Une nouvelle année de tourmente pour l'économie turque

Une inflation à deux chiffres, une monnaie en chute libre et un chômage croissant créent des ennuis pour la Turquie (Shutterstock)
Une inflation à deux chiffres, une monnaie en chute libre et un chômage croissant créent des ennuis pour la Turquie (Shutterstock)
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Publié le Jeudi 19 novembre 2020

Une nouvelle année de tourmente pour l'économie turque

  • La Turquie connaît actuellement un grave déficit de la balance courante, et qui devrait atteindre 2,7 milliards de dollars en septembre
  • La livre turque, de loin la devise la moins performante, a perdu près de 30% de sa valeur cette année

ANKARA: La gestion économique de la Turquie a connu une année mouvementée, entre la crise monétaire et la volatilité des taux d’intérêt qui ébranlent la confiance des investisseurs.

Le récent congédiement du gouverneur de la Banque centrale par décret présidentiel du jour au lendemain a créé une atmosphère d'inquiétude. La démission de Berat Albayrak, ministre turc des Finances et gendre du président Recep Tayyip Erdogan, contribue au climat de défaite général. Les investisseurs espèrent désormais que 2021 améliorera les perspectives économiques du pays.

Albayrak, qui a pris les rênes des finances à la mi-2018, est accusé d’avoir opté pour une stratégie monétaire axée autour d’une ingérence politique coûteuse sur les marchés des devises, et d’avoir ainsi épuisé les réserves de la banque.

La Turquie connaît actuellement un grave déficit de la balance courante, et qui devrait atteindre 2,7 milliards de dollars en septembre.

Les banques détenues par l’État turc auraient vendu cette année près de 100 milliards de dollars des réserves pour soutenir la devise locale. Ces mesures préconisées par la banque centrale ont déclenché une ruée vers les dollars parmi les particuliers à la recherche d'un refuge pour leurs pécules dans les tempêtes de 2020.

Les réserves de devises étrangères du pays ont atteint leur point le plus bas au cours des deux dernières décennies, ce qui a conduit l'agence de notation de crédit Moody's à avertir en septembre que la Turquie a «presque épuisé les réserves qui lui permettraient d'éviter une potentielle crise de la balance des paiements».

Afin de gagner la confiance des investisseurs après la chute de la livre, le gouverneur de la Banque centrale a été remplacé par Naci Agbal, et le poste du ministère des Finances occupé par Lutfi Elvan. L’annonce de la nomination de ces deux alliés proches d'Erdogan a fait bondir la livre turque contre l'euro et le dollar, mais certains experts estiment que cette halte pourrait être de courte durée.

Lors de sa première apparition publique mardi, Elvan a assuré que les politiques de croissance du gouvernement ne menaceraient certainement pas sa lutte contre une inflation à deux chiffres qui continue d’épuiser l’épargne des citoyens.

«Le processus de croissance de la Turquie est planifié et contrôlé d’une manière à ne pas menacer notre combat contre l’inflation et pour la stabilité macroéconomique», a-t-il déclaré. Il a de plus promis que le pays connaîtrait une croissance durable dans deux ans.

Dans la perspective d'élections anticipées et de bouleversements politiques, la tourmente économique s'aggrave avec la monnaie sombrant à des niveaux record puisque la Banque centrale, sous la pression politique de ne pas augmenter les taux, a maintenu les taux d'intérêt directeurs à environ 10,25%.

Erdogan est connu pour son opposition farouche à la hausse des taux d'intérêt, qualifiant cette politique monétaire de «source de tous les maux».

À un moment critique, la banque centrale tiendra sa prochaine réunion aujourd'hui pour décider des taux d'intérêt dans une décision très importante et parfaitement anticipée.

Les taux réels sont considérés comme plus élevés que les chiffres officiels, avec une inflation d'environ 12% et des taux de chômage en croissance constante, en particulier chez les jeunes. Plus de 10 millions de personnes sont sans emploi en Turquie.

La livre turque, de loin la devise la moins performante, a perdu près de 30% de sa valeur cette année. Sous la nouvelle administration de Joe Biden aux États-Unis, le gouvernement turc pourrait faire face à d'éventuelles sanctions américaines pour son achat précédent d'un système de missiles russe.

Wolfango Piccoli, coprésident de la firme londonienne Teneo Intelligence, a déclaré que 2020 a prouvé que le modèle de développement économique de la Turquie, largement fondé sur l’obtention facile du crédit, n’est plus du tout viable et a largement dépassé sa date d'expiration.

Le président turc Tayyip Erdogan s'oppose fermement à la hausse des taux d'intérêt (Photo, AFP)
Le président turc Tayyip Erdogan s'oppose fermement à la hausse des taux d'intérêt (Photo, AFP)

«Pour l'avenir, la question fondamentale est de savoir si la Turquie possède vraiment des responsables et des politiciens capables de concevoir et de mettre en œuvre une nouvelle stratégie économique et si Erdogan est prêt à accepter ces changements malgré leur coût politique», a-t-il déclaré à Arab News.

Avec des enjeux si élevés, les observateurs du marché s'attendent à des hausses de taux et à la fin de la croissance du pays basée sur le crédit qui prévaut depuis trois ans. La pression politique continue sur la banque centrale turque est une source de préoccupation aditionnelle pour les investisseurs.

Selon Piccoli - qui a estimé que les nouvelles nominations de l'équipe économique sont loin d’indiquer un retour soudain à la rigueur économique; plus la Turquie s'en tient à l'ancienne stratégie, plus grand sera l’embarras dans lequel elle se trouvera.

La pandémie de la Covid-19 a déclenché une contraction pour la première fois en Turquie depuis plus d'une décennie, et l'économie devrait cette année reculer de 3,4%, selon un nouveau sondage de Reuters. L'économie s'est contractée de 10% au deuxième trimestre, alors que la dernière contraction sur une base annuelle remonte à 2009. Touchée par la crise financière, l’économie avait reculé à l’époque de 4,7%

Reuters prédit que la balance courante afficherait un déficit d'environ 3,8% du produit intérieur brut cette année.

Parallèlement, les derniers chiffres officiels montrent que les revenus du tourisme de la Turquie pendant la pandémie ont diminué de plus de 70%, une baisse qui a eu une influence négative sur la balance des opérations courantes.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.