Comment l'Europe peut intensifier la pression sur le régime iranien

Des manifestants prennent part à un rassemblement à Lyon, en France, contre le régime iranien, le 8 janvier 2023 (Photo, AFP/Archives).
Des manifestants prennent part à un rassemblement à Lyon, en France, contre le régime iranien, le 8 janvier 2023 (Photo, AFP/Archives).
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Publié le Lundi 23 janvier 2023

Comment l'Europe peut intensifier la pression sur le régime iranien

Comment l'Europe peut intensifier la pression sur le régime iranien
  • Il est important de souligner que l'UE peut jouer un rôle essentiel pour contrer le régime iranien et rendre plus efficaces les sanctions américaines à son encontre
  • L'UE doit aller au-delà d'une condamnation verbale et de sanctions même symboliques

Le défi, l'oppression et l'agression du régime iranien sont en hausse au niveau national, régional et mondial.

Sur le plan national, le régime théocratique a intensifié ses violations des droits de l'homme afin de mettre un terme aux manifestations en cours et d'assurer la survie du régime.

Le régime a recours aux exécutions, à la torture et à l'oppression afin d'imposer la peur dans la société. La directrice adjointe d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Diana Eltahawy, a souligné la semaine dernière la répression flagrante du régime, en déclarant: «Il est odieux que les autorités iraniennes persistent dans leur folie meurtrière sanctionnée par l'État, alors qu'elles cherchent désespérément à mettre fin aux manifestations et à s'accrocher au pouvoir en semant la peur au sein de la population. Les exécutions arbitraires de Mohammed Mehdi Karami et de Seyed Mohammed Hosseini, quelques jours seulement après la confirmation de leur condamnation à mort, montrent comment les autorités iraniennes continuent de brandir la peine de mort comme une arme de répression et rappellent de manière effrayante que des dizaines d'autres personnes risquent toujours d'être exécutées.»

En ce qui concerne le niveau régional, le régime iranien continue de financer, de parrainer et de soutenir les milices et les groupes mandataires qui font avancer les intérêts idéologiques et géopolitiques de Téhéran et ses idéaux révolutionnaires.

Au niveau mondial, la République islamique persiste dans son défi nucléaire ainsi que dans son soutien aux cellules terroristes. Comme l'a prévenu la semaine dernière le député britannique Tim Loughton: «Le problème c'est que l'Iran joue son rôle de terroriste par l'intermédiaire d'acteurs tiers au Yémen, avec les Houthis et d'autres et nous avons besoin d'une bien meilleure coalition internationale afin de défier l'Iran. Évidemment, cela a été affaibli ces dernières années par les répercussions entre l'administration Trump et les autres pays occidentaux au sujet des sanctions, en réaction au programme nucléaire. Je crois que l'Iran a profité de cette désunion et de ce vide.

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«L'UE dispose de plusieurs moyens de pression contre le régime qui peuvent être mis en œuvre à tout moment.»

    Dr. Majid Rafizadeh

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Toutefois, il est important de souligner que l'UE peut jouer un rôle essentiel pour contrer le régime iranien et rendre plus efficaces les sanctions américaines à son encontre.

L'UE dispose d'un levier multiforme contre le régime iranien, qui peut être activé à tout moment afin de tenir les dirigeants iraniens responsables de leurs violations des droits de l'homme et de faire pression sur eux pour qu'ils changent leur comportement destructeur sur leur territoire et à l'étranger.

Tout d'abord, contrairement aux États-Unis, qui se sont retirés de l'accord nucléaire sous l'administration Trump, les membres de l'UE, la France et l'Allemagne, ainsi que le Royaume-Uni, ont toujours le pouvoir de déclencher le processus qui conduirait à la réimposition des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies contre la République islamique. Sur la base du texte du plan d'action global conjoint (JCPOA), toute partie signataire peut déclencher un compte à rebours de 30 jours avant de «revenir à la normale» qui rétablirait toutes les sanctions des Nations unies à l'encontre de l'Iran, notamment un embargo sur les armes, si une partie s'avère que Téhéran ne respecte pas ses obligations.

Sans aucun doute, le rétablissement des sanctions des Nations unies imposerait une pression importante sur les transactions financières et militaires des dirigeants iraniens.

En outre, les pays européens peuvent également imposer unilatéralement de nouvelles sanctions à l'industrie énergétique iranienne, particulièrement le pétrole, ainsi qu'aux secteurs de la finance, du transport maritime, de la construction et de l'armement.

Le deuxième aspect du levier de l'UE contre le régime iranien est lié aux relations économiques avec Téhéran. Malheureusement, certains des principaux partenaires commerciaux de l'Iran sont des pays membres de l'UE. «L'Iran et les 27 États membres de l'Union européenne ont échangé des marchandises pour une valeur de 4,36 milliards d'euros au cours des 10 premiers mois de 2022, enregistrant une hausse de 14,28% par rapport à la période correspondante de l'année dernière», a rapporté l'agence de presse Mehr le mois dernier.

Mehr a ajouté que «l'Allemagne a été le premier partenaire commercial de l'Iran dans la région de l'UE au cours de cette période, les deux pays ayant échangé pour plus de 1,6 milliard d'euros de marchandises, soit 15,44% de plus qu'au cours de la même période l'année précédente. L'Italie vient ensuite avec 555,39 millions d'euros d'échanges commerciaux avec l'Iran pour enregistrer une hausse de 11,14% en glissement annuel. Les Pays-Bas avec 351,94 millions d'euros (en baisse de 10,76%) et l'Espagne avec 296,06 millions d'euros (en hausse de 13,12%) sont les autres principaux partenaires commerciaux européens de l'Iran».

Si les pays européens décidaient ensemble de mettre un terme à leurs relations commerciales avec l'Iran à cause de l'implication du régime dans le conflit russo-ukrainien, de son soutien aux milices et aux groupes terroristes et de la répression brutale des manifestants, les dirigeants iraniens seraient contraints de revoir leurs priorités idéologiques et politiques afin de survivre.

Enfin, il est également essentiel d'exercer une pression diplomatique sur le régime iranien. L'UE doit aller au-delà d'une condamnation verbale et de sanctions même symboliques. Cela signifie que les pays européens pourraient faire un pas de plus en rappelant leurs ambassadeurs à Téhéran et en rompant les relations diplomatiques avec l'Iran jusqu'à ce que le régime change son comportement destructeur à l’intérieur du pays et à l'étranger. Ces mesures sont essentielles pour que le régime soit tenu responsable de ses crimes.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

 

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.



 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com