La vieille dame et le «regard glaçant» du Dr Mengele

Lidia Maksymowicz, 82 ans, survivante polonaise de l'Holocauste au camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, pose lors d'une séance photo à Paris le 1er février 2023. (AFP).
Lidia Maksymowicz, 82 ans, survivante polonaise de l'Holocauste au camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, pose lors d'une séance photo à Paris le 1er février 2023. (AFP).
Short Url
Publié le Dimanche 05 février 2023

La vieille dame et le «regard glaçant» du Dr Mengele

  • L'Allemand Josef Mengele, 32 ans alors, chercheur en génétique, avait été affecté cette année-là dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau
  • Il y avait vu une chance de se procurer des cobayes humains, qui subirent sous sa supervision des traitements atroces, en dehors de toute préoccupation éthique.

PARIS : "Mengele avait une apparence agréable, mais il était complètement dépourvu de sentiments humains": Lidia Maskymowicz, une de ses anciennes cobayes, a encore en 2023 des "flashes" du médecin d'Auschwitz Josef Mengele, qu'elle relate dans un livre avec l'éclairage de travaux d'historiens.

Cette Polonaise d'origine biélorusse est venue témoigner le 1er février au Mémorial de la Shoah à Paris, à 82 ans, à l'occasion de la sortie en janvier de ce livre traduit en français, devant un public majoritairement jeune, qui souvent n'a même pas ou à peine connu le XXe siècle.

Elle est arrivée à trois ans au camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau, dans les bras de sa mère prisonnière politique, en décembre 1943.

À cet âge-là, "nous étions incapables de travailler, mais on pouvait mener de pseudo-expériences scientifiques sur nous", raconte-t-elle à l'assistance dans un auditorium, traduite par une interprète.

L'Allemand Josef Mengele, 32 ans alors, chercheur en génétique, avait été affecté cette année-là dans ce camp. Il y avait vu une chance de se procurer des cobayes humains, qui subirent sous sa supervision des traitements atroces, en dehors de toute préoccupation éthique.

«Pardonner?»

Le livre témoignage, "La petite fille qui ne savait pas haïr" (éditions Michel Lafon), a été rédigé avec un journaliste italien, Paolo Rodari.

En mai 2021, voyant le pape François embrasser le tatouage de cette survivante d'Auschwitz, ce vaticaniste se met en tête de lui faire raconter son histoire, via une interprète là encore. En italien, le récit sort en janvier 2022, puis il a été traduit en polonais, espagnol, anglais et portugais.

En français, le hasard veut qu'en même temps que celui de Lidia Maskymowicz soit republié le récit d'une autre survivante, "Les jumelles de Mengele" par Eva Mozes Kor (éditions Armand Colin). Cette Juive roumaine est décédée en 2019.

Josef Mengele est quant à lui mort en fuite au Brésil en 1979, sans avoir jamais dû répondre de ses crimes.

Les deux autrices ont pour point commun d'insister sur leur absence de haine contre le Dr Mengele. Les mots d'Eva Mozes Kor ont même fait débat, là où elle écrit qu'une femme lui a demandé si elle envisageait de "pardonner".

"La question m'a d'abord interloquée, mais je lui ai ensuite promis que je le ferais: en effet, j'avais aussi le pouvoir de pardonner à l'Ange de la mort", explique-t-elle dans son ouvrage.

"J'ai choisi de ne pas cultiver la haine et la vengeance", écrit pour sa part Lidia Maskymowicz.

«Regard glaçant»

Quand on lui demande comment elle peut garder des souvenirs alors qu'elle était si jeune à Auschwitz-Birkenau, elle parle de "flashes", comme les fois où "l'instinct de l'enfant nous a indiqué de nous cacher sous les couchettes, pour ne pas être vus par le Dr Mengele".

Pour savoir ce qu'elle a vécu exactement, elle a consulté les travaux des historiens.

"On nous prélevait du sang. (...) On testait également sur nous des vaccins. (...) On instillait dans nos yeux une solution censée changer la couleur de nos yeux en bleu", énumère-t-elle au Mémorial de la Shoah.

Dans le livre, elle explique n'avoir gardé aucun souvenir des traits du célèbre nazi, mais de ses "bottes bien cirées" et de "son regard glaçant".

Le jour approche où plus personne ne pourra dire l'avoir vu à l'œuvre à Auschwitz.

"Actuellement, on a l'impression que les gens sont plutôt indifférents à ce qui s'est passé. Donc tant que j'ai la santé, tant que j'ai la force, je veux témoigner pour qu'il n'y ait pas d'indifférence", souligne-t-elle, interrogée par l'AFP avant de donner sa conférence.

La vieille dame s'y est présentée avec une peluche de Mickey dans les bras. Elle a expliqué qu'elle la rapportait de Disneyland, où elle s'était rendue pour faire plaisir à l'enfant en elle.


Le théâtre libanais à Dubaï : un pont culturel en pleine croissance

Badih Abou Chakra et Rola Beksmati. (Photo: fournie)
Badih Abou Chakra et Rola Beksmati. (Photo: fournie)
Short Url
  • Le théâtre libanais rayonne à l’international, et Dubaï s’impose comme un carrefour culturel où les artistes créent des liens profonds avec un public local et international
  • Badih Abou Chakra et Rola Beksmati soulignent l’importance du soutien gouvernemental, des subventions et des partenariats privés pour faire évoluer le théâtre libanais et toucher un public plus large

DUBAÏ:  Le théâtre libanais, riche de son histoire et de ses dynamiques culturelles, connaît un essor remarquable à Dubaï, une ville qui s’affirme comme un carrefour culturel entre le Liban et la région du Golfe.

Ces dernières années, des productions comme Venus ont renforcé l’idée que Dubaï devient un prolongement du théâtre libanais, porté par des artistes talentueux désireux d’explorer des thématiques universelles.

Badih Abou Chakra, acteur, explique dans une interview avec Arab News en français : « Le lien entre Dubaï et le Liban est avant tout culturel. Les Libanais cherchent à se reconnecter à leur pays d’origine à travers l’art vivant. Le théâtre offre un moyen de renouer avec leurs racines tout en s’adaptant aux réalités contemporaines. »

Cette vision trouve un écho dans Venus, une pièce qui, à travers sa mise en scène et ses performances, aborde des thèmes puissants liés aux relations humaines, au pouvoir, à la vulnérabilité, mais aussi à l’introspection personnelle et collective.

Une exploration des relations humaines

Dans Venus, une actrice et un metteur en scène se retrouvent dans un face-à-face intense lors d’une audition. La pièce explore la complexité de leur dynamique, mettant en lumière les jeux de pouvoir, mais aussi les instants de fragilité qui peuvent marquer toute relation professionnelle.

Venus met en scène Rola Beksmati et Badih Abou-Chacra, avec un texte original de David Ives, adapté par Lina Khoury et Gabriel Yammine, et dirigé par Jacques Maroun.

Selon Badih Abou Chakra, « Le théâtre n’est pas simplement une performance. Il s’agit de l’exploration de l’être humain dans toute sa diversité. Sur scène, l’interaction entre les acteurs devient une exploration de l’intime et du collectif. »

--
(Photo: fournie)

C’est cet aspect vivant, cette énergie particulière entre les deux artistes, qui nourrit l’essence même de la pièce.

Rola Beksmati, co-vedette de la production, partage également sa vision du processus créatif : « Le théâtre, c’est avant tout un espace où l’on explore constamment de nouvelles facettes de soi. Chaque représentation devient une occasion de redécouvrir des aspects que l’on ne soupçonnait pas chez soi. »

Pour elle, l’échange avec le public et l’autre acteur est essentiel : « C’est cette interaction qui confère toute sa richesse au théâtre. »

L’écriture et le soutien institutionnel : clés de l'évolution du théâtre

Rola Beksmati évoque l’écriture comme un moyen essentiel de se connaître : « Le théâtre, à travers l’écriture, permet de projeter une part de soi, de la comprendre et de la faire évoluer. » Pour elle, chaque texte théâtral devient une exploration, une manière de grandir en tant qu’artiste et en tant qu’individu. L’écriture devient ainsi une forme d’introspection.

--
(Photo: fournie)

Cependant, pour que cette scène théâtrale prospère au Liban, un soutien structurel est indispensable. Badih Abou Chakra met en lumière le manque de stratégie de financement : « Les subventions publiques sont essentielles, mais il est également crucial de développer des partenariats avec le secteur privé. Grâce à ces contributions, le théâtre pourra évoluer, attirer de nouveaux talents et proposer des productions de plus grande envergure. »

Une scène théâtrale en expansion

Le théâtre libanais à Dubaï, à travers des productions comme Venus, démontre la capacité de l’art théâtral à transcender les frontières géographiques et culturelles. La scène artistique émiratie devient ainsi un terreau fertile pour l’émergence de nouvelles voix, portées par une créativité enracinée dans les réalités libanaises, tout en s’ouvrant à un public régional.

Pour que cette dynamique se renforce, un soutien soutenu de l’État et du secteur privé est indispensable. L’art théâtral ne se limite pas à la scène : il nécessite des investissements, des ressources et une structure protectrice pour garantir la pérennité des productions et favoriser l’émergence de nouvelles générations de talents.


Versailles célèbre l’union musicale entre la France et l’Arabie saoudite

(Photo: Instagram)
(Photo: Instagram)
Short Url
  • Un concert exceptionnel au Château de Versailles a réuni l’Orchestre et le Chœur National d’Arabie saoudite avec l’Orchestre de l’Opéra Royal
  • La soirée a mis en lumière les arts traditionnels saoudiens et la musique classique française

VERSAILLES: Dans le cadre somptueux du Château de Versailles, l’un des joyaux du patrimoine français, s’est tenu vendredi 5 septembre un concert intitulé Les Merveilles de l’Orchestre d’Arabie saoudite. Organisé sous le haut patronage du Prince Bader ben Abdullah ben Farhane Al Saud, ministre saoudien de la Culture et président du Conseil d’administration de la Commission musicale, cet événement a marqué un moment fort de la coopération culturelle entre le Royaume d’Arabie saoudite et la République française.

Porté par la Commission musicale, en collaboration avec la Commission du Théâtre et des Arts de la Scène, ce concert a réuni sur scène l’Orchestre et le Chœur National d’Arabie saoudite et l’Orchestre de l’Opéra Royal du Château de Versailles, dans une performance conjointe inédite. Ensemble, ils ont livré une fresque musicale riche et raffinée, mêlant tradition et modernité, Orient et Occident.

La soirée s’est distinguée par la présence de nombreuses personnalités éminentes, dont le Prince Bader ben Abdullah ben Farhane Al Saud, le Prince Turki ben Faisal Al Saud, la Princesse Haifa Al Mogrin, ambassadrice d’Arabie saoudite à Madrid, Majid ben Abdullah Al-Kassabi, ministre saoudien du Commerce, Rachida Dati, ministre française de la Culture, ainsi que Brigitte Macron.

Un hommage vibrant au patrimoine culturel saoudien a été rendu à travers quatre formes emblématiques des arts du spectacle traditionnels : Al Khobeiti, Al Majroor, Al Rifaihi et Al Khathwah, interprétés avec grâce par les artistes de la Commission du Théâtre et des Arts de la Scène. Ces tableaux vivants ont offert au public une plongée sensorielle dans l’héritage vivant du Royaume.

View this post on Instagram

A post shared by Ambassade de France à Riyad (@franceinksa)

En miroir à cette richesse, l’Orchestre de l’Opéra Royal a interprété des chefs-d’œuvre de la musique française, faisant résonner l’élégance intemporelle du répertoire classique national. Le point culminant de la soirée fut le segment fusion, véritable dialogue musical entre les deux ensembles, qui a symbolisé l’harmonie entre les cultures.

Cette soirée s’inscrit dans la continuité d’un parcours international remarquable pour l’Orchestre et le Chœur National d’Arabie saoudite. Après des représentations saluées à Mexico, New York, Londres, Tokyo, Riyad et Sydney, Versailles a offert une étape prestigieuse, qui résonne comme l’accomplissement d’un projet artistique d’envergure.

Depuis leur première apparition internationale au Théâtre du Châtelet en 2022, les musiciens saoudiens n’ont cessé de séduire par la profondeur de leur répertoire. Cette nouvelle escale à Versailles s’inscrit également dans l’élan diplomatique impulsé par la visite d’État saoudienne de décembre 2024, et la signature récente de deux accords majeurs avec la Philharmonie de Paris et le Grand Palais.

Au-delà de la performance, Les Merveilles de l’Orchestre d’Arabie saoudite ont incarné un puissant symbole de dialogue interculturel. Une célébration de la musique comme langage universel, capable de bâtir des ponts durables entre les peuples, et de magnifier les valeurs de respect, de partage et de beauté commune.


« Palestine 36 », soutenu par l’Arabie saoudite, présenté en avant-première au TIFF 2025

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
Short Url
  • Le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir, présenté au TIFF 2025, revient sur le soulèvement palestinien de 1936 contre le mandat britannique
  • Financé en partie par le Red Sea Film Fund d’Arabie saoudite, le film explore un moment décisif pour la région

DUBAÏ : Le film Palestine 36 de la réalisatrice Annemarie Jacir a été présenté cette semaine en avant-première au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2025 lors d’une projection de gala.

Le film a été en partie financé par le Red Sea Film Fund, soutenu par l’Arabie saoudite.

Situé aux abords de Jérusalem, Palestine 36 raconte l’histoire du soulèvement arabe contre le mandat britannique.

Le synopsis officiel indique : « En 1936, alors que les villages de la Palestine mandataire se soulèvent contre la domination coloniale britannique, Yusuf erre entre son village rural et l’énergie bouillonnante de Jérusalem, aspirant à un avenir au-delà des troubles croissants.

Mais l’Histoire est implacable. Avec l’arrivée massive de réfugiés juifs fuyant l’antisémitisme en Europe, et la population palestinienne unie dans le plus vaste et le plus long soulèvement contre les 30 ans de domination britannique, toutes les parties glissent vers une collision inévitable — un moment décisif pour l’Empire britannique et pour l’avenir de toute la région. »

Le film réunit une distribution internationale : l’acteur oscarisé Jeremy Irons, la star de Game of Thrones Liam Cunningham, l’acteur tunisien Dhafer L’Abidine, ainsi que les talents palestiniens Hiam Abbass, Yasmine Al-Massri, Kamel El Basha et Saleh Bakri.

La première a réuni de nombreuses personnalités, dont les acteurs britanniques Billy Howle et Robert Aramayo, l’acteur palestinien Karim Daoud Anaya, le producteur de cinéma palestino-jordanien Ossama Bawardi, ainsi que Jacir, Bakri, Al-Massri et Abbass.

Jacir, à qui l’on doit Salt of the Sea, When I Saw You, Wajib et des épisodes de la série Ramy, a entamé le travail sur ce projet avant la pandémie mondiale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com