Un ex-militaire rwandais soupçonné d'implication dans le génocide poursuit une journaliste française pour injure

Une journaliste française ayant couvert les massacres de 1994 s'est défendue jeudi devant la justice française face à un ex-chef des renseignements militaires du Rwanda (Photo, AFP).
Une journaliste française ayant couvert les massacres de 1994 s'est défendue jeudi devant la justice française face à un ex-chef des renseignements militaires du Rwanda (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 20 janvier 2023

Un ex-militaire rwandais soupçonné d'implication dans le génocide poursuit une journaliste française pour injure

  • Une journaliste française ayant couvert les massacres de 1994 s'est défendue devant la justice face à un ex-chef des renseignements militaires du Rwanda
  • En France, une enquête préliminaire a été ouverte en août 2020 pour «crimes contre l'humanité» contre Aloys Ntiwiragabo

PARIS: Traiter un homme soupçonné d'avoir été un cadre du génocide rwandais de "nazi africain" relève-t-il de l'"injure publique" ? Une journaliste française ayant couvert les massacres de 1994 s'est défendue jeudi devant la justice française face à un ex-chef des renseignements militaires du Rwanda pour l'avoir ainsi qualifié.

Les faits remontent à juillet 2020, alors que le site Mediapart publie un article affirmant avoir retrouvé Aloys Ntiwiragabo, alors âgé de 72 ans, près d'Orléans, dans le centre de la France.

L'homme, ancien colonel de gendarmerie, avait été chef des renseignements militaires pendant le génocide au Rwanda en 1994, et avait fait l'objet de mandats d'arrêts de la part du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), levés depuis plusieurs années, le TPIR ayant été dissous en 2015.

"Un nazi africain en France ? Quelqu'un va réagir ?", tweete alors Maria Malagardis, qui couvre de longue date l'actualité africaine, en réponse à un autre tweet d'Edwy Plenel, le président de Médiapart, annonçant l'article concerné.

"J'ai eu une réaction spontanée, qui m'a semblée être à la mesure de l'importance et de l'intérêt de cette découverte", a expliqué à la barre Mme Malagardis, journaliste depuis une quinzaine d'années pour le quotidien Libération, qui a écrit deux livres sur le génocide rwandais.

Aloys Ntiwiragabo, qui selon une ordonnance du TPIR d'août 1997 vue par l'AFP, aurait en avril 1994 "lui-même donné des ordres aux militaires des Forces de l'armée rwandaise d'exterminer tous les tutsis et les hutus complices", ne faisait toutefois l'objet d'aucune plainte en France et n'était recherché ni par Interpol, ni par la justice française ou rwandaise.

"L'acte d'accusation date de 1997, et depuis il ne se passe plus rien", a observé son avocat, Benjamin Chouai. Le Rwanda n'a lancé un mandat d'arrêt international à son encontre et Interpol n'a émis de "fiche rouge" le concernant qu'après l'article de Médiapart, a-t-il insisté.

En France, une enquête préliminaire a été ouverte en août 2020 pour "crimes contre l'humanité" contre Aloys Ntiwiragabo, qui a depuis lors été placé sous le statut de "témoin assisté", a encore souligné Me Chouai, ce qui selon lui augure de la faiblesse des charges contre son client.

«Intérêt général»
Le terme de nazi est en ce sens "outrageant, injurieux", et "Aloys Ntiwiragabo a des droits à faire valoir", a poursuivi l'avocat, qui a demandé 10.000 euros au titre des dommages et intérêt.

Attaquer en justice "une journaliste chevronnée pour un tweet est quelque chose d'un peu particulier, surtout si l'on prend en considération la personnalité de la partie civile", lui a rétorqué Emmanuel Soussen, l'avocat de Maria Malagardis.

Et d'insister sur le parcours d'Aloys Ntiwiragabo, "un génocidaire, qu'on cherche depuis 30 ans", qui "finalement coule des jours heureux en France".

En 2015, la Cour administrative d'appel de Nantes lui avait refusé la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français au motif que "s'il n'est pas établi qu'il (ait) participé personnellement (au génocide) ou l'(ait) planifié, (...) il n'a pris aucune mesure pour faire cesser les massacres ni n'a démissionné".

Dans un autre document du TPIR, Aloys Ntiwiragabo est évoqué comme faisant partie d'un groupe de onze responsables qui, "dès la fin de 1990 jusqu'à juillet 1994 (...) se sont entendus entre eux et avec d'autres pour élaborer un plan dans l'intention d'exterminer la population civile Tutsi et d'éliminer des membres de l'opposition et se maintenir ainsi au pouvoir".

Selon l'ONU, le génocide a fait au moins 800.000 morts en trois mois au Rwanda. D'après Me Soussen, citant plusieurs experts, les références aux politiques nazies étaient multiples côté rwandais lors de la préparation et de la commission du génocide des tutsis, le terme de "nazi africain" étant "une théorie extrêmement sérieuse" et "documentée".

"Nous étions bien en présence d'un débat d'intérêt général", à la fois "historique mais également juridique", a observé la vice-procureure Camille Viennot, sans toutefois requérir de relaxe ni de condamnation.

"Ca me fait quand même assez drôle de me retrouver en position d'accusée alors que j'ai essayé de faire œuvre utile pour l'histoire dans le cadre de cette tragédie", a conclu Maria Malagardis.

La décision sera rendue le 15 mars prochain.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.