Retraites: quelle playlist pour les manifs?

La journée de mobilisation contre la réforme des retraites appelée par les syndicats le 19 janvier 2023 devrait être "très forte", ont prédit le 15 janvier 2023 plusieurs opposants au projet gouvernemental. (AFP).
La journée de mobilisation contre la réforme des retraites appelée par les syndicats le 19 janvier 2023 devrait être "très forte", ont prédit le 15 janvier 2023 plusieurs opposants au projet gouvernemental. (AFP).
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Publié le Mardi 17 janvier 2023

Retraites: quelle playlist pour les manifs?

  • «Le mouvement ouvrier - en France, aux Etats-Unis, partout dans le monde - a eu des chansons», relève Bertrand Dicale qui tient la chronique
  • «Certaines sont entrées dans la légende», comme «Vas-y Léon» de Gaston Montheus chanté par le Front populaire, ou des chants de mineurs dans le nord de la France

PARIS : "On lâche rien", "Motivés", "Bella ciao": au même titre que la merguez et les fumigènes, il existe des classiques de la chanson de manif que certains tentent de renouveler, à quelques jours de la mobilisation qui se prépare contre la réforme des retraites.

Selon Stéphane Sirot, historien spécialiste du syndicalisme, si les airs changent peu, c'est qu'"il n’y a peut-être pas eu beaucoup de renouvellement dans les musiques et les chants partisans".

Il y a plus d’inventivité dans les pancartes, "avec une langue très riche, des jeux de mots", dit-il à l'AFP.

Mais l'historien note une certaine créativité avec des slogans, des chants sur des airs connus.

Dans des tracts CGT diffusés aux militants, des paroles revendicatives sont par exemple parfois proposées sur des airs classiques (comme "Milord" entrée au répertoire d'Edith Piaf en 1959 ou la valse musette "Ah le petit vin blanc" créée en 1943).

Les cortèges sont aussi émaillés de happenings comme l'an dernier ceux du "Collectif Ibiza" ciblant l'ex-ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, avec un sosie dansant sur des chars.

Cette année, les "Rosies", qui s'étaient illustrées dans les manifestations contre la réforme des retraites fin 2019 avec leurs chansons chorégraphiées, ont déjà préparé un acte II, diffusé en ligne avant même la mobilisation de jeudi, avec des consignes pour la gestuelle.

Toujours revêtues de leur bleu de travail à l'image de Rosie la riveteuse (célèbre image de la culture pop américaine - 1942 - montrant une femme bandant ses muscles), elles chantent "Nous on veut vivre" sur l'air d'"I Will Survive" de Gloria Gaynor.

Le collectif "La fanfare invisible", qui prône une "résistance joyeuse", sera aussi dans la rue jeudi.

«On ne chante plus»

"Le mouvement ouvrier - en France, aux Etats-Unis, partout dans le monde - a eu des chansons", relève Bertrand Dicale qui tient la chronique "Ces chansons qui font l'actu" sur Franceinfo.

"Certaines sont entrées dans la légende", comme "Vas-y Léon" de Gaston Montheus chanté par le Front populaire, ou des chants de mineurs dans le nord de la France, dit-il, citant à titre d'exemple l’album de Renaud "Cante el' Nord" avec plusieurs chants de grève.

Les années 1970 sont émaillées de chansons liées à des mouvements sociaux: celles de Gilles Servat lors de la grève du Joint français à Saint-Brieuc, les chants accompagnant le mouvement des Lip ou encore ceux des ouvrières de l’usine Siemens à Baudour (Belgique). "Ce sont des chansons qui sont passées dans le peuple", souligne le journaliste.

Même si ce n’est pas une mélodie à proprement parler, il cite aussi "L’air des lampions", un rythme en cinq notes du type "Macron démission, Macron démission" qui remonte à la révolution de 1848 et est devenu "la scansion classique d’un slogan de manif" qu'on entend encore.

"Pendant des années, on a chanté dans les manifs. Vraiment chanté", note le spécialiste de la chanson française. Mais le dernier grand chant de manif "qui marque une génération, c’est +Devaquet, si tu savais…+ en 1986. Après, il n’y en a plus eu beaucoup", à part très localement, dit-il.

Aujourd’hui, "on ne chante plus dans les manifs" et "la grève, ce n’est plus ouvrier".

Désormais, "dans les cortèges syndicaux on met des sonos, avec évidemment 'Bella Ciao', 'Motivés', 'Manu Chao'…". "Or si on dit 'chanson', c’est parce qu’on chante, pas parce qu’on diffuse sur des haut-parleurs" avec une camionnette "pour que ça avoine".

"C’est le reflet de ce qu’est le mouvement syndical aujourd’hui. Il faut des groupes rassemblés pour chanter", dit-il. Mais "les politiques ne chantent plus non plus, il n’y a plus de chansons paillardes, les chants de supporter sont toujours les mêmes, parce que c’est la sono qui s’en occupe".

Tout ceci traduit aussi "une faiblesse de la chanson": "avant même l’érosion du mouvement syndical, il y a l’érosion du chant populaire".


Retraites: La justice suspend une interdiction de rassemblement nocturne à Paris

Le tribunal a estimé que l'interdiction générale de manifester dans plusieurs secteurs de Paris n'était "ni nécessaire ni proportionnée à la préservation de l'ordre public" (Photo, AFP).
Le tribunal a estimé que l'interdiction générale de manifester dans plusieurs secteurs de Paris n'était "ni nécessaire ni proportionnée à la préservation de l'ordre public" (Photo, AFP).
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  • L'arrêté du préfet de police interdisait de manifester entre samedi à 17h00 et dimanche à 3h00 du matin
  • La LDH, le SAF et le Syndicat de la magistrature reprochaient à la préfecture de police d'avoir pris «en catimini»

PARIS: Le tribunal administratif de Paris a annulé samedi un arrêté du préfet de police interdisant des rassemblements, jugeant qu'il portait atteinte à la liberté de manifester, selon l'ordonnance du juge des référés consultée par l'AFP.

Saisi en urgence par plusieurs organisations dont la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Syndicat des avocats de France (SAF) et Solidaires, le tribunal a estimé que l'interdiction générale de manifester dans plusieurs secteurs de Paris n'était "ni nécessaire ni proportionnée à la préservation de l'ordre public".

L'arrêté du préfet de police Laurent Nuñez visé, publié vendredi, interdisait de manifester entre samedi à 17h00 et dimanche à 3h00 du matin dans plusieurs secteurs de Paris, proches de lieux de pouvoir ou ayant été ces dernières semaines le lieu d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre.

Il interdisait également, aux abords et au sein des manifestations, le port d'engins pyrotechniques, de substances dangereuses ou "d'équipements de protection destinés à mettre en échec" le maintien de l'ordre.

Le tribunal administratif a jugé ces deux interdictions disproportionnées, soulignant que plusieurs manifestations déclarées samedi à Paris se sont déroulées sans heurts.

La LDH, le SAF et le Syndicat de la magistrature reprochaient à la préfecture de police d'avoir pris "en catimini", "sans que personne n'en soit informé", des arrêtés quotidiens interdisant les rassemblements dans une grande partie du centre de la capitale.

Celui interdisant les "rassemblements non déclarés" entre lundi dernier 17h00 et mardi 03h00 a par exemple été publié à 17h30.

"Pourquoi ne pas faire connaître et rendre clairement lisibles les arrêtés si le but est que les gens ne manifestent pas ?", s'était interrogé le SAF.


Borne juge l'interview de Schiappa dans Playboy «pas du tout appropriée», la gauche vent debout

La Première ministre française Elisabeth Borne (Photo, AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne (Photo, AFP).
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  • Plusieurs responsables de gauche se sont émus de la communication du gouvernement en pleine crise sociale
  • La secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire a accordé un long entretien sur les droits des femmes dans le numéro du magazine de charme

PARIS: Elisabeth Borne a appelé Marlène Schiappa pour lui dire que son interview dans Playboy n'était "pas du tout appropriée" dans le contexte actuel, tandis que la gauche s'est indignée de cette communication en pleine crise sociale.

La secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire a accordé un long entretien sur les droits des femmes dans le numéro du magazine de charme à paraître jeudi, posant à la Une, habillée d'une longue robe blanche.

La Première ministre lui a fait savoir que ce n'était "pas du tout approprié, à plus forte raison dans la période actuelle", a-t-on appris samedi auprès de l'entourage d'Elisabeth Borne, confirmant une information de BFMTV.

Plusieurs responsables de gauche se sont émus de la communication du gouvernement en pleine crise sociale, après cette Une de Playboy et l'interview d'Emmanuel Macron dans Pif.

Quant au ministre du Travail Olivier Dussopt, en première ligne sur la réforme des retraites, il a récemment accordé un entretien au journal Têtu, dans lequel il révèle son homosexualité.

"On est en plein dans une crise sociale, il y a un sujet sur le maintien de l'ordre, il y a des personnes entre la vie et la mort et j'ai l'impression d'un écran de fumée, entre Têtu, Pif Gadget et Playboy", a déploré sur BFMTV la députée écologiste Sandrine Rousseau.

"Quel est le respect du peuple français, des personnes qui vont devoir travailler deux ans de plus, qui manifestent, qui perdent des journées de salaires, qui n'arrivent pas à manger à cause de l'inflation", a-t-elle ajouté. "Le corps des femmes doit pouvoir être exposé partout, j'ai pas de problème avec ça, mais là il y a un sujet social".

"Dans un pays où le Président s'exprime dans Pif et sa ministre Schiappa dans Playboy, le problème ce serait l'opposition. La France déraille", a twitté le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Et Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, d'ironiser: "Il ne suffit pas de s'abonner à Pif pour connaître les intentions du gouvernement, il faut aussi s'abonner à Playboy..."

"Défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps, c’est partout et tout le temps", a répondu Marlène Schiappa dans un tweet: "En France, les femmes sont libres. N’en déplaise aux rétrogrades et aux hypocrites".


Le Pen refusera d'être Première ministre si le RN remportait des législatives anticipées

La présidente du parti français d'extrême droite Rassemblement national (RN) Marine Le Pen (Photo, AFP).
La présidente du parti français d'extrême droite Rassemblement national (RN) Marine Le Pen (Photo, AFP).
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  • «Emmanuel Macron n’ira pas au référendum, il a peur du peuple»
  • Son parti, porté par de bons sondages, apparaît comme la force politique qui profite le mieux de la crise politique et sociale actuelle

PARIS: Marine Le Pen refusera d'être Première ministre en cas de dissolution de l'Assemblée nationale et de victoire du Rassemblement national à des élections législatives anticipées, souhaitant se consacrer à la présidentielle de 2027, assure-t-elle samedi dans un entretien à Ouest-France.

Son parti, porté par de bons sondages, apparaît comme la force politique qui profite le mieux de la crise politique et sociale actuelle.

Et, en cas de dissolution, "je pense que nous pouvons envisager une majorité", estime la cheffe de file des députés RN.

Il y aurait alors "un Premier ministre Rassemblement national à la tête d’une équipe composée des forces politiques qui souhaiteront participer à un gouvernement d’union nationale", moi, "j'envisage d’être présidente de la République" en 2027, a ajouté la triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle.

En cas d'accession à l'Elysée, elle assure qu'elle reviendra sur la réforme d'Emmanuel Macron et le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite.

Pendant la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen a défendu le maintien de la retraite à 62 ans, souhaitant cependant permettre aux Français rentrés avant 20 ans sur le marché du travail de partir à 60 ans s'ils ont cotisé au moins 40 annuités.

"Je proposerais à la représentation nationale, ou par référendum, d’adopter (cette) réforme", affirme-t-elle dans Ouest-France, dénonçant "la relation toxique" qu'entretient le chef de l'Etat avec les Français, "qu’il jette les uns contre les autres, en exacerbant les tensions".

Après avoir longtemps réclamé un référendum sur les retraites, Marine Le Pen a appelé à la dissolution de la chambre basse après l'utilisation du 49.3 et le rejet de la motion de censure.

"Emmanuel Macron n’ira pas au référendum, il a peur du peuple", estime la députée RN.

Et "il ne procédera à une dissolution que s’il y est contraint", c'est-à dire, selon elle, "en cas de drame".

Au RN, certains cadres restent inquiets des risques d'élections législatives anticipées. En recueillant 22% d'intentions de vote, le parti d'extrême droite améliorerait certes de trois points son score de juin, selon une étude Harris Interactive réalisée début mars, mais il n'aurait gagné qu'une dizaine de députés, très loin de toute majorité, fût-elle relative.