Le scandale du Mediator de retour lundi devant la justice

Photo prise le 19 janvier 2011 à Brest d'une plaquette de Mediator. (AFP)
Photo prise le 19 janvier 2011 à Brest d'une plaquette de Mediator. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 07 janvier 2023

Le scandale du Mediator de retour lundi devant la justice

  • La plupart espèrent être indemnisées pour le préjudice d'anxiété liée à la «tromperie aggravée» pour laquelle est jugé le laboratoire. Seuls une centaine de dossiers visent une réparation pour «homicides et blessures involontaires»
  • Ce procès en appel s'étalera jusqu'à fin juin, avec deux journées et demi d'audience par semaine, dans la salle "grands procès" du Palais de justice de Paris

PARIS: Le procès en appel du scandale sanitaire du Mediator, tenu pour responsable de centaines de décès, s'ouvrira lundi à Paris, deux ans après la condamnation des laboratoires Servier à 2,7 millions d'euros d'amende pour "tromperie aggravée".

"On repart quasiment à zéro", avertit Jean-Christophe Coubris, avocat d'environ 2.500 parties civiles, qui espère "avoir confirmation de la condamnation" de première instance et "obtenir a minima une indemnisation à la même hauteur" des victimes, dont beaucoup voient leur état de santé se dégrader.

En mars 2021, à l'issue d'un procès-fleuve de plus de neuf mois interrompu plusieurs semaines pour cause de pandémie de Covid, les laboratoires Servier et leur ancien numéro 2, Jean-Philippe Seta, avaient été reconnus coupables de "tromperie aggravée" et d'"homicides et blessures involontaires".

Le tribunal correctionnel de Paris avait notamment estimé qu'ils "disposaient à partir de 1995, de suffisamment d'éléments pour prendre conscience des risques mortels" liés au Mediator.

Le deuxième laboratoire français avait en revanche été relaxé des délits d'"obtention indue d'autorisation de mise sur le marché" et "d'escroquerie", au préjudice notamment de la Sécurité sociale, ce qui a conduit le parquet de Paris et des parties civiles à faire appel.

Dans leur sillage, le groupe pharmaceutique avait lui aussi formé un appel contre le jugement.

«Effets gravissimes»

Condamnée à 303.000 euros d'amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator malgré sa toxicité, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) n'a pas fait appel.

Mis sur le marché en 1976 pour le traitement du diabète mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator est accusé d'avoir provoqué de graves lésions cardiaques et de nombreux décès. La commercialisation de ce médicament, prescrit à environ 5 millions de personnes, avait été suspendue fin 2009.

"Les laboratoires Servier et M. Seta contestent toujours avoir délibérément trompé les patients et les médecins prescripteurs sur la dangerosité" du Mediator, indique à l'AFP François De Castro, l'un de leurs avocats.

"Ces arguments, qui ont été écartés par le tribunal en première instance, restent aujourd'hui la ligne de défense des laboratoires, ce qui questionne la façon dont ils ont reçu le jugement et en ont tiré les enseignements", estime Charles Joseph-Oudin, avocat d'environ 1.200 parties civiles.

"Au premier jour de la mise sur le marché de ce médicament, ils avaient la parfaite connaissance des effets secondaires gravissimes" qu'il pouvait entraîner, juge Me Coubris.

Joint par l'AFP, le laboratoire "fait le choix de ne pas communiquer avant l'ouverture" du procès en appel, pour "laisser la justice effectuer son travail en toute sérénité".

Ce procès en appel s'étalera jusqu'à fin juin, avec deux journées et demi d'audience par semaine, dans la salle "grands procès" du Palais de justice de Paris, qui a accueilli ceux des attentats du 13-Novembre puis de Nice.

Les grandes dates du scandale du Mediator

Voici les grandes dates du scandale du Mediator, médicament des laboratoires Servier à l'origine de graves lésions cardiaques, alors que démarre lundi le procès en appel:

Tardive interdiction 

Le Mediator, nom commercial du benfluorex, une substance chimique proche de l'amphétamine, est mis sur le marché en 1976. A l'origine destiné aux diabétiques en surpoids, ce médicament est surtout prescrit comme coupe-faim.

En 1999, un premier cas de "valvulopathie", un dysfonctionnement des valves cardiaques, est décelé chez une personne prenant du Mediator.

Le médicament est retiré du marché en Espagne et en Italie en 2003-2004.

En France, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM) recommande de ne plus le prescrire comme coupe-faim en 2007.

La même année, le Dr Irène Frachon, pneumologue à Brest, entame des recherches sur les dangereux effets cardiaques du médicament. Elle relatera en 2010 son enquête "médico-policière" dans le livre "Mediator 150 mg, combien de morts ?".

Le 30 novembre 2009, le Mediator est retiré du marché français.

Un an plus tard, l'Afssaps évalue à plus de 500 le nombre de décès dus au médicament. Une autre estimation évoque entre 1.000 et 2.000 morts.

En janvier 2011, l'Inspection générale des affaires sociales estime que le retrait du Mediator aurait dû intervenir dès 1999.

Batailles de procédure 

Le 18 février 2011 sont ouvertes à Paris des informations judiciaires pour "tromperie aggravée, prise illégale d'intérêt" et "homicides et blessures involontaires", ensuite élargies des faits d'"escroquerie".

Le fondateur Jacques Servier et cinq sociétés de son groupe sont mis en examen en septembre pour "tromperie et escroquerie". M. Servier le sera également pour "homicides et blessures involontaires" en décembre 2012.

Au printemps 2012, le premier procès pénal de Jacques Servier et de son laboratoire, à Nanterre, est reporté pour une question de procédure.

En mars 2013, l'ANSM est mise en examen pour "homicides et blessures involontaires", soupçonnée d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du médicament.

Jacques Servier meurt le 16 avril 2014, à 92 ans.

Premières décisions de justice 

Le 31 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Paris confirme la responsabilité de l'Etat envers une victime.

En octobre, le tribunal de Nanterre reconnaît, pour la première fois, la responsabilité civile des laboratoires Servier, qui ne pouvaient "ignorer les risques".

Le Conseil d'Etat estime fin 2016 que la faute de l'Etat commence à la mi-1999 mais qu'il n'a pas à indemniser les victimes car les fautes de Servier l'exonèrent.

Les laboratoires Servier et l'Agence du médicament sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris dans le volet principal de l'affaire en septembre 2017.

Le même mois, la Cour de cassation juge les laboratoires Servier responsables civilement pour avoir maintenu la commercialisation du médicament qui "présentait un défaut" d'information sur ses risques.

Le 10 octobre, l'Etat est condamné pour la première fois à indemniser une plaignante (à hauteur de 22.885 euros) par le tribunal administratif de Paris.

Procès 

Le 23 septembre 2019, le procès s'ouvre devant le tribunal correctionnel de Paris avec des milliers de parties civiles et 350 avocats.

Le groupe Servier est condamné, le 29 mars 2021, à une amende 2,718 millions d'euros pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires", mais relaxé des délits d'"obtention indue d'autorisation de mise sur le marché" et "d'escroquerie".

Ces relaxes conduisent le parquet de Paris et des parties civiles à faire appel. Le laboratoire pharmaceutique fait lui aussi appel.

En revanche l'ANSM, condamnée à 303.000 euros d'amende pour avoir "gravement failli dans sa mission de police sanitaire", renonce à faire appel.

«Exceptionnellement limpide»

De nombreux témoins ont de nouveau été cités à comparaître: une centaine au total, dont soixante à la demande de Servier.

La pneumologue Irène Frachon, qui avait révélé au grand public l'ampleur du scandale sanitaire, reviendra elle aussi à la barre, même si elle confie à l'AFP avoir "perdu confiance dans la capacité de la justice à condamner ce type d'infractions à la hauteur de la gravité des délits commis".

"La montagne a accouché d'une souris" en première instance, estime-t-elle en regrettant "la modicité des peines", en deçà des réquisitions du parquet.

Le jugement du tribunal fut une occasion manquée de "donner un signal fort" aux industriels du médicament qui ne respecteraient pas les règles, regrette la médecin de l'hôpital de Brest-Carhaix (Finistère).

D'autant que, contrairement à de nombreux autres dossiers de santé publique, "l'affaire du Mediator est exceptionnellement limpide", avec de nombreux documents établissant les responsabilités, fait valoir le Dr Frachon, qui a publié le 4 janvier une bande-dessinée retraçant le scandale ("Mediator, un crime chimiquement pur", éditions Delcourt).

Le dossier comporte "plus de 7.500 parties civiles" et une webradio sera mise à leur disposition pour suivre le procès, selon le parquet général.

La plupart espèrent être indemnisées pour le préjudice d'anxiété liée à la "tromperie aggravée" pour laquelle est jugé le laboratoire. Seuls une centaine de dossiers visent une réparation pour "homicides et blessures involontaires".

Benfluorex, norfenfluramine, valvulopathie: lexique de l'affaire du Mediator

Le Mediator, commercialisé pendant trente-trois ans par les laboratoires Servier comme un antidiabétique mais largement prescrit comme coupe-faim, est au cœur d'un des plus importants scandales sanitaires français et d'un deuxième procès de plusieurs mois à Paris.

La cour d'appel, qui rejuge jusqu'à fin juin le groupe privé notamment pour "tromperie aggravée", doit se plonger à nouveau dans l'historique de la découverte du principe actif de ce médicament, le benfluorex, accusé d'être à l'origine de maladies du cœur et du poumon.

Voici un lexique des termes techniques les plus utilisés dans cette affaire:

Anorexigènes

Destinés à diminuer l'appétit en réduisant la sensation de faim, ces médicaments ont été conçus pour le traitement de l'obésité, puis fréquemment prescrits pour des cures d'amaigrissement.

La plupart sont des dérivés de l'amphétamine et ont été retirés du marché à la fin des années 90 en raison d'un bénéfice thérapeutique jugé insuffisant et des effets indésirables potentiellement létaux.

Benfluorex

Substance active du Mediator, qui a une structure chimique dérivée de la phényléthylamine, elle-même proche de l'amphétamine dont elle découle.

Servier obtient en 1974 une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de troubles du métabolisme des lipides et des glucides et lance sur le marché deux ans plus tard le benfluorex, sous le nom "Mediator".

Les laboratoires Servier ont toujours présenté leur molécule comme "originale", dénuée d'actions anorexigènes et amphétaminiques.

En 1995, le benfluorex est interdit dans les préparations magistrales en pharmacie par la Direction générale de la santé (DGS) qui le considère comme un anorexigène, et est placé la même année sous surveillance en raison de sa parenté structurale chimique avec les fenfluramines, des anorexigènes.

Le Mediator reste disponible à la vente en comprimés jusqu'au 30 novembre 2009.

Fenfluramines

Famille de molécules commercialisées par les laboratoires Servier comme anorexigènes sous le nom de Ponderal (depuis 1963) et d'Isoméride (1985).

Les anorexigènes fenfluraminiques et amphétaminiques sont progressivement mis à l'écart après le recensement de nombreux cas d'hypertension artérielle pulmonaire, une grave maladie. Servier retire ses deux "coupe-faim" du marché en 1997 "par extrême précaution".

Norfenfluramine

Cette substance toxique pour le cœur et les poumons était présente dans l'Isoméride, ce qui avait justifié en partie son retrait du marché. Elle entre également dans la composition du benfluorex. Mais le groupe Servier a toujours présenté la quantité de norfenfluramine libérée après la prise de Mediator comme négligeable.

Effet indésirable

Réaction nocive et non voulue à un médicament ou à un produit de santé. Les médecins ont l'obligation de déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d'être dû à un médicament dont ils ont connaissance, au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent.

HTAP ou hypertension artérielle pulmonaire

C'est une pathologie rare et grave, qui perturbe la circulation du sang à l'intérieur des poumons. Elle se traduit notamment par un essoufflement anormal à l'effort, une fatigue intense inexpliquée et des douleurs à la poitrine.

Son évolution varie d'un patient à l'autre mais cette maladie conduit plus ou moins rapidement à une insuffisance ventriculaire droite, avec un décès qui peut survenir en quelques mois ou après plusieurs années, les possibilités curatives en dehors d'une greffe étant très limitées.

Valvulopathie

Cette maladie survient quand une ou plusieurs valvules cardiaques ne fonctionnent pas correctement.

Ce sont principalement les valves aortiques et mitrales qui sont atteintes. Les conséquences peuvent être très sérieuses et conduire à une insuffisance cardiaque voire au décès. Certains malades ont dû recourir à une chirurgie de remplacement de la valve.

Un premier cas de valvulopathie d'une personne sous Mediator seul est signalé en France en 1999, tout comme le premier cas d'HTAP.


A Sciences Po Paris, la mobilisation pro-palestinienne se poursuit

Des manifestants participent à un rassemblement devant l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) alors que des étudiants occupent un bâtiment, avec une barricade bloquant l'entrée, en soutien aux Palestiniens, à Paris le 26 avril 2024. (AFP)
Des manifestants participent à un rassemblement devant l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) alors que des étudiants occupent un bâtiment, avec une barricade bloquant l'entrée, en soutien aux Palestiniens, à Paris le 26 avril 2024. (AFP)
Short Url
  • «Le débat, oui. Le blocage, non», a déploré la ministre de l'Enseignement supérieur sur BFMTV qui a tiré à boulets rouges sur le rôle joué par LFI dans la mobilisation
  • «Qu’on fasse preuve de solidarité à l'égard des Palestiniens, qu’on montre le rejet des crimes qui sont commis à Gaza, c'est naturel, c’est même digne et noble», a jugé Raphaël Glucksmann

PARIS: La mobilisation pro-palestinienne se poursuit vendredi à Sciences Po Paris avec l'occupation et le blocage de locaux historiques par des étudiants dont les revendications font écho aux contestations qui agitent certains prestigieux campus américains.

Quelques dizaines d'étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont occupé dans la nuit de jeudi à vendredi les locaux, rue Saint-Guillaume, au coeur du huppé 7e arrondissement.

Mercredi soir, une dizaine de tentes avaient été installées dans la cour d'un autre bâtiment, avant que la police ne vienne déloger les étudiants favorables à la cause palestinienne.

Keffiehs sur la tête, drapeaux palestiniens accrochés aux balustrades, slogans fustigeant Israël, plusieurs dizaines étudiants bloquaient encore vendredi en début d'après-midi dans et en dehors le bâtiment nouvellement occupé.

ils ont reçu le soutien de plusieurs figures de LFI dont la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate sur la liste "insoumise" pour les élections européennes.

"Ces étudiants sont en train véritablement de porter l'honneur de la France", a déclaré à la presse, Mme Hassan reprenant peu ou prou les propos du leader insoumis Jean-Luc Mélenchon qui a adressé un message audio de soutien aux manifestants.

La direction, qui chiffre à une soixantaine le nombre d'occupants du principal bâtiment, a décidé de fermer plusieurs locaux de son campus parisien. Elle "condamne fermement ces actions étudiantes".

La direction, à qui une partie de la communauté éducative reproche d'avoir laissé les forces de l'ordre intervenir sur le campus, a organisé une rencontre avec des représentants des étudiants vendredi matin.

"Le débat, oui. Le blocage, non", a déploré la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau sur BFMTV qui a tiré à boulets rouges sur le rôle joué par LFI dans la mobilisation.

Fustigeant "le jeu dangereux" de LFI à des "fins électorales", elle a accusé les leaders du mouvement d'être des "irresponsables" faisant la promotion de "l'anarchie" sur les campus.

Le comité Palestine revendique lui "la condamnation claire des agissements d'Israël par Sciences Po" et "la fin des collaborations" avec toutes "les institutions ou entités" jugées complices "de l'oppression systémique du peuple palestinien". Il demande en outre l'arrêt de "la répression des voix propalestiniennes sur le campus".

Comme aux Etats-Unis où la mobilisation d'étudiants pro-Gaza enflamme le débat politique, le militantisme des étudiants pro-Gaza à Sciences Po est accusé d'alimenter l'antisémitisme sur le campus.

Fin des cours

"Qu’on fasse preuve de solidarité à l'égard des Palestiniens, qu’on montre le rejet des crimes qui sont commis à Gaza, c'est naturel, c’est même digne et noble", a jugé Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti socialiste et de Place publique aux européennes, sur BFMTV.

"Après, dans quelle atmosphère on le fait? (...) Est-ce qu'on est capable d'organiser des discussions avec ceux qui ne partagent pas le point de vue? Et jusqu'ici, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le cas. Donc on a un problème et la direction de Sciences Po a le droit de décider d'évacuer", a complété M. Glucksmann.

Pour le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Yonathan Arfi, qui s'exprimait sur LCI, "il n'y a rien de massif" mais "ça fonctionne, ça prend en otage le campus entier, ça empêche la liberté académique et fait peser un climat de terreur intellectuelle sur une partie des étudiants juifs".

"On n'a rien contre les étudiants de confession juive, il y a des étudiants juifs qui militent avec nous", a plaidé Hubert Launois, 19 ans, étudiant en deuxième année et membre du comité Palestine. "Ce qui nous pose problème, c'est la politique coloniale et génocidaire du gouvernement d’extrême droite israélien", a-t-il ajouté.

Nouvel élan ou chant du cygne alors que ce vendredi marque, pour une majorité des élèves, la fin des cours et le début des révisions des examens?

"On sait aussi que c'est la fin de l'année. On ne veut pas que ce mouvement meure", a résumé une étudiante de 21 ans, mobilisée, qui n'a pas souhaité donner son nom.

"Les revendications sont légitimes" mais "le blocus reste assez radical comme mode d'action", a observé un autre étudiant. "Il faut trouver un moyen d'apaiser le dialogue (...) "La plupart des étudiants ont en tête la fin de l'année."


Européennes : pour Macron, une victoire du RN relèverait d'une «responsabilité collective»

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe devant le slogan «Une Europe puissante» dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe devant le slogan «Une Europe puissante» dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024. (AFP)
Short Url
  • L'opposition accuse Macron d'avoir tenu un discours électoraliste et demande qu'il soit pris en compte dans le temps de parole de la tête de liste du camp présidentiel, Valérie Hayer
  • Le chef de l'Etat a semblé écarter toute incidence politique directe en France en cas de victoire de la liste du Rassemblement national le 9 juin

STRASBOURG: Emmanuel Macron a jugé vendredi qu'il était "légitime" en tant que président à parler d'Europe, réfutant tout discours électoraliste la veille à la Sorbonne, et il a estimé qu'une victoire de l'extrême droite aux européennes le 9 juin relèverait d'une "responsabilité collective".

"La voix de la France en Europe c’est au cœur de notre diplomatie, de notre politique. Comme chacun de mes prédécesseurs, je suis légitime à aussi, en tant que président, dire un mot de ce qu'il s’y passe, de ce qui s’y joue", a-t-il déclaré à des journalistes en marge d'un déplacement à Strasbourg.

"C’était une parole de président de la République hier (..) Il ne faut pas être hypocrite sur le sujet", a-t-il affirmé. "Il faut assumer la politique qu'on a conduite, le rôle que la France a mené ces dernières années et le fait que j’ai mis l’Europe au cœur aussi du projet".

L'opposition l'accuse d'avoir tenu un discours électoraliste et demande qu'il soit pris en compte dans le temps de parole de la tête de liste du camp présidentiel, Valérie Hayer.

"Les temps de campagne, si je devais participer à certains d’entre eux -  je n'ai pas encore décidé -  je le ferai à ce moment-là à part, comme je l’avais fait il y a cinq ans", a ajouté Emmanuel Macron.

Le chef de l'Etat a par ailleurs semblé écarter toute incidence politique directe en France en cas de victoire de la liste du Rassemblement national le 9 juin.

"C'est une élection européenne", a-t-il pointé. A la question de savoir si une arrivée en tête de la liste RN emmenée par Jordan Bardella serait une forme de désaveu, il a répondu : "Bien sûr. Surtout ça représenterait un responsabilité collective".

Jordan Bardella, en tête d'une quinzaine de points dans les intentions de vote devant Valérie Hayer, a annoncé qu'il réclamerait une dissolution de l'Assemblée nationale s'il l'emporte le 9 juin.

"On voit bien toute cette stratégie, d'ailleurs des extrêmes, qui consiste à nationaliser le débat (...) Au moins parlons d’Europe quand on parle des élections européennes parce que c’est ça dont il s’agit", a relevé Emmanuel Macron.


JO: à l'Institut Pasteur, une équipe dans les starting-block pour traquer les virus

Un ingénieur travaille sur un échantillon à la Cellule d'intervention biologique d'urgence (CIBU) de l'institut Pasteur à Paris, le 23 avril 2024. (AFP)
Un ingénieur travaille sur un échantillon à la Cellule d'intervention biologique d'urgence (CIBU) de l'institut Pasteur à Paris, le 23 avril 2024. (AFP)
Short Url
  • Dans le cas d'un agent infectieux potentiellement très dangereux pour l'homme, les analyses sont menées dans un laboratoire de type P3, «quelque part dans l'Institut Pasteur»
  • Dernier virus identifié dans ses murs: celui de la rage, après la mort d'orpailleurs dans la forêt guyanaise, «mordus par des chauves-souris vampires», rapporte le chef de la cellule

PARIS: Avec les millions de visiteurs attendus cet été en France, les JO vont brasser potentiellement autant de personnes que d'agents pathogènes: bactéries, virus et autres parasites... A l'Institut Pasteur, une équipe est sur le pied de guerre pour les traquer, si nécessaire.

"On sait qu'on risque d'être mobilisés beaucoup plus que d'habitude, mais on s'y prépare depuis 18 mois" : Jean-Claude Manuguerra en a vu d'autres.

Ce virologue à l'Institut Pasteur dirige la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu), en première ligne depuis 20 ans face aux nouveaux pathogènes.

"La cellule est née en septembre 2002, un an après les attaques du 11 septembre aux Etats-Unis, sous l'impulsion de la Direction générale de la santé", rembobine-t-il.

Cette structure fonctionnant sept jours sur sept et 24 heures sur 24 avait été lancée à l'époque après l'envoi d'enveloppes contaminées à l’anthrax aux États-Unis et différentes alertes en France - qui s'étaient révélées être des canulars.

Son rôle : surveiller et détecter tous les risques infectieux (épidémies, accidents ou utilisation potentielle d'armes d'origine biologique) pouvant menacer la sécurité sanitaire de la France.

Sars, grippe H1N1, chikungunya, Covid-19... un grand nombre de virus ont déjà circulé dans ses labos pour y être scrutés et analysés.

Les prélèvements empruntent différents "circuits" selon la nocivité supposée de l'échantillon.

Grippe ou dengue 

Dans le cas d'un agent infectieux potentiellement très dangereux pour l'homme, les analyses sont menées dans un laboratoire de type P3, "quelque part dans l'Institut Pasteur", explique M. Manuguerra, volontairement imprécis car il doit garder sa localisation secrète.

Combinaison intégrale, masque FFP3, gants et surbottes sont alors de rigueur.

Dernier virus identifié dans ses murs: celui de la rage, après la mort d'orpailleurs dans la forêt guyanaise, "mordus par des chauves-souris vampires", rapporte le chef de la cellule. Les analyses faites à Pasteur ont permis de comprendre la cause de leurs décès.

En vue des Jeux olympiques, la Cibu s'est préparée à changer d'échelle pour "diagnostiquer un éventail de virus et de bactéries beaucoup plus large que d'ordinaire".

En raison du brassage attendu de populations qui arriveront de tous les points du globe, certaines maladies pourraient en effet se propager à la faveur de l'événement sportif. Par exemple la grippe, "puisque ce sera l'hiver de l'hémisphère sud", ou la dengue, qui sévit actuellement en Amérique du Sud et aux Caraïbes.

Tests PCR, séquençage haut débit, métagénomique sont autant de techniques utilisées par la vingtaine de personnes - scientifiques, techniciens et ingénieurs - qui travaillent dans la cellule.

Séquençage d'urgence 

Pour remplir leur rôle de vigie face aux menaces infectieuses, le Covid-19 a clairement été un accélérateur.

"Quand (le variant) Omicron a pointé le bout de son nez dans le monde, les autorités sanitaires françaises voulaient savoir le plus vite possible quand il arrivait et où", se rappelle Jean-Claude Manuguerra. "En novembre 2022, on leur a proposé de mettre en place un système de séquençage d'urgence, y compris la nuit et les week-ends".

En cas de risque épidémique pendant les JO, la cellule se prépare à devoir rendre des diagnostics le plus rapidement possible.

"On a développé des tests dits +multiplex+ : à partir d'un seul échantillon, on est désormais en mesure de rechercher jusqu'à une quarantaine de virus ou bactéries et d'avoir une réponse en quelques heures", se félicite Jessica Vanhomwegen, responsable du pôle d'identification virale à la Cibu.

Parmi les plus risqués : une grippe aviaire hautement pathogène ou des cas importés d'un virus tropical comme Ebola par exemple, illustre-t-elle.

"On a ciblé les agents pathogènes les plus mortels et les plus transmissibles pour être en mesure de les détecter", rassure-t-elle.

Pour la période, la cellule a revu son organisation : quatre personnes seront mobilisées le week-end, contre deux habituellement.

Si besoin, un laboratoire mobile - une hotte entièrement hermétique dans laquelle il est possible de manipuler un prélèvement potentiellement dangereux - pourra aussi être déployée sur le terrain.

"Si une grosse épidémie apparaît, il faut qu'on soit prêt", résume Jean-Claude Manuguerra.