L'économie pakistanaise au ralenti face à l'assèchement des réserves en dollars

Sur cette photo prise le 10 janvier 2023, un changeur compte des dollars américains sur un marché de change à Karachi. (Photo par Asif HASSAN / AFP)
Sur cette photo prise le 10 janvier 2023, un changeur compte des dollars américains sur un marché de change à Karachi. (Photo par Asif HASSAN / AFP)
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Publié le Dimanche 15 janvier 2023

L'économie pakistanaise au ralenti face à l'assèchement des réserves en dollars

  • En raison d'une pénurie de dollars, les banques refusent d'ouvrir de nouvelles lettres de crédit pour les importateurs, affectant une économie déjà mise à mal par une inflation galopante et une croissance en berne
  • Cette semaine, les réserves de devises de la banque d'Etat sont tombées à moins de 6 milliards de dollars au début 2023, au plus bas depuis près de neuf ans - avec des obligations de plus de 8 milliards de dollars pour le seul premier trimestre

KARACHI : Des milliers de conteneurs remplis de denrées alimentaires essentielles, de matières premières et d'équipements médicaux sont bloqués dans le port de Karachi, au Pakistan, alors que le pays est aux prises avec une crise de change désespérée.

En raison d'une pénurie de dollars, les banques refusent d'ouvrir de nouvelles lettres de crédit pour les importateurs, affectant une économie déjà mise à mal par une inflation galopante et une croissance en berne.

«Je suis dans ce métier depuis 40 ans et je n'ai jamais connu une pire période», témoigne pour l'AFP Abdul Majeed, un responsable de l'Association pakistanaise des agents des douanes (APCAA).

Au port de Karachi (Sud), des milliers de conteneurs maritimes sont bloqués dans l'attente du paiement, remplis de produits cruciaux pour l'économie pakistanaise. Tout est concerné, des biens de luxe aux denrées alimentaires, en passant par les produits chimiques ou pharmaceutiques, et de l'équipement médical vital.

«Nous avons des milliers de conteneurs coincés au port à cause d'un manque de dollars», explique Maqbool Ahmed Malik, président de l'APCAA, qui précise que le volume d'opérations y a baissé au moins de moitié.

Cette semaine, les réserves de devises de la banque d'Etat sont tombées à moins de 6 milliards de dollars au début 2023, au plus bas depuis près de neuf ans - avec des obligations de plus de 8 milliards de dollars pour le seul premier trimestre. Les réserves sont suffisantes pour payer environ un mois d'importations, selon les analystes.

L'économie pakistanaise s'est effondrée parallèlement à une crise politique latente, avec une chute de la roupie et une inflation qui atteint des niveaux inégalés depuis des décennies. Les inondations dévastatrices de cet été et une importante pénurie d'énergie ont accentué la pression.

L'énorme dette de ce pays d'Asie du Sud - qui s'élève actuellement à 274 milliards de dollars, soit près de 90% du produit intérieur brut - et les difficultés récurrentes à la rembourser le rendent particulièrement vulnérable aux chocs économiques.

- Accord avec le FMI -

Islamabad a placé ses espoirs dans un accord avec le FMI, négocié sous le dernier dirigeant Imran Khan, mais le dernier paiement est en attente depuis septembre.

Le prêteur mondial exige le retrait des subventions restantes sur les produits pétroliers et l'électricité, destinées à aider les 220 millions d'habitants à faire face au coût de la vie.

Cette semaine, le Premier ministre Shehbaz Sharif a exhorté le FMI à lui laisser un peu de répit pour faire face à cette situation «cauchemardesque».

«Je dois faire la queue pendant deux ou trois heures pour acheter de la farine subventionnée, les prix sont inabordables», déplore Zubair Gul, père de quatre enfants et travailleur journalier à Karachi.

Pour Shah Meer, un employé de bureau, emprunter à des proches ou utiliser des cartes de crédit est le seul moyen de s'en sortir : «Un homme ordinaire ne peut pas se permettre d'acheter du lait, du sucre ou des légumes».

Avec les élections prévues à la fin de l'année, mettre en œuvre les conditions exigées par le FMI serait un suicide politique, mais il est peu probable que le Pakistan obtienne un nouveau crédit sans faire au moins quelques coupes.

Jeudi, les Emirats arabes unis ont accepté de prolonger un prêt de 2 milliards de dollars et accordé au pays un milliard de dollars supplémentaires, l'aidant à éviter un défaut de paiement immédiat.

La semaine dernière, plus de 9 milliards de dollars d'aides internationales ont été promises pour reconstruire le pays afin notamment qu'il résiste mieux aux assauts du changement climatique.

Néanmoins, ces fonds ne suffiront pas à résoudre la crise du change actuelle, raison pour laquelle M. Sharif continue de faire pression sur ses alliés, notamment l'Arabie saoudite, le Qatar et Pékin, qui a investi des milliards dans le cadre du projet de corridor économique Chine-Pakistan (CPEC).

La crise du change a aggravé les difficultés des fabricants de textiles - représentant environ 60% des exportations pakistanaises - qui ont souffert des pénuries d'énergie, des dégâts causés aux cultures de coton pendant les inondations et d'une récente augmentation des taxes.

A Faisalabad, centre de l'industrie textile, environ 30% des métiers à tisser sont arrêtés, les autres travaillant un jour sur deux, a déclaré Baba Latif Ansari, responsable du syndicat Labour Qaumi Movement.

«Plus de 150.000 travailleurs qui étaient venus des villages environnants pour travailler ici ont dû rentrer en raison du manque de travail ces dernières semaines. D'autres restent assis à la maison en espérant que la situation s'améliore», explique-t-il à l'AFP.

Certaines usines se sont plaintes d'un retard dans l'importation de matières premières telles que les teintures, les boutons et les fermetures éclair, ainsi que de pièces détachées pour les machines bloquées dans le port de Karachi.

Abdul Rauf, un importateur de céréales et de légumineuses, affirme qu'il ne lui reste que 25 jours de stock et que sans le déblocage des dollars, il y aura une «immense pénurie» pendant le mois sacré du ramadan qui commence en mars.

«Je n'ai jamais été témoin d'une situation où les gens sont aussi inquiets


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.