Au Maroc, la désaffection des jeunes menace l'huile d'argan artisanale

Un touriste achète une bouteille d'huile d'argan dans une boutique près de la ville d'Essaouira, sur la côte atlantique occidentale du Maroc, le 15 octobre 2022. (AFP)
Un touriste achète une bouteille d'huile d'argan dans une boutique près de la ville d'Essaouira, sur la côte atlantique occidentale du Maroc, le 15 octobre 2022. (AFP)
Une touriste achète une bouteille d'huile d'argan dans une boutique près d'Essaouira, ville de la côte atlantique occidentale du Maroc, le 15 octobre 2022. (AFP)
Une touriste achète une bouteille d'huile d'argan dans une boutique près d'Essaouira, ville de la côte atlantique occidentale du Maroc, le 15 octobre 2022. (AFP)
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Publié le Mardi 03 janvier 2023

Au Maroc, la désaffection des jeunes menace l'huile d'argan artisanale

  • La responsable avoue avoir «peur que ce travail artisanal ne disparaisse un jour»
  • Pourtant cette activité constitue, avec le tourisme, la principale source de revenus pour les 78 000 habitants d'Essaouira, célèbre pour ses étendues d'arganiers, l'une des rares plantes capables de supporter le climat semi-aride de la région

ESSAOUIRA : A même le sol, un groupe de femmes du sud-ouest marocain dépulpe des fruits pour fabriquer la fameuse huile d'argan très prisée à travers le monde, un savoir-faire ancestral qui, boudé par les jeunes générations, pourrait disparaître.

Dans la coopérative "Marjana", à une quinzaine de kilomètres de la cité portuaire d'Essaouira, ces artisanes travaillent sous les yeux des touristes.

Avec des gestes lents, ces femmes, en majorité sexagénaires, concassent les durs noyaux avec des galets qu'elles ont choisis et parfois un marteau, pour extraire les amandons avant le triage, la torréfaction, le broyage puis la pression.

"C'est un travail dur qui demande de l'expérience et beaucoup de patience", explique à l'AFP Samira Chari, 42 ans, la benjamine de cette coopérative qui produit annuellement jusqu'à 1 000 litres d'huile.

"Ce métier est actuellement boudé par la nouvelle génération", déplore Amel El Hantatti, fondatrice de la coopérative, créée en 2005 et employant 80 femmes, à la fabrication et à la commercialisation.

La responsable avoue avoir "peur que ce travail artisanal ne disparaisse un jour".

Pourtant cette activité constitue, avec le tourisme, la principale source de revenus pour les 78 000 habitants d'Essaouira, célèbre pour ses étendues d'arganiers, l'une des rares plantes capables de supporter le climat semi-aride de la région.

De nombreuses coopératives, installées sur une vingtaine de kilomètres, y produisent la précieuse huile, labellisée depuis 2010 "indication géographique protégée" (IGP).

«Spéciale et unique»

Ce savoir-faire a aussi été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2014.

Il n'attire pas pour autant les jeunes.

Les nouvelles venues chez Marjana choisissent généralement la vente d'huile d'argan, très utilisée en cuisine au Maroc, et de ses dérivés cosmétiques.

"J'ai essayé de travailler quelques jours avec les artisanes mais je n'ai pas pu continuer; c'est un processus difficile et très fatiguant", dit Assia Chaker, 25 ans, conseillère vente depuis trois ans.

Après des années de chômage, cette diplômée en sciences islamiques s'est orientée "sans enthousiasme" vers ce secteur.

Elle "préfère être en contact avec les gens et pratiquer d'autres langues, puisque notre magasin accueille chaque jour des touristes, plutôt que rester toute la journée à concasser les noix d'argan".

Et "de toute façon, un jour il n'y aura que des machines pour faire ce travail", estime-t-elle.

Sa patronne, Amal El Hantatti, objecte: "l'huile fabriquée par les machines n'aura jamais le goût particulier de celle produite par ces artisanes. Elle contient leurs ondes positives, leurs rires, leurs histoires partagées lors du labeur, une spiritualité qui la rendent spéciale et unique".

«Autres ambitions»

"Je n'ai connu dans ma vie que l'huile d'argan. Pour moi, elle est aussi indispensable que l'oxygène ou l'eau", confirme Samira, en torréfiant des amandons dans un grand poêle en terre.

Cette artisane, qui travaille 10 heures par jour, n'a jamais été à l'école. Divorcée depuis 10 ans, elle subvient seule aux besoins de ses enfants grâce à son métier.

Elle maîtrise l'art de la confection de l'huile d'argan depuis son plus jeune âge, un savoir-faire légué de génération en génération.

Mais ses enfants ne prendront pas le relais: "ils ont d'autres ambitions", souligne Samira, qui comprend leur envie de mener à bien leurs études.

Pourtant, cet "or liquide" aux bienfaits --hydratants et anti-âge-- prouvés par de nombreuses études, enregistre une demande croissante.

Selon des statistiques officielles, le royaume a produit plus de 5 600 tonnes d'huile d'argan en 2020, dont 2 350 ont été exportées.

Le chiffre d'affaires de la filière a triplé entre 2012 et 2019, pour atteindre environ 108 millions d'euros, selon le ministère de l'Agriculture.

Face aux risques liés au changement climatique, les autorités ont accompagné la filière ces 10 dernières années, notamment en construisant 13 réservoirs de collecte de l'eau pluviale.

La zone Agadir-Essaouira qui couvre plus de 830 000 hectares sur lesquels 686 coopératives sont installées, a obtenu en 1998 le statut de "réserve de biosphère" de l'Unesco.

Avec l'objectif de transformer cette culture traditionnelle en une filière "moderne, rentable et à haute valeur ajoutée", le Maroc a inclus l'argan à sa stratégie agricole pour 2030.

Il prévoit de doubler la production tout en favorisant "l'émergence d'une nouvelle génération de la classe moyenne paysanne".


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
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  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com