Jack Lang, président de l'IMA: la culture, un pas de géant vers la connaissance de l’autre

Jack Lang à Arab News en français: «Par tempérament, je suis optimiste. J’ai envie de reprendre une jolie expression de Nelson Mandela. Son rêve était, disait-il à propos de l’Afrique du Sud, de créer une nation “arc-en-ciel”. Eh bien, je crois que la France est devenue elle aussi à sa manière une nation arc-en-ciel». (AFP).
Jack Lang à Arab News en français: «Par tempérament, je suis optimiste. J’ai envie de reprendre une jolie expression de Nelson Mandela. Son rêve était, disait-il à propos de l’Afrique du Sud, de créer une nation “arc-en-ciel”. Eh bien, je crois que la France est devenue elle aussi à sa manière une nation arc-en-ciel». (AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 19 novembre 2020

Jack Lang, président de l'IMA: la culture, un pas de géant vers la connaissance de l’autre

  • Voici le texte intégral de l'entretien accordé à Arab news en français par Jack Lang
  • «Quand on étudie l’histoire du monde arabe, on constate qu’à de nombreux moments les religions, les cultures, les peuples se sont rencontrés et enrichis mutuellement. Aujourd’hui encore» , affirme Lang

Nous vivons depuis quelques années une période difficile. Les attentats de 2015 et autres actes meurtriers commis au nom d’une certaine vision de l’islam ont marqué douloureusement la population. Pensez-vous que ces faits ont changé la France, ainsi que le regard des Français envers les Français d’origine arabe et envers les Arabes?

Je ne le pense pas. La plupart des citoyens sont des gens éduqués, civilisés. Ils savent parfaitement que les crimes perpétrés par les terroristes sont des actes commis par des fanatiques, par des obscurantistes, et ils savent que ces assassins invoquent la religion pour justifier l’injustifiable. La plupart des citoyens qui habitent la France savent parfaitement faire la distinction entre les musulmans et ces criminels qui n’ont rien à voir avec les musulmans.

 

En tant qu’ancien ministre de l’Éducation nationale, quelle a été votre réaction à l’annonce de l’assassinat de Samuel Paty, auquel l’IMA a rendu hommage?

Pour moi, en toutes circonstances, un professeur est sacré, au même titre que tout être humain, quels que soient sa religion, son appartenance ethnique, son âge… Je respecte la vie. Beaucoup de musulmans en France ont dit avec force que le Coran est un ouvrage de paix et de respect de la vie. Et la personne d’un professeur doit être sacrée, parce que c’est quelqu’un qui élève la dignité de ses élèves, qui contribue à transmettre le savoir. J’ai été évidemment profondément blessé, heurté, choqué par ce crime, et beaucoup de pays ont protesté contre cette violence abominable.

 

L’islam est désormais pour beaucoup, malheureusement, associé au terrorisme. Pour vous, quelles actions pourraient combattre l’amalgame entre islam et terrorisme?

Là encore, je parlerai de l’enseignement, de l’école, des médias aussi, qui peuvent contribuer à éclairer et établir clairement une distinction. L’islam est une grande religion du monde, éclairée et pacifique. Ces criminels n’ont rien à voir avec cette religion. Beaucoup d’entre eux ne parlent même pas l’arabe et ignorent tout de la civilisation musulmane. Ce sont des fanatiques qui voudraient imposer leur loi par la force. Ce n’est pas le reflet de la religion musulmane. Qui, elle, mérite le respect.

 

Dans le cadre de vos fonctions, quelle forme de dialogue avez-vous avec les représentants des organisations musulmanes en France?

Nous entretenons des relations régulières. Nous avons souvent invité des imams à l’Institut du monde arabe. Fréquemment, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui se trouve à trois cents mètres de l’Institut, et avec laquelle nous avons développé un lien étroit, vient nous rendre visite, je m’y rends régulièrement aussi. Nous avons des relations avec beaucoup d’autres imans et beaucoup d’autres mosquées. Nous organisons des colloques, des rencontres sur les religions. Par exemple, un très grand événement a été réalisé par mon équipe et moi-même sur le Hajj, il y a quatre ou cinq ans. Ce fut un très grand succès. Cette exposition, nous l’avons coréalisée avec la bibliothèque du roi Abdel Aziz, et avec d’autres institutions scientifiques. Très souvent, l’islam est présent dans nos conférences, dans nos expositions, dans nos rencontres. 

 

En tant que président de l’IMA, vous êtes au cœur de la promotion de la culture arabe. Selon vous, en quoi la culture peut-elle permettre de rapprocher les peuples et de lutter contre les incompréhensions dans le contexte actuel?

Pour moi, c’est une évidence, la culture est un véritable pont entre les civilisations, entre les peuples, entre les pays. L’ennemi de la paix, c’est l’ignorance, la méconnaissance. L’Institut du monde arabe, mais aussi toutes les institutions culturelles, les écoles, les universités et tout ce qui contribue à élever la connaissance de l’histoire, du présent, de l’art, est une source de compréhension. C’est une évidence absolue.

Quand on étudie l’histoire du monde arabe, on constate qu’à de nombreux moments les religions, les cultures, les peuples se sont rencontrés et enrichis mutuellement. Aujourd’hui encore. Plus nous réussirons à faire connaître la beauté de la littérature, de la peinture, de la création en général, du monde arabe et des autres civilisations, plus nous contribuerons à faire avancer la compréhension entre les uns et les autres.

 

Que vous inspire le débat autour de la loi sur le séparatisme?

Il y a des malentendus. Il faut donc faire attention lorsqu’on s’exprime sur ces sujets, sur les religions ou sur la séparation entre les religions et la politique. Il peut y avoir des malentendus, et je crois que le discours du président Emmanuel Macron a été souvent mal interprété. Il est évident que le président français est attaché au respect des musulmans. Les musulmans en France sont des citoyens à part entière. Ils font partie de nous-mêmes, de notre vie. Les citoyens musulmans, pratiquants ou non, apportent beaucoup à la nation française: leur énergie, leur travail, leur créativité, leurs qualités intellectuelles et artistiques. Je crois justement qu’il faut parler positivement de ce sujet et non pas de manière craintive.

 

La francophonie peut-elle encore servir d’outil d’intégration?

La francophonie réunit des pays qui pratiquent la langue française et situés un peu partout dans le monde: en Afrique, dans le nord de l’Amérique, dans certains pays arabes. Elle peut être un lieu de rencontres, d’échanges, à condition qu’elle soit fraternelle et égalitaire. La francophonie est une belle idée si elle est partagée, réellement partagée, par des pays aux traditions multiples.

D’ailleurs, la langue française elle-même est enrichie par les apports des parlers des différents pays, du Québec, du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne. La francophonie, c’est quelque chose qui doit être vivant et, je le répète, fraternel. Elle appartient à tous les peuples qui pratiquent la langue française, elle n’est pas la propriété de la France, mais de tous. De même que la langue arabe est une langue partagée par des centaines de millions de personnes, qui appartiennent à des cultures et à des traditions différentes, ce qui est tout aussi fantastique. La langue arabe est universelle, mais parlée avec des nuances particulières dans chacun des pays, et c’est ce qui en fait sa force également.

 

Quel bilan de l’intégration à travers la culture sur ces trente dernières années pouvez-vous dresser?

Je crois que la culture a joué et joue un rôle très important, notamment dans certains quartiers. Un très grand nombre d’artistes, aujourd’hui très réputés, très connus, des créateurs, des peintres, des musiciens, des poètes, des écrivains, des cinéastes… viennent de ces quartiers où il y a une grande représentation musulmane, et apportent leur talent et leur imagination. On a envie de dire merci. Merci à tous ces artistes et créateurs qui aujourd’hui font pleinement partie de la culture française. Tous les Français se reconnaissent en eux. C’est vrai, il y a une partie des habitants, dans tous les quartiers de France, qui parfois ne sont pas suffisamment soutenus matériellement pour pouvoir s’intégrer précisément dans la vie. Naturellement, des efforts sont faits par l’école, par les universités, par les centres d’art et de culture. Mais on doit continuer à agir.  

Comment voyez-vous l’avenir sur ces questions? Y a-t-il des raisons d’être optimiste, ou au contraire les motifs d’inquiétude dominent-ils?

Par tempérament, je suis optimiste. J’ai envie de reprendre une jolie expression de Nelson Mandela. Son rêve était, disait-il à propos de l’Afrique du Sud, de créer une nation «arc-en-ciel». Eh bien, je crois que la France est devenue elle aussi à sa manière une nation arc-en-ciel.

Il y a des progrès encore à faire, je ne dis pas qu’il n’y a pas de difficultés. Il y a surtout des inégalités sociales qu’il faut corriger. Mais, par ailleurs, il y a un sentiment d’appartenance commune à une nation qui réussit depuis des siècles, pas seulement récemment, à être un véritable creuset, un «melting-pot» comme diraient les Américains. Même si, malheureusement, les États-Unis sont loin du compte, quand on voit le sort qui est réservé à beaucoup de Noirs ou d’Arabes.

Mais je ne dis pas que c’est parfait. Je pense qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire, envers la jeunesse en particulier. Et moi, je continue de me battre pour que le droit à l’égalité pour tous les jeunes de France, quelles que soient leur origine et leur religion, soit pleinement garanti.


La défiance à l'égard de Macron et de Bayrou au plus haut, selon un sondage Paris, France

Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Short Url
  • La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat
  • Le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi

PARIS: La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat, tandis que le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi.

Près des trois quarts des Français interrogés (73%) affirment ne pas faire confiance au chef de l'Etat et la moitié (49%) va jusqu'à "ne pas lui faire du tout confiance", le niveau le plus élevé atteint de son second mandat, qu'il n'a dépassé qu'une seule fois depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au plus fort de la crise des gilets jaunes en décembre 2018.

Selon le sondage, seuls 21% des Français font confiance à Emmanuel Macron, soit un point de moins qu'en juin et 6 de perdus par rapport à mars.

Pour François Bayrou, qui a présenté à la mi-juillet les mesures d'économie prévues par le gouvernement dans son projet de budget pour l'année prochaine, la chute se poursuit avec seulement 12% des Français qui disent lui faire confiance, soit un nouveau record d'impopularité (-2 points).

La défiance à l'égard du chef du gouvernement a progressé, avec 80% des Français (+5 points en un mois) qui disent ne pas lui faire confiance et 56% qui affirment ne pas lui faire "du tout" confiance, soit un bond de 9 points depuis juin.

Au classement des personnalités, le RN Jordan Bardella conserve la première place avec 39% des Français (+3 points) qui ont une image positive de lui, devant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe (37%) et Marine Le Pen (35%).

A gauche, le mieux classé est l'ancien président François Hollande qui s'installe en huitième position grâce à un bond de 6 points en un mois.

Sondage réalisé par internet les 29 et 30 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur entre 1,4 et 3,1 points.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
Short Url
  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".