis visite le bureau de l'attaché militaire à Washington

L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, la princesse Reema bint Bandar, visite le bureau de l'attaché militaire à Washington (SPA)
L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, la princesse Reema bint Bandar, visite le bureau de l'attaché militaire à Washington (SPA)
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  • La princesse Reema a été informée des fonctions, des tâches et des départements du bureau de l'attaché militaire
  • Elle a également été informée du soutien que l'attaché reçoit de la part des dirigeants saoudiens pour renforcer les intérêts communs entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en matière de défense et de coopération militaire

RIYADH : La princesse Reema bint Bandar, ambassadrice saoudienne aux Etats-Unis, a visité lundi le bureau de l'attaché militaire saoudien à Washington.

La princesse Reema a été informée des fonctions, des tâches et des départements du bureau de l'attaché au cours de sa visite, a rapporté l'agence de presse saoudienne.

Elle a également été informée du soutien que l'attaché reçoit de la part des dirigeants saoudiens pour renforcer les intérêts communs entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en matière de défense et de coopération militaire.

La princesse Reema a été reçue par le ministre adjoint saoudien de la Défense pour les affaires exécutives, Khaled Al-Biyari, qui est en visite officielle à Washington, ainsi que par l'attaché militaire saoudien à Washington et Ottawa, le général de division Abdullah bin Khalaf Al-Khathami, et les chefs des départements de l'attaché.


Turquie: le principal parti d'opposition dans l'attente d'une décision judiciaire cruciale

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  • "Ecoute cette place Erdogan", a lancé dimanche soir le président de ce parti, Özgür Özel, devant les manifestants qui scandaient "Erdogan, démission !"
  • "Aujourd'hui, nous sommes confrontés aux graves conséquences de l'abandon du train de la démocratie par le gouvernement démocratiquement élu en Turquie, qui a choisi de gouverner le pays par l'oppression plutôt que par les urnes"

ANKARA: Le principal parti d'opposition au président turc Recep Tayyip Erdogan, le CHP, attend lundi une décision judiciaire cruciale qui pourrait chambouler sa direction en raison d'une accusation de fraudes.

Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dimanche à Ankara à la veille de cette audience pour soutenir le CHP (Parti républicain du peuple, social démocrate) qui rejette les accusations et estime que les autorités tentent de l'affaiblir par un "procès politique".

"Ecoute cette place Erdogan", a lancé dimanche soir le président de ce parti, Özgür Özel, devant les manifestants qui scandaient "Erdogan, démission !".

"Aujourd'hui, nous sommes confrontés aux graves conséquences de l'abandon du train de la démocratie par le gouvernement démocratiquement élu en Turquie, qui a choisi de gouverner le pays par l'oppression plutôt que par les urnes. Quiconque représente une menace démocratique pour lui est désormais sa cible", a affirmé M. Özel.

"Ce procès est politique, les allégations sont calomnieuses. C'est un coup d'État et nous résisterons", a-t-il martelé.

"Il ne s'agit pas du CHP mais de l'existence ou de l'absence de démocratie en Turquie", a déclaré pour sa part Ekrem Imamoglu aux journalistes vendredi, après avoir comparu devant un tribunal pour des accusations sans lien avec cette affaire.

Lorsque Özgür Özel a pris sa direction en novembre 2023, le CHP était en crise mais, en mars 2024, il a conduit le parti à une éclatante victoire aux élections locales.

Depuis l'arrestation du maire d'Istanbul en mars dernier, M. Özel a su galvaniser les foules, s'attirant les foudres du pouvoir en organisant chaque semaine des rassemblements, jusque dans des villes longtemps considérées comme des bastions du président Erdogan.

Peines de prison 

L'audience doit débuter à 10H00 (07H00 GMT), devant le 42e tribunal civil de première instance de la capitale turque. Elle doit statuer sur la possible annulation des résultats du congrès du CHP en novembre 2023.

Pendant ce congrès, les délégués avaient évincé le président de longue date du parti, Kemal Kilicdaroglu, tombé en disgrâce, et élu Özgür Özel.

L'acte d'accusation désigne M. Kilicdaroglu comme étant la partie lésée et réclame des peines de prison pouvant aller jusqu'à trois ans pour M. Imamoglu et dix autres maires et responsables du CHP, accusés de "fraude électorale".

Si la justice le décidait, M. Özel pourrait donc se voir démettre de ses fonctions à la tête de cette formation.

Le 2 septembre, un tribunal a destitué la direction de la branche d'Istanbul du CHP en raison d'accusations d'achats de votes au cours de son congrès provincial et nommé un administrateur pour prendre le relais.

Cette décision, qui a été largement perçue comme pouvant faire jurisprudence, a déclenché de vives protestations et entraîné une chute de 5,5% de la Bourse, faisant craindre que le résultat de lundi ne nuise également à la fragile économie de la Turquie.

Si le tribunal d'Ankara déclarait les résultats du congrès du CHP nuls et non avenus, cela pourrait annoncer le retour de son ancien leader Kemal Kilicdaroglu, qui a accumulé une série de défaites électorales ayant plongé le parti dans une crise.

Selon certains observateurs, l'affaire s'apparente à une tentative des autorités de saper le plus ancien parti politique de Turquie, qui a remporté une énorme victoire contre l'AKP (Parti de la justice et du développement, conservateur) du président Erdogan aux élections locales de 2024 et gagne en popularité dans les sondages.

Sa popularité a augmenté depuis qu'il a organisé les plus grandes manifestations de rue de Turquie en une décennie, déclenchées par l'emprisonnement en mars de son candidat à la présidence de la République, le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu.

Dans une tentative de protéger sa direction, le CHP a convoqué un congrès extraordinaire le 21 septembre. Si le tribunal destituait M. Özel et rétablissait M. Kilicdaroglu, les membres du parti pourraient donc tout simplement réélire Özgür Özel six jours plus tard.