L'Ukraine s'attaque à «l'ennemi intérieur» de la corruption en pleine guerre

Une photo prise le 16 mai 2022 montre des drapeaux de l'Union européenne et de l'Ukraine devant le siège du Conseil européen à Bruxelles. (AFP)
Une photo prise le 16 mai 2022 montre des drapeaux de l'Union européenne et de l'Ukraine devant le siège du Conseil européen à Bruxelles. (AFP)
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Publié le Jeudi 02 février 2023

L'Ukraine s'attaque à «l'ennemi intérieur» de la corruption en pleine guerre

  • L'Ukraine, dont l'effort de guerre dépend en large partie du soutien de l'Europe et des Etats-Unis, est au défi de juguler les manigances financières pour ne pas écœurer les alliés
  • Kiev accueille vendredi un sommet avec l'UE qui a fait de la lutte anticorruption une condition à l'accession de l'Ukraine au bloc européen. Il sera précédé d'une réunion des membres de la Commission européenne et du gouvernement ukrainien

KIEV: L'Ukraine a lancé mercredi une vague de perquisitions visant administrations, fonctionnaires et personnalités, les autorités assurant faire de la lutte contre la corruption une priorité dans le contexte de l'effort de guerre et de l'aide occidentale.

"Justice sera rendue", a affirmé le président Volodymyr Zelensky dans son message quotidien sur internet, en faisant état de "dizaines de perquisitions et d'autres actions dans différentes régions et contre différentes personnes dans le cadre de procédures pénales".

Le patron du Service de sécurité ukrainien (SBU), Vassyl Maliouk, a précisé qu'il s'agissait d'une campagne pour "porter un coup à l'ennemi intérieur".

"Ce n'est que la première étape", a-t-il affirmé, "et on ne va pas s'arrêter là", jurant de "mettre les menottes" à ceux qui ont "l'audace de faire du mal à l'Ukraine".

Les autorités ukrainiennes ont dit avoir perquisitionné le domicile du milliardaire Igor Kolomoïski, l'ex-ministre de l'Intérieur Arsen Avakov et le fisc ukrainien, tandis que la direction des Douanes a été limogée. De hauts responsables du ministère de la Défense ont également reçu la visite d'enquêteurs.

Ces descentes interviennent une semaine après le limogeage d'une série de hauts responsables dans la foulée d'une affaire de corruption concernant des approvisionnements de l'armée, premier scandale d'ampleur depuis l'invasion russe il y a près d'un an.

En outre, Kiev accueille vendredi un sommet avec l'UE qui a fait de la lutte anticorruption une condition à l'accession de l'Ukraine au bloc européen. Il sera précédé d'une réunion des membres de la Commission européenne et du gouvernement ukrainien.

L'Ukraine, dont l'effort de guerre dépend en large partie du soutien de l'Europe et des Etats-Unis, est au défi de juguler les manigances financières pour ne pas écœurer les alliés.

Le SBU a diffusé mardi des images de la perquisition chez M. Kolomoïski, dans le cadre d'une affaire de détournement de 40 milliards de Hryvnia (un milliard d'euros environ au taux actuel) impliquant des compagnies pétrolières.

Ce milliardaire à la réputation sulfureuse fut proche de Volodymyr Zelensky, avant que ce dernier ne prenne ses distances.

Très mauvais oeil
Des enquêteurs ont également remis à de hauts responsables du ministère de la Défense des notifications faisant officiellement d'eux des suspects, notamment un vice-ministre, limogé récemment, pour son rôle présumé dans un contrat à des prix surévalués concernant les produits alimentaires destinés aux soldats.

Si cela ne semble pas être le cas dans cette affaire, les Occidentaux verraient d'un très mauvais oeil que les milliards d'aides versés depuis un an pour repousser l'envahisseur russe puissent être détournés.

Kiev est en outre engagé dans une course contre la montre pour obtenir des armements plus puissants.

L'Ukraine veut en particulier des missiles de haute précision d'une portée de plus de 100 kilomètres pour détruire les lignes d'approvisionnement russes afin de surmonter son déficit en nombre d'hommes et en armement.

Jusqu'ici, les Occidentaux ont refusé de livrer ces systèmes et des avions de combat, de crainte de provoquer une nouvelle escalade russe. Le président américain Joe Biden a toutefois indiqué mardi qu'il allait en discuter avec son homologue ukrainien.

Et le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki s'est déclaré disposé à envoyer des avions de combat de type F-16 en cas de consensus sur le sujet au sein de l'OTAN, dans une interview accordée au quotidien allemand Bild.

Déjà, après de longues tergiversations, Européens et Américains ont donné leur feu vert ce mois-ci à des livraisons de chars lourds modernes, même si leur nombre reste encore en deçà de ce que réclame Kiev.

De nombreux observateurs jugent que Kiev comme Moscou préparent de nouvelles offensives.

Après une série de revers humiliants à l'automne, la Russie a mobilisé des centaines de milliers de réservistes.

Mercredi, au moins deux personnes ont été tuées par un tir de missile russe sur un immeuble d'habitation à Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, selon les autorités ukrainiennes.

"Un immeuble d'habitation, un tir de missile, des civils tués et (d'autres) prisonniers des décombres", a déploré le président Zelensky via la messagerie Telegram, mentionnant "deux morts et huit blessés" en l'état.

«La situation empire»
L'armée russe, associée au groupe paramilitaire Wagner, a aussi intensifié les combats, notamment pour prendre Bakhmout, ville de l'Est qu'elle pilonne depuis l'été. Ces dernières semaines, Moscou a même revendiqué la prise de plusieurs localités avoisinantes.

Plus au sud, ils ont aussi entrepris une offensive sur Vougledar.

"Plus le temps passe, plus la situation empire", a dit à l'AFP Oleksandre, 45 ans, un soldat ukrainien qui tire au mortier depuis son poste installé à cinq kilomètres de cette ville.

Roman, le commandant de 35 ans de l'unité, assure tenir, mais note être en infériorité: "Ils ont de l'équipement, ils ont des armes et ils ont plus de monde que nous".

De son côté, la Russie martèle qu'elle poursuivra coûte que coûte son assaut, assurant aussi que la livraison de missiles de plus longue portée à l'Ukraine ne changerait pas la donne.

"Cela impliquerait pour nous des efforts supplémentaires, mais ça ne changera pas le cours des événements", a estimé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

La diplomatie russe a par ailleurs averti qu'elle considèrerait d'éventuelles livraisons d'armes par Israël à l'Ukraine comme des "cibles légitimes", après que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a indiqué "examiner la question".


Des députés britanniques exhortent le gouvernement à désigner le CGRI comme un groupe terroriste

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  • Les signataires de la lettre ouverte affirment que l’organisation iranienne «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni»
  • La désignation du CGRI comme groupe terroriste le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda

LONDRES: Un groupe multipartite formé de plus de 50 députés et de pairs à la Chambre des lords au Royaume-Uni a exigé que le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien soit désigné comme une organisation terroriste.

Ce groupe, qui comprend les anciennes secrétaires d’État à l’intérieur Suella Braverman et Priti Patel, a formulé cette demande dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien The Times.

Le CGRI constitue un élément clé des capacités militaires et de projection de puissance de l’Iran. Plus de 125 000 personnes servent dans ses rangs, réparties dans des unités telles que la force Al-Qods, l’unité d’outre-mer chargée d’assurer la liaison avec les milices au Yémen, au Liban, en Irak et en Syrie, et de les soutenir. Ces dernières années, le CGRI a également établi des relations avec le Hamas dans la bande de Gaza.

La lettre ouverte, signée par 134 personnes, intervient après l’attaque iranienne du week-end dernier contre Israël, que les signataires ont décrite comme le «dernier chapitre de la terreur destructrice du CGRI».

«Le gouvernement lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en considérant le Hamas et le Hezbollah comme terroristes, mais ce n’est pas suffisant», indique le document.

«Le CGRI est la principale source de radicalisation idéologique, de financement, d’équipement et de formation de ces groupes.»

«Le gouvernement doit agir contre la racine même du problème et considérer le CGRI comme une organisation terroriste.»

L’Iran a riposté à l’attaque israélienne contre son consulat à Damas, qui a fait onze morts, dont des commandants de haut rang.

L’ancien président américain Donald Trump a désigné le CGRI comme une organisation terroriste en 2019, un an avant l’assassinat de Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods.

Le Royaume-Uni s’est toutefois montré réticent à faire de même par crainte de rompre les canaux de communication diplomatiques avec Téhéran.

Cependant, dans le cadre des sanctions imposées à l’Iran en raison de son programme nucléaire, le Royaume-Uni a sanctionné le CGRI; il a gelé les avoirs de ses membres et a mis en œuvre des mesures d’interdiction de voyager.

La désignation du CGRI comme groupe terroriste au Royaume-Uni le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda et rendrait illégal tout soutien au groupe, avec une peine maximale de quatorze ans d’emprisonnement.

Les 134 signataires affirment que le CGRI «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni». Ils accusent des «voyous» qui appartiennent au groupe d’avoir poignardé un dissident iranien à Londres le mois dernier.

La lettre a été coordonnée par le Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Israël, dont fait partie l’ex-ministre de l’Immigration Robert Jenrick.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington et Londres imposent des sanctions contre l'Iran, visant des fabricants de drones

Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
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  • Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense
  • L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol

WASHINGTON: Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont imposé jeudi des sanctions contre l'Iran, ciblant "le programme iranien de drones, l'industrie sidérurgique et les constructeurs automobiles", après l'attaque du week-end dernier contre Israël.

Les sanctions de Washington visent "16 personnes et deux entités permettant la production de drones iraniens" dont les Shahed qui "ont été utilisés lors de l'attaque du 13 avril", a annoncé le département du Trésor dans un communiqué.

Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense.

Le président américain Joe Biden a déclaré que les Etats-Unis allaient continuer à faire "rendre des compte" à l'Iran avec ces nouvelles sanctions visant la République islamique.

Il a assuré que les sanctions étaient destinées à "limiter les programmes militaires déstabilisateurs de l'Iran", selon un communiqué de la Maison Blanche.

Les sanctions imposées par Londres ciblent, elles, "plusieurs organisations militaires iraniennes, individus et entités impliqués dans les industries iraniennes de drones et missiles balistiques", a précisé le Trésor.

L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol.

Téhéran a présenté son attaque comme une riposte à la frappe meurtrière imputée à Israël visant le consulat iranien à Damas début avril.

Eviter l'escalade 

En réponse, les pays occidentaux ont promis de renforcer leurs sanctions contre l'Iran, mais veulent aussi éviter une escalade de la violence dans la région.

L'Union européenne a ainsi décidé, mercredi lors d'un sommet à Bruxelles, d'imposer de nouvelles sanctions visant les producteurs iraniens de drones et de missiles.

Et jeudi, la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock a indiqué que les dirigeants des pays du G7, en réunion sur l'île italienne de Capri, discutent "de mesures supplémentaires", tout en insistant sur la nécessité d'éviter "une escalade".

Les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon et Italie) devraient appeler à des sanctions individuelles contre des personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement iranienne en missiles et en drones, selon une source au sein du ministère italien des Affaires étrangères.

Et les ministres des Finances et banquiers centraux du G7, réunis à Washington, avaient promis, dans un communiqué mercredi soir, d'assurer "une coordination étroite de toute mesure future visant à affaiblir la capacité de l'Iran à acquérir, produire ou transférer des armes pour soutenir ses activités régionales déstabilisatrices".

Ils avaient par ailleurs appelé "à la stabilité dans l'ensemble de la région, au vu des risques économiques posés par une escalade régionale, notamment les perturbations du transport maritime international".


L'éventuelle aide américaine à l'Ukraine «ne changera rien», selon le Kremlin

Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023
  • De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions

MOSCOU: Le Kremlin a assuré jeudi que l'aide des Etats-Unis à l'Ukraine, bloquée au Congrès depuis plusieurs mois et sur laquelle les élus américains doivent se prononcer samedi, "ne pourra rien changer" à la situation sur le front, où l'armée russe est à l'offensive.

L'Ukraine réclame inlassablement à ses alliés occidentaux plus de munitions et de systèmes de défense antiaérienne, alors que les forces russes pilonnent toujours quotidiennement ses villes et ses infrastructures énergétiques.

Or, la Chambre américaine des représentants doit voter samedi sur un texte prévoyant près de 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, ce qui pourrait permettre à son armée de reprendre son souffle.

"Cela ne peut en aucun cas influencer l'évolution de la situation sur les fronts", a balayé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

"Cela ne pourra rien changer", a-t-il martelé devant la presse, affirmant que "tous les experts indiquent dorénavant que la situation sur le front est défavorable à la partie ukrainienne".

Vote à l'issue incertaine 

L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023 et alors que l'armée russe grignote progressivement du terrain, notamment dans le Donbass, cible prioritaire du Kremlin.

De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions.

Les forces ukrainiennes manquent notamment de systèmes de défense antiaérienne pour contrer les attaques quotidiennes russes de drones explosifs et de missiles, à l'instar de la triple frappe mercredi à Tcherniguiv, qui a fait 18 morts.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky déplore quasiment tous les jours le manque d'aide des Occidentaux, après plus de deux ans de conflit à haute intensité.

Mi-mars, le chef de l'Etat ukrainien avait jugé "d'importance critique" une décision rapide du Congrès américain sur le déblocage de l'aide à son pays, confronté simultanément à des difficultés pour enrôler des volontaires dans l'armée.

"Nous avions besoin de cet argent hier, pas demain, pas aujourd'hui", a appuyé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal dans un entretien à la BBC.

Cette aide financière a déjà été approuvée par le Sénat à majorité démocrate, mais reste bloquée au Congrès, les représentants républicains, soutenant Donald Trump, faisant la sourde oreille à six mois de la présidentielle.

Le président américain Joe Biden, qui pousse pour l'adoption de ce texte, s'est lui à nouveau dit mercredi "très favorable" à cette enveloppe, évoquant dans les colonnes du Wall Street Journal "un moment charnière".

L'issue du vote n'en reste pas moins incertaine à ce stade.

Restrictions d'électricité 

Pourtant, sur le terrain, la dynamique n'est pas à l'avantage de l'Ukraine, dont près de 20% du territoire reste occupé par la Russie.

Deux personnes ont été tuées jeudi dans de nouveaux bombardements russes, selon les autorités locales.

Et les attaques russes visant les infrastructures énergétiques restent très fréquentes malgré les tentatives de l'armée ukrainienne de protéger ces sites.

Face à cette situation, le ministère ukrainien de l'Energie a appelé jeudi la population et les entreprises à limiter leur consommation d'électricité le soir "pendant les heures de pointe" (de 19h00 à 22h00), relayant la demande de l'opérateur privé d'électricité DTEK.

Le ministère a notamment justifié cette décision par "l'augmentation de la charge sur le réseau électrique qui découle" de ces frappes russes répétées.

En représailles, l'Ukraine vise régulièrement des raffineries ou des sites militaires sur le sol russe dans le but de perturber la chaîne logistique d'approvisionnement vers les troupes engagées sur le front.

Jeudi, le renseignement militaire ukrainien (GUR) a revendiqué une frappe "réussie" la veille sur un aérodrome militaire russe en Crimée annexée, "détruisant ou endommageant gravement" des lanceurs de systèmes S-400, des équipements radar et un centre de contrôle de défense antiaérienne.