Quand l'Irak se plie aux règles bancaires internationales, le dinar fait le yo-yo

Un cambiste compte des billets de banque à la bourse d'al-Kifah à Bagdad, le 27 décembre 2022, alors que la valeur du dinar irakien par rapport au dollar américain continue de baisser. (AFP).
Un cambiste compte des billets de banque à la bourse d'al-Kifah à Bagdad, le 27 décembre 2022, alors que la valeur du dinar irakien par rapport au dollar américain continue de baisser. (AFP).
Short Url
Publié le Dimanche 15 janvier 2023

Quand l'Irak se plie aux règles bancaires internationales, le dinar fait le yo-yo

  • Le taux de change officiel du dollar -- devise de référence en Irak -- reste abonné aux 1 470 dinars. Mais chez les changeurs, le taux est passé de 1 470 dinars mi-novembre à 1 600 dinars en début de semaine, avant de se stabiliser
  • Une baisse du dinar signifie un renchérissement des importations, de gaz ou de blé, denrée dont la culture a chuté en Irak en raison de sécheresses à répétition

BAGDAD : Il baisse, il monte, il baisse: depuis deux mois, le dinar irakien n'en finit pas de fluctuer face au dollar sous l'effet de nouvelles règles sur la transparence des transferts, une instabilité derrière laquelle certains voient la main de Washington.

Le taux de change officiel du dollar -- devise de référence en Irak -- reste abonné aux 1 470 dinars. Mais chez les changeurs, le taux est passé de 1 470 dinars mi-novembre à 1 600 dinars en début de semaine, avant de se stabiliser, selon l'agence officielle INA.

A première vue, cette baisse de la valeur du dinar n'est pas énorme. Mais la nervosité est palpable. Une baisse du dinar signifie un renchérissement des importations, de gaz ou de blé, denrée dont la culture a chuté en Irak en raison de sécheresses à répétition.

"La baisse du dinar est due à des contraintes extérieures", justifie auprès de l'AFP Muzhar Saleh, un conseiller du Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani.

Mais pour certains responsables irakiens, le responsable est tout trouvé: les Etats-Unis.

"Les Américains utilisent le dollar comme arme pour affamer les gens", s'est emporté mardi Hadi al-Ameri, patron du parti pro-iranien Fateh qui soutient le gouvernement irakien, selon des propos rapportés par les médias irakiens.

Faux, contrecarre l'économiste irakien Ahmed Tabaqchali. "Il n'y a aucune preuve que les Etats-Unis fassent pression sur l'Irak", proche partenaire économique et financier de son voisin iranien, dit-il.

«Choc»

En réalité, les mouvements du dinar sont liés à certaines règles du système de transfert international Swift auxquelles se plient les banques irakiennes depuis la mi-novembre pour accéder aux dollars irakiens aux Etats-Unis.

Pour puiser dans son stock de billets verts, l'Irak, qui dispose de réserves en devises étrangères supérieures à 100 milliards de dollars, doit "respecter les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et celles sur les sanctions, comme celles contre l'Iran et la Russie", explique Ahmed Tabaqchali.

Il s'agit de faire adhérer l'Irak "à un système mondial de transferts financiers qui nécessite un haut degré de transparence". Nombre de banques irakiennes "ne sont pas habituées à ce système". "Cela a provoqué un choc", dit-il.

Car les banques irakiennes doivent désormais enregistrer "leurs virements (en dollars, ndlr) sur une plateforme électronique, vérifier les demandes. Ensuite, la Réserve fédérale les examine et si elle a des doutes, elle bloque le virement", poursuit Muzhar Saleh.

Depuis la mise en place de ce mécanisme, la Fed américaine a rejeté "80% des demandes" de transferts des banques irakiennes, car les autorités américaines avaient des soupçons sur les destinataires finaux des sommes à transférer, indique-t-il.

Pouvoir d'achat en berne

Le "no" de la Fed a contribué à raréfier le dollar sur le marché irakien. La loi de l'offre et de la demande a fait le reste: le dollar s'est renchéri, tandis que le dinar a baissé.

La Banque centrale d'Irak parle d'une "situation temporaire" et les autorités irakiennes ont pris des mesures pour tenter de stabiliser le taux de change.

Elles se sont engagées à faciliter la fourniture de dollars au taux officiel pour les importations du secteur privé et les banques gouvernementales ont ouvert des "guichets" pour vendre des devises aux particuliers voyageant à l'étranger.

Le gouvernement a également décidé "d'inciter toutes les agences gouvernementales à vendre biens et services en dinars et au prix de la Banque centrale de 1.470 dinars pour un dollar".

"Ces mesures sont importantes car elles montrent que l'Etat est là pour protéger le marché et le citoyen", argue Muzhar Saleh, le conseiller du Premier ministre.

L'inflation est certes contenue -- elle était de 5,3% sur un an en octobre 2022 -- mais quand le dinar faiblit... c'est le pouvoir d'achat qui trinque.

"Quand le dollar valait 1 470 dinars, ma retraite équivalait à 336 dollars par mois. Aujourd'hui, avec le dollar à 1.570 dinars, elle équivaut à 314 dollars", explique Saad al-Taïe, un retraité qui aide son fils dans son épicerie de Bagdad.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Short Url
  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Short Url
  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.